Publié le 8 Jan 2020 - 15:22
SADIO MANE, MEILLEUR JOUEUR AFRICAIN 2019

Les sentiers de la gloire et... de la progression

 

Un sacre tant attendu et bien mérité a sanctionné une année 2019 exceptionnelle pour l’ailier sénégalais Sadio Mané. Un trophée individuel qui pourrait marquer le tournant d’une carrière à faire passer au palier supérieur. A Liverpool ou ailleurs.

 

Chose promise, chose due. Arrivé second de Ballon d’or africain l’an dernier, derrière son coéquipier égyptien en club, Sadio Mané avait promis aux Sénégalais qu’‘‘un jour, il gagnerait ce trophée’’. Un an plus tard, il efface cette déconvenue dakaroise par un succès cairote dans un échange de bons procédés inversé avec Mo Salah.  Un triomphe qui est une suite logique d’une année 2019 qu’il aura survolée devant ses pairs africains nominés : Onze d’or Mondial, meilleur buteur de la Premier League, vainqueur de la Ligue européenne des champions, du Mondial des clubs, de la Supercoupe d’Europe. Ce trophée continental n’était qu’une évidence, une formalité pour laquelle l’absence de ses deux concurrents nominés avait tué le suspense.

‘‘Ce n’est pas surprenant du tout. C’est amplement mérité !’’, avance Saliou Bo Touré, le coach de Diamono de Fatick, contacté hier par ‘’EnQuête’’.

Si Sadio partage ces succès collectifs avec son partenaire d’attaque en club et rival d’un soir de trophée, il s’est nettement distingué par une finale perdue de Coupe d’Afrique des nations, un Onze d’or Mondial et une frustrante quatrième place au Ballon d’or  France Football.  Sadio Mané reverdit les prairies du foot sénégalais, 18 ans après le double sacre d’El Hadj Diouf. Ce Ballon d’or, récompense aussi la progression, régulière et fulgurante, de Sadio Mané sur les bords de la Mersey, depuis 2016, et bien avant.

BO France Football, à portée de main pour 2020

Détenteur du triplé le plus rapide de la Premier League avec Southampton en mai 2015 (en 2 minutes 56 secondes), l’ailier est un exemple d’abnégation. Le trophée remporté hier l’avait échappé de peu, l’année dernière, tout comme la Champions League qu’il a gagnée en 2019 l’avait fui un an auparavant. Le natif de Bambali semble à l’apogée de sa carrière. Mais de nouvelles frontières sont là, au-delà desquelles se trouvent des défis encore inexplorés de sa légende personnelle et collective.

Si le sacre d’hier a été une revanche par procuration, il n’en demeure pas moins un maigre lot de consolation pour la 4e place du BO France Football, la perte du championnat d’Angleterre l’an dernier (2e avec 97 pts) et celle de la Coupe d’Afrique des nations. Des ratés qui ont été fatals aux prétentions de Sadio Mané sur le trophée individuel le plus convoité du foot. Talla Fall, chargé de communication de Génération Foot où Sadio a fait ses classes, estime que s’il devait le perdre encore, le Ballon d’or France Football, ce serait sur un critère autre que sportif.

‘‘C’est un vote. C’est un paramètre déterminant qu’on ne peut ignorer. Il peut rééditer sa saison de 2019 pour cette année. Impossible n’est pas Sadio Mané !’’, explique-t-il au téléphone d’’’EnQuête’’. Un point sur lequel rebondit Saliou Bo Touré, le coach de Diamono de Fatick, qui estime que la pression et la frustration nées de sa récente 4e place au BO sont à l’avantage du natif de Bambali pour la prochaine édition. ‘‘S’il réédite sa saison ou fait mieux, c’est sûr qu’il fera partie du podium cette fois et le tollé de la dernière sera une pression pour les votants’’, estime le coach fatickois.

En somme, si Sadio Mané réédite sa saison de référence, il pourrait non seulement se présenter encore devant les ogres du foot mondial, mais il sera un prétendant sérieux au BO.

Rester à Liverpool ou partir en Liga

Partant sur des standards encore plus élevés que 2019, Liverpool et sa figure de proue sénégalaise sont prédestinés à briser le sort qui les poursuit depuis 30 ans : remporter la Premier League, avec au passage un possible record d’invincibilité sur une saison. Les Reds n’arrivent plus à perdre, grâce à une puissance de feu offensive animée par Sadio (19 matches, 11 buts, 6 passes décisives) en 21 journées de championnat, dont un match à jouer pour les Reds.

En début d’été 2020, Sadio Mané aura-t-il atteint son seuil de compétence, en aidant Liverpool à décrocher son 19e titre ? Sera-t-il toujours en appétence devant les objectifs du club de la Mersey ?

Pour Talla Fall, le potentiel de Liverpool, qui a battu son rival Everton avec son équipe B, dimanche dernier, pourrait être un bon signal que la présence du n°10 des Lions dans la Mersey est superflue. ‘‘Quand on voit l’équipe qui a joué en Coupe, la dernière fois, on est en train de préparer la relève. Il y a des choses qui ne disent pas leurs noms. L’idéal serait qu’il parte et de se lancer un nouveau défi, après cinq ans dans un club où on a déjà tout prouvé. S’il gagne le titre en fin de saison, il aura tout accompli. Il serait plus judicieux que de rester une année de plus. Ça pourrait être l’année de trop.  Klopp pourrait partir’’, explique M. Fall.

Un argument qui pourrait être remis en cause par la prolongation du contrat de Klopp, ce 13 décembre 2019, jusqu’en 2024, alors qu’en novembre 2018, Mané aussi était parvenu à un accord de 5 ans avec Liverpool (2023) pour 150 mille livres sterling par semaine. ‘‘Sadio, c’est comme Cristiano Ronaldo. Plus il évolue dans sa carrière, plus il progresse et plus il devient gourmand. Sa marge de progression avec Liverpool est tellement énorme que le club de la Mersey va avoir de plus en plus de mal à le retenir’’, analyse Saliou Bo Touré.

L’insistance de Zidane

Ainsi, la forme étincelante du Sénégalais ne laisse pas indifférent. Tous les grands clubs sont intéressés, mais l’insistance de plus en plus grandissante du coach du Real Madrid, Zidane, pourrait aussi donner un nouveau tournant à la carrière de Mané. Des rumeurs l’envoient dans une Maison-Blanche qui est en manque d’efficacité offensive. Quitter Liverpool pour l’Espagne ? Le Real Madrid n’est pas forcément une destination de succès pour la demi-douzaine de joueurs africains qui y ont évolué, depuis que le Camerounais Jeremy Njitap a ouvert le bal en 1999.

Evoluer chez les ‘‘Merengue’’ demande également des qualités extra-sportives qui ne sont pas forcément dans les cordes de Sadio. La préférence de l’ingénieur et homme d’affaires Florentino Perez pour les joueurs à fort potentiel ‘‘économique’’ et bling-bling, dont la fameuse ère des Galactiques en 2009, a posé de nombreuses divergences avec ses coaches qui ont parfois déteint sur l’ambiance du groupe. Sans compter le jeu d’alliances dans les vestiaires et la pression folle des supporters. Le chargé de communication de GF est formel : rien de tout cela n’est assez dissuasif pour le natif de Bambali.

‘‘Sadio est un garçon qui aime se lancer des défis et les relever. Sa carrière, c’est Génération Foot, Metz, Salzbourg, Southampton, Liverpool. Avec le Real, ce serait le couronnement. Je vous garantis que s’il y va, il va faire très mal. C’est un bagarreur qui a l’envie, de l’ambition et du caractère sur le terrain’’. Quant au coach Touré, sa religion est faite sur les avantages que Sadio tirerait à rejoindre la capitale espagnole. ‘‘Le football moderne est l’apanage des ailiers. Sadio, malgré son apparence introvertie, a une détermination très ferme. Les gens avaient aussi dit qu’il allait échouer à Liverpool, parce que ses devanciers sénégalais Salif Diao et El Hadj Diouf y ont échoué. Aujourd’hui, qui ose parler de Liverpool sans Sadio ? Au Real, ce sera la même réussite. C’est un garçon qui a une bonne hygiène de vie et qui est travailleur. Il pourra relever tous les défis’’, dit-il.  

Sélection nationale, plus grand défi commun  

Quand on parle d’échec en sélection nationale, tous les esprits se tournent vers Lionel Messi. Comparaison n’est certes pas raison, fait remarquer d’emblée le chargé de com’ de Génération Foot, mais la trajectoire de l’ailier sénégalais et celle de Messi se rejoignent sur un point : l’insuccès dans les compétitions continentales ou mondiales. ‘‘Messi a un problème fondamental, c’est qu’il n’a pas grandi en Argentine, contrairement à Sadio qui est en sélection depuis 2012. Depuis les JO de cette année, il fait la fierté de tout un peuple. Il faudra l’encadrer et bâtir l’équipe autour de lui. Messi n’a jamais eu le leadership qu’il voulait en Argentine, car on ne le considère pas comme un enfant du pays. Mais Sadio est un enfant d’ici’’, commente M. Fall qui est d’avis que Mané doit être le centre des convergences des projets techniques de la sélection nationale.

‘‘Il faut bâtir une équipe autour de Sadio Mané, lui trouver des joueurs avec lesquels il a envie d’évoluer en intelligence’’. Comme El Hadj Diouf 18 ans plus tôt, l’identité remarquable du foot sénégalais a échoué à faire brandir au Sénégal son premier trophée continental en 2019, malgré une volonté et une implication sans faille. Saliou Bo Touré attribue cet insuccès à la particularité d’un football africain ‘‘où le joueur adverse le plus brillant est littéralement victime d’attentats physiques sous le regard complice des arbitres. Pendant la Coupe d’Afrique, la finale notamment, on a vu Sadio s’énerver des coups irréguliers qui lui étaient délibérément administrés’’, tranche M. Touré qui est dans la conviction que pour la prochaine édition de la Can, ‘‘Sadio sera sur le toit de l’Afrique’’.

OUSMANE LAYE DIOP

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