Publié le 17 Jul 2018 - 11:54
RISQUES DE FUITES ET GREVES REPETEES

Un Bac sous la tempête

 

Il existe certainement une meilleure manière d’aborder le Bac que celui de 2018. Non seulement, les fuites de l’année dernière vont planer sur l’organisation, mais aussi, les candidats ont connu deux des trois années de leur cycle secondaire fortement perturbées.

 

Ce matin, 157 687 candidats iront à la recherche de leur premier diplôme universitaire. Certes, les anticipés de philosophie ont déjà eu lieu, mais c’est à la sortie de ces deux à trois jours que les prétendants sauront si les portes des universités leur seront ouvertes cette année ou pas. En attendant que les uns et les autres soient fixés sur leur sort, il y a mille et une questions à se poser à propos du Baccalauréat 2018. D’abord, du fait de l’organisation des examens en 2017, ensuite, au vu du déroulement de l’année scolaire 2018. En fait, l’année dernière, le Bac sénégalais a failli chavirer à jamais dans l’océan du réseau social WhatsApp, tant les fuites étaient importantes. Certains n’avaient d’ailleurs pas hésité à demander l’annulation de l’examen et sa reprise. Mais le ministère de l’Enseignement supérieur, estimant que c’était juste quelques matières qui ne mettaient pas en cause la validité du diplôme, avait refusé toute idée d’une nouvelle organisation. ‘’La crédibilité de l’examen n’est pas entachée’’, déclarait le directeur de l’Office du Bac de l’époque, Babou Diaham, lors d’une conférence de presse au milieu du déluge.

Babou Diaham, justement ! Après les épreuves, il a été la deuxième cible d’une bonne partie de l’opinion. Ils ont été nombreux à réclamer son départ. Mais c’était sans compter sur la détermination de l’homme. ‘’C’est un décret qui m’a nommé et je crois certainement que c’est un décret qui va m’enlever. Tant que nous jouissons de la confiance de nos autorités, on sera sur place.  Ce que je peux vous dire et vous garantir, c’est que, aujourd’hui plus que jamais, on a la motivation, le souci de bien faire qui nous anime depuis 2001’’, rétorquait-il.  Seulement, le mal était assez profond pour laisser indemne l’enfant de Soum. Finalement, celui que l’on croyait inamovible sera limogé lors du Conseil des ministres du mercredi 25 avril 2018, quelques mois après le tollé. C’est dire que le nouveau capitaine du Bac, le Pr. Socé Ndiaye, est particulièrement attendu sur la sécurité des épreuves et la crédibilité du diplôme.

Avant même qu’il ne soit nommé, son prédécesseur avait tenu, à Saint-Louis, le 7 décembre 2017, un atelier sur la réforme de l’examen. Depuis son arrivée, Socé Ndiaye a affiché une ferme volonté de faire respecter les règles du jeu. Parmi les mesures annoncées, l’interdiction des téléphones portables, tablettes et autres dans les centres d’examen. La décision n’est certes pas nouvelle, parce qu’elle est annoncée depuis des années, mais le nouveau venu s’inscrit dans une logique d’application rigoureuse de la réglementation. M. Ndiaye rappelle que dans le passé, des portables ont été confisqués, les présidents de jury rédigeaient ou non des rapports, mais presque aucun candidat n’a été sanctionné, encore moins traduit en conseil de discipline pour détention de téléphone. Désormais, avertit-il, il n’y aura plus de concession. ‘’Tout candidat qui aura par-devers lui un téléphone portable sera exclu. Le texte sera appliqué dans toute sa rigueur’’, prévient-il, soulignant, au passage, que les présidents de jury ont reçu l’ordre d’observer rigoureusement la disposition. D’après lui, 100 % des fraudes au Bac sont liés à l’usage des technologies.

5 mois de grève en 2nd et en terminale

Ainsi, même si les autorités sont connues pour des déclarations sans lendemain, les postulants seraient mieux inspirés de ne pas prendre le risque d’amener leurs téléphones et autres objets connectés. Déjà, selon une note de l’office, 127 candidats ont été exclus durant les anticipés de philosophie et le Bac technique. Thiès remporte la palme avec 124 élèves pour la Philo et 3 pour le Bac technique.

Il faut dire qu’au-delà de la sécurisation du Bac, Socé Ndiaye joue sa propre crédibilité, lui qui est censé redresser la barque, après le naufrage évité de justesse l’année dernière. Par conséquent, il ne lésinera certainement pas sur les moyens. ‘’Nous sommes obligés de nous adapter à l’évolution des nouvelles technologies. Sinon, nous allons arrêter d’organiser le Baccalauréat’’, disait-il. D’ailleurs, l’interdiction ne se limite pas aux élèves. Les 18 600 surveillants sont aussi astreints à la même obligation, le temps des épreuves.

Il reste à savoir si ce dispositif permettra de maitriser les risques avec les technologies, les réseaux sociaux en particulier. En Guinée voisine, on parle d’une fuite massive avec l’utilisation des Tic, au point que certains réclament l’annulation de l’examen. L’autre mesure qu’on peut qualifier de nouvelle est la double sécurisation des malles contenants les épreuves. Au lieu d’une clé, les coffres auront deux clés chacun, l’une avec le président de jury et l’autre avec le président du centre.

Outre les aspects organisationnels, il y a aussi lieu de se poser des questions sur la préparation des candidats. Sont-ils prêts pour les épreuves ? La question est d’autan plus légitime que ces élèves, qui frappent aujourd’hui à la porte de l’université, ont connu un cycle secondaire très mouvementé. En 2016, le Sénégal a frôlé une année blanche. Le Premier ministre a arraché un accord avec les enseignants, le 30 avril. Les candidats actuels étaient alors en classe de 2nd. En 2018 aussi, le président de la République a obtenu un accord avec les syndicats, le 30 avril. La coïncidence des dates est d’ailleurs frappante, toujours à deux mois de la fermeture des classes. Et, a chaque fois, le gouvernement a essayé de colmater les brèches avec une prolongation de l’année scolaire de deux semaines, avec des arguments du genre : ‘’C’est une grève perlée, les établissements ne sont pas impactés au même niveau.’’

Ainsi donc, en 2nd comme en terminal, ces élèves ont vu un mouvement de grève de 5 mois compensé ( ?) par 15 jours de cours. Reste à savoir si l’année 2017 qui n’a pas connu de perturbation a permis de limiter les dégâts. En attendant, une chose est déjà sûre : il y a eu du bachotage en 2018, l’année du Bac. De quoi s’inquiéter sur les résultats !

BABACAR WILLANE

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