Publié le 28 Nov 2012 - 23:00
SAFIÉTOU NDIAYE VS CBAO

''Ma maison ou la mort''

 

 

Safiétou Ndiaye, la soixantaine, a voulu s’immoler à cause d’une expropriation de son immeuble R+3 par la CBAO, pour un retard de règlement d’un prêt de 14,7 millions de F Cfa.

 

Safiétou Ndiaye a appelé quelques minutes avant pour s’assurer que nous avons compris l’explication de son adresse. A attendu patiemment au dit lieu pour nous conduire à la demeure litigieuse. A quelques mètres de la maison, située à la Société d’aménagement des terrains urbains (Scat Urbain Mariste II) près de l'agence Ecobank des Maristes, elle marque le pas. Sans se soucier du regard des curieux qui prêtent une oreille attentive à ses propos. Un foulard noué d’un gros nœud autour des reins, ceinturant son grand boubou sombre et l’autre qui entoure la tête obéissant au gré du vent, elle monologue un peu avant de se lâcher : ''Cette maison vaut combien ?'' Sans attendre une quelconque réponse, la dame se lance dans des diatribes avec un débit de paroles qui dépasse la capacité d’audition de l’ouïe.

 

''La CBAO l’a vendue à 25 millions. Vous croyez que cela est raisonnable pour un R+3? Je l’aurais vendue à un demi-milliard. Je suis victime d’un complot, la banque m’a spoliée. Il y a un lobbying derrière cette affaire'', rabâche la dame de petite de taille au teint noir, toujours débout. Elle se décide enfin à franchir le seuil de la porte pour nous conduire à travers une visite guidée dans les différents compartiments de la bâtisse. Trois grandes pièces disposées en forme triangulaire, un garage et un séjour, des salles de bain intérieures et extérieures forment le décor du rez-de-chaussée. Les autres niveaux ont une pièce de plus et un couloir, l’architecte exploitant sans doute l’espace du séjour et du garage.

 

Sophie, comme la nomment les intimes, ne dort plus du sommeil tranquille depuis que la Compagnie bancaire de l’Afrique de l’Ouest (CBAO) a liquidé sa maison pour retard de règlement d’un prêt contracté en 2008. L’acquéreur, Abdou Guèye, directeur de la société Agrofitex, aurait versé la modique somme de 25 millions au terme d’une surenchère de la CBAO en 2009. Pourtant, le 11 avril 2008, l’agent évaluateur, Massamba Mbacké, expert immobilier de son état, avait évalué la maison à 103 204 254 F Cfa au moment où l’immeuble était R+2, du moins à en croire les documents que la plaignante exhibe.

 

Tentative de suicide

Comment Sophie s’est-elle retrouvée dans cet imbroglio ? C’est en juillet 2008 qu'elle décide de passer à R+3. Elle contracte un prêt de 14 700 000 F Cfa payable en 36 mois à raison de 400 000 F Cfa par mois. Aussitôt après le prêt, elle paie par anticipation un montant de 1 800 000 F Cfa et un autre de 2 000 000 F Cfa. ''C’est après le deuxième versement que la CBAO a demandé à mon chauffeur d’arrêter les versements, car au lieu de 36 mois, le prêt est payable en 12 mois. A ce moment, j’étais aux États-Unis pour les besoins de ma santé'', narre-t-elle, désolée de revenir sur cette histoire qui la traumatise. Au retour, Sophie se rend à l’agence pour voir comment régler avec l’agent de crédit. Trop tard, la banque avait déjà accéléré la procédure. Elle se voit délivrer un commandement assignation en expulsion en septembre 2011. Mme Ndiaye engage une bataille judiciaire, mais les choses semblent se gripper. Lasse de recevoir des commandements en expulsion, elle décide de s’immoler par le feu, dans la matinée du 8 octobre 2012, devant le siège de la Raddho (Rencontre africaine pour la défense des droits de l'Homme). Sophie, est sauvée in extremis par deux individus qui l’ont vue s’asperger d’essence. A la question de savoir si elle allait commettre l’irréparable, elle répond sec : ''Bien sûr, ma maison ou la mort.''

 

Sophie aurait beaucoup trimé pour acquérir sa villa. Elle a d’abord commencé par le petit commerce entre Dakar et Ziguinchor. Robert Sagna, ancien maire de Ziguinchor, remarquant sa détermination et son dévouement, lui offre le billet et le passeport pour se rendre aux États-Unis. C’est au retour d’un exil volontaire de 30 ans passé au pays de l’Oncle Sam qu’elle achète la parcelle R 192 Hann Mariste II auprès de la Scat Urbain Mariste II. Avec ses économies, elle construit d’abord un R+1 avant de passer à R+2 et +3.

 

Peu bavarde sur sa vie privée, elle rétorque : ''Ma vie privée n’est pas le plus important, C’est la maison que la Banque veut exproprier qui importe le plus pour moi.'' Aujourd’hui, elle vit seule dans l’immeuble, entouré de ses gardes du corps, son chauffeur et son sifflet pour ameuter le quartier en cas d’expulsion.

 

P. B. DIOH

 

 

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