Publié le 28 Dec 2017 - 18:29
RETRO ECONOMIE

Une situation mi-figue, mi-raisin

 

Si de gros nuages enveloppent toujours le secteur des hydrocarbures ou le financement du Ter, de grandes avancées ont été accomplies dans les projets structurants du régime en 2017.

 

Démission ou limogeage ? Jusqu’à présent, les contours de la sortie de Thierno Alassane Sall, Ministre de l’Energie et du Développement des énergies renouvelables du gouvernement Dionne I, restent flous. La manière dont il a quitté demeure néanmoins très anecdotique par rapport aux véritables motifs de son départ en début mai 2017. Le refus de signer un contrat démesurément léonin en faveur du géant Français des hydrocarbures Total, serait la raison qui est la plus avancée pour expliquer ce divorce entre Macky Sall et son ministre de l’Energie et des Energies renouvelables. Juste après que le décret 2017-696 du 2 mai 2017 a mis fin aux fonctions ministérielles de Thierno Alassane Sall, cumulées par le chef du gouvernement Mahammed  Dionne, un contrat a aussitôt été signé entre le gouvernement sénégalais et Patrick Pouyanné, Pdg de Total.

‘‘La cérémonie, qui devrait avoir lieu le matin, a été tenue dans l’après-midi avec le nouveau ministre qui ne connaissait pas les détails qu’il a signés et n’avait pas fait la passation de service avec son prédécesseur. C’est-à-dire, le contrat a été signé avant la cérémonie de passation de service qui devait se tenir neuf jours après. A priori, un ministre ne peut même pas accéder aux services ou dans les bureaux, encore moins signer, s’il n’a pas fait la passation de service’’, a alors dénoncé Thierno Alassane Sall plus tard, dans une émission de la Rfm. Un fait qui a créé une onde de choc dans le microcosme déjà très opaque du monde balbutiant des hydrocarbures dont des gisements importants ont été découverts au large du Sénégal.

Le 7 septembre dernier, à l’annonce de la formation du nouveau gouvernement, le département est renommé en ministère du Pétrole et des Energies dirigé par Mansour Elimane Kane. Ce dernier a promis qu’avec la révision du code pétrolier en cours, le Sénégal ne va plus signer de contrats pétroliers avec de petites sociétés, mais seulement avec les majors.

Pour l’instant, les deux compagnies juniors, la Britannique Cairn Energy et l’Américaine Kosmos Energy, annoncent la décision d’investissement final pour 2018. Dans son bilan semestriel publié en août 2017, Cairn table sur 75 mille à 125 mille barils par jour, dans la phase initiale de production de pétrole, pour 2021-2023. Son bilan à mi-parcours fait état de cette projection plutôt optimiste et d’une phase de développement de son champ Sne, la plus grande découverte mondiale de pétrole en 2014. ‘‘Au Sénégal, nous avons déjà commencé le travail de planification sur la phase de développement de ce bassin de classe mondiale’’, s’était félicité le directeur exécutif de Cairn Energy Plc, Simon Thomson.

Quant à l’Américaine Kosmos Energy, ses travaux sur Cayar Offshore profond et St. Louis Offshore profond sont exécutés à 32,51 %.

En attendant les retombées issues de l’exploitation de ces deux ressources minérales, le rapport 2016 de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Itie) fait savoir que le secteur extractif a accusé un coup de moins bien pour 2016, avec 116,8 milliards contre 118 milliards pour 2015.

 le domaine de l’énergie de manière globale, les autorités semblent être sur le point de réussir le pari du Mix énergétique avec la centrale solaire de Bokhol, de Malikounda, de Sinthiou-Mékhé et celle de Ten Marina qui sera inaugurée en janvier 2018. Ceci, sans compter que le prochain Compact avec les Usa vise le secteur de l’énergie avec une formule ‘‘Power-to-Gas’’ destinée à adapter les installations pétrolières à la production gazière.

Haro sur le franc Cfa

Le débat était larvé depuis le début de la décennie 2010. Mais, dans la lignée d’un refus des Accords de partenariats économiques (Apa), un militantisme économique s’est à nouveau offusqué de la dépendance monétaire de la Zone franc cette année. Le franc de la Communauté financière africaine (F Cfa), qui célébrait ses 72 ans avant-hier, la monnaie utilisée par huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et six de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac), toutes anciennes colonies de la France, a été contestée au motif qu’elle constitue un frein au développement de ces Etats qui s’en servent. Malgré des contestations initiales de Guy Marius Sagna du Front contre les Ape, la question prend une ampleur polémiste nationale puis sous-régionale, quand ‘‘l’afro-activiste’’ franco-béninois, Kémi Séba, brûle un billet de 5 000 F Cfa à la place de l’Obélisque le 19 août, lors d’un rassemblement contre la ‘‘Francafrique’’.

Un autodafé en guise de protestation qui lui  a valu d’être interpellé, jugé, relaxé et expulsé du Sénégal seize jours plus tard. ‘‘Je savais qu’en effectuant cet acte purement symbolique, la Bceao (Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest), sans doute sur commande de la Banque de France, engagerait une procédure visant à me mettre en prison. Je le savais et je suis prêt à en payer le prix du plus profond de mon âme’’, déclarait-il le soir même de son acte sur sa page Facebook. Si les pro-Cfa ainsi que les agences de notation trouvent que cette monnaie, arrimée à l’euro depuis 1999, évite à la Zone franc l’inflation qu’on note avec les autres monnaies nationales africaines, Lionel Zinsou affirme que cette monnaie est gage de stabilité, puisque que sa convertibilité est garantie par le Trésor français, et est un outil de fluidité des échanges, car les transferts au sein de la zone Uemoa sont libres.

De l’autre côté, des intellectuels et économistes de renom comme Demba Moussa Dembélé se sont signalés à nouveau dans des prises de position qui pourraient faire évoluer la vision sur cette problématique. Pour l'économiste sénégalais, la stabilité dont on parle n’est favorable qu'aux entreprises européennes et surtout françaises qui opèrent dans cette zone monétaire. ‘‘Elles ne courent aucun risque de change et peuvent rapatrier la totalité de leur profit parce que, dans les mécanismes de fonctionnement de la Zone franc, il y a une liberté totale des transferts entre nos pays et la France’’, explique le chercheur qui considère le franc Cfa comme une ‘‘servitude monétaire’’.

Malgré les assauts répétés sur cette monnaie, le ministre de l’Economie, des Finances et du Plan (Mefp), Amadou Ba, explique que la sortie du Sénégal de la Zone franc n’est pas pour demain. ‘‘Le franc Cfa, c’est d’’abord notre monnaie, même si nous avons un accord avec la France... La France assure la convertibilité et garde 50 %’’, a-t-il déclaré lors de son passage à l’hémicycle pour le vote du budget.

Polémique sur la dette

Quand le débat politique s’enrichit de la dette, c’est forcément un économiste qui est à la manœuvre. S’il est doublé d’un ancien président de la République, bonjour les dégâts ! Abdoulaye Wade a jeté la première pierre, lors d’une visite juste avant le Magal de Touba, accusant l’actuel régime de flirter avec un taux d’endettement de 70 %. Le dimanche 5 novembre 2017, Me Abdoulaye Wade avait décrié la gestion de la dette par son successeur.

‘‘Le pays s’est beaucoup dégradé depuis que je suis parti. Le taux d’endettement est de 65 %. J’ai été professeur d’économie et tous les livres que j’ai explorés enseignent que le taux ne doit jamais excéder 17 %. La situation financière est carabinée’’, avait-il lancé, provoquant des réactions en chaine de toute l’administration monétaire. En réponse, un communiqué du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan, daté du 6 novembre, a tenté d’apporter des précisions après que les déclarations de Me Wade ont été vivement commentées. ‘‘A partir de 2015, le Sénégal a enregistré une série de records économiques et financiers. Le taux de croissance a dépassé, pendant trois années consécutives, la barre des 6 % : 6,5 % en 2015, 6,7 % en 2016 et 6,8 % prévu en 2017.

Cette croissance s’est faite dans un contexte de maîtrise de l’inflation et de réduction constante du déficit budgétaire qui a été ramené à 4,2 % en 2016 et 3,7 % en 2017’’, lit-on. Un communiqué qui n’a pas manqué de s’en prendre à l’économiste d’ancien président et souligne que c’est sous sa gestion que la situation économique a connu des reculs, puisque le taux d’endettement du Sénégal a plus que doublé entre 2006 et 2012, passant de 21,3 %  à 42,9 % du Pib. ‘‘Si ce rythme de progression de la dette était maintenu pour un troisième mandat accordé au président Wade, le Sénégal serait aujourd’hui à un niveau d’endettement de plus de 85 %’’, réplique le ministère de l’Economie.

Si les organisations internationales ont salué les performances macroéconomiques du Sénégal et la viabilité de sa dette en général, la représentante résidente du Fonds monétaire international (Fmi), Cemile Sancak, avait bel et bien jugé ‘‘que les indices de la dette se sont détériorés’’, lors de la revue annuelle conjointe tenue ce 4 décembre au palais de la République.

Aibd-Ter, joyaux à problèmes

Alors que le Plan Sénégal émergent (Pse) amorce sa deuxième phase en début d’année prochaine, les auspices semblent plus ou moins favorables aux autorités. La pose de la première canalisation de Keur Momar Sarr 3 (Kms3) est une promesse de besoins hydrauliques satisfaits. D’ici à 2020, les premières productions devraient renforcer la quantité en eau de 100 000 m3/jour qui devraient être portés à son double, 200 000 m3, à l’horizon 2025.

Mais tout n’a pas été rose dans les grands projets de l’Etat. Juste une semaine après son inauguration en grande pompe, le 7 décembre 2017, l’aéroport international Blaise Diagne de Diass (Aibd) enregistre sa première grosse déconvenue. Une grève des aiguilleurs déclenchée le 15 décembre dernier bloque le trafic aérien sur l’espace aérien sénégalais et met à nu les failles d’une infrastructure dont l’empressement dans l’ouverture a été incompris et dénoncé par les usagers. Problèmes ou pas, l’Etat sénégalais aura réussi le pari de respecter les délais d’exécution qu’il s’était fixés pour ce chantier et qui a commencé une décennie plus tôt. Dans le stade terminal, l’idée de renommer l’aéroport d’Abdoulaye Wade, initiateur du projet, a rencontré une vive opposition de ce dernier à qui le président Macky Sall a rendu un hommage lors de la cérémonie officielle.

Quant au Train express régional (Ter), son inauguration prévue pour février 2019 devrait aussi faire beaucoup parler. La libération des emprises sur le tracé de ce train n’a pas été de tout repos pour les impactés, surtout à Rufisque. Mais ce sont surtout les sommes engagées dans ce projet structurant du Pse qui constituent un point très flou. Le député de Ndawi Askan Wi, Ousmane Sonko, dans la suite d’une dénonciation longtemps entretenue, a déclaré que plus 1 000 milliards de francs Cfa étaient engloutis dans ce projet, contrairement aux 568 millions avancés officiellement par les autorités. Une déclaration réitérée devant le chef du gouvernement, lors sa déclaration de politique générale, le 5 décembre dernier, pour laquelle Mahammed Dionne a invité Sonko à prendre un verre et... discuter de leurs preuves.

OUSMANE LAYE DIOP

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