Publié le 6 Jul 2017 - 20:30
SÉCURISATION DES SUJETS

Les épreuves sous tunnel

 

Les examens au Sénégal sont souvent secoués par des cas de fuites. Et pourtant, les sujets semblent bien bunkerisés. Ce qui alimente les supputations pour l’heure.

 

À voir le processus de sélection des épreuves et leur encadrement jusqu’à la table d’examen de l’élève, on ne manque pas de se demander à quel niveau ça peut bien fuiter. En fait, tout semble fermé du début à la fin. Chaque année, l’Office du bac sélectionne 10 à 20 enseignants chevronnés dans chaque discipline. Ils leur demande de faire des propositions de sujets. Les enseignants sont saisis directement, le président de l’établissement où il sert n’est même pas au courant, d’après un interlocuteur qui a déjà l’expérience. Quand l’enseignant propose un sujet, c’est lui-même qui porte l’enveloppe à l’Office du bac. Le sujet ne doit pas être saisi. L’enseignant ne laisse aucune trace. Il s’engage à la confidentialité et à ne pas le traiter durant les cinq prochaines années. Au départ, il y a donc entre 10 et 20 sujets pour chaque discipline.

Une fois cette étape franchie, l’Inspecteur général de l’éducation et de la formation (IGEF) met sur pied une commission de sélection. Ils sont 4 à 5 profs dans la discipline et sont réputés expérimentés. Ce sont eux qui doivent faire le tri et sélectionner 3 sujets à retenir. Pour éviter une redondance, l’IGEF leur donne les sujets des 5 dernières années. Cependant, la commission n’est pas obligée de sélectionner un sujet dans son intégralité. Elle le fait rarement d’ailleurs, explique une source qui  a eu à y  officier. En fait, à l’heure du dépouillement, trois critères sont dégagés pour chaque sujet : la maîtrise des connaissances, la compétence méthodologique et le raisonnement scientifique. Un sujet peut être pertinent sur un critère et ne pas l’être sur l’autre. Ce qui fait qu’au final, les sujets retenus sont la sélection des parties de différentes propositions. Une fois les trois épreuves choisies, la commission rend le résultat à l’IGEF. Son travail est terminé et ses membres sont censés avoir oublié tout sur les épreuves. ‘’Personne n’entre à la division pédagogique avec du matériel. Quant tu viens, tu travailles avec les équipements de la  direction, et tu les rends avant de partir. Tu n’a donc aucune trace sur toi’’, précise cet interlocuteur.

Il revient alors à l’IGEF de choisir lequel des sujet sera soumis à la réflexion des candidats. Ce qui veut dire que les membres de la sous-commission ne savent pas sa décision finale. Il renferme alors les épreuves dans trois enveloppes. Sur la première, il met bon à tirer. La deuxième porte la mention recours, c’est-à-dire sujet de rechange en cas de fraude. Et sur la dernière, destinée à la session d’octobre, il est inscrit, remplacement. C’est seulement après tout ce processus que les enveloppes sont remises au chef de division pédagogique pour la saisie. ‘’Seul l’IGEF et le chef de la division pédagogique sont censés savoir’’, précise-t-on. Évidement, ce dernier n’est pas seul. Il a 3 à 4 agents qui l’assistent plus la secrétaire.

‘’Il peut arriver qu’il y ait négligence ou culpabilité à ce stade’’, relève une source. C’est là-bas que les copies sont mises sous enveloppes  et déposées  dans des malles scellées. L’Office du bac les achemine jusqu’aux centres. Le chef de l’établissement  en est  le responsable jusqu’à l’arrivée du président de jury. À l’arrivée de ce dernier, les clés sous enveloppe fermée lui sont remises. Il ouvre la malle et voit les épreuves fermées des enveloppes qui ne seront ouvertes que devant les candidats à l’heure des examens. Dans ces conditions, l’on se demande qui a bien pu faire fuiter. Pour l’heure, il n’y a que des interrogations. Est-ce du ‘’sabotage de forces tapies dans l’ombre ? ou bien de la négligence ? Certains cherchent même à accuser les syndicats d’enseignants. Une idée qui révulse Abdoulaye Ndoye. ‘’Nous ne sommes pas dans de petits  calculs. Nous ne faisons pas de fixation sur une personne. Nous parlons de faits suffisamment graves. Un enseignant n’a aucun intérêt à ce que le bac soit à terre. Nous sommes des acteurs du système ; il faut être sérieux !’’ rétorque-t-il. 

BABACAR WILLANE

 

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