Publié le 16 Mar 2019 - 01:01
SANTE DE LA REPRODUCTION

Vers des consultations prénatales interactives

 

Dans le but de réduire le taux de mortalité maternelle et infantile, un groupe de chercheurs et d’agents de la santé a expérimenté, pendant plus d’un an, une nouvelle approche. Celle des consultations prénatales de groupe (Cpn-G). Au terme de l’étude pilote à Kaolack, les résultats ont été rendus publics hier, lors d’un atelier.

 

Les résultats de l’étude pilote portant sur les consultations prénatales de groupe (Cpn-G) sont largement positifs. C’est du moins ce que l’on peut retenir de l’atelier organisé par le consortium de recherche à la tête de l’étude. L’équipe comprend l’Institut de formation et de recherche en population, développement et santé de la reproduction de l’Université Cheikh Anta Diop et le Center for Global Child Health de l’Université de Toronto (Canada) en partenariat avec Plan International (Canada et Sénégal) et la Direction de la santé de la mère et de l’enfant du ministère de la Santé.

L’expérience a compté 281 participantes à moins de cinq mois de grossesse, pour un coût d’environ 260 000 F Cfa par groupe. Un montant incluant l’achat du dispositif nécessaire et le coût de fonctionnement. Ainsi, entre octobre 2017 et décembre 2018, 6 postes de santé du district de Kaolack dont 2 postes-témoin ont expérimenté l’approche des consultations prénatales de groupe. Pendant deux heures, un groupe de 8 à 12 femmes enceintes ayant le même âge gestationnel bénéficient des conseils de santé de la part des prestataires. Ces derniers, au nombre de 4 (un infirmier chef de poste, une sage-femme et deux matrones) formés pour la circonstance, inculquent aux participantes l’autoévaluation comprenant, entre autres, la mesure de la tension artérielle. Les échanges tournent aussi autour des soucis d’ordre familial, sanitaire et du partage d’expérience. En somme, au cours des quatre séances prénatales, un plan d’activités est déroulé, favorisant un apprentissage par une approche participative. Tout ceci dans le respect strict de la confidentialité des discussions.

 ‘’Nous avons noté que  98 % des femmes avaient une bonne connaissance des sujets portant sur les signes de danger pendant la grossesse, contre seulement 5,5 % chez celles qui suivaient les consultations de manière individuelle. Des sujets tels que l’hygiène corporelle, l’impact des travaux pénibles sont aussi bien mieux compris par celles qui participent aux Cpn-G’’, souligne le professeur Mouhamadou Sall, coordonnateur de l’étude. 

Plusieurs avantages relevés

Au terme de l’expérience, toutes les participantes et les prestataires ont plaidé pour une pérennisation de cette approche présentant, selon eux, plusieurs avantages. En effet, les consultations prénatales de groupe ont modifié plusieurs paradigmes dont le plus apparent n’est autre que la relation entre le prestataire et la femme enceinte. Beaucoup de participantes ont salué l’ouverture, la complicité de la sage-femme ou de l’infirmière manifestées à leur égard. ‘’Grâce à l’accueil, tu as le courage de porter toutes les questions’’ ; ‘’avec les consultations individuelles, on nous ausculte, on ne nous considère pas, on ne nous parle pas convenablement. Mais ce n’est plus le cas, lors des Cpn-G où des connaissances nous sont transmises’’. Ce sont, entre autres, des témoignages de femmes ayant pris part au projet.

Ainsi, le prestataire n’est plus un instructeur, mais devient un facilitateur. De relations magistrales et directives, on passe à un partage d’informations pertinentes et un soutien psychosocial et émotionnel. En outre, la réussite de cette nouvelle approche repose sur une bonne maîtrise des pratiques cliniques par les femmes, de l’importance de l’allaitement maternel exclusif et de la planification familiale. De plus, à la troisième consultation prénatale, les maris sont invités, afin de renforcer la préparation à l’accouchement, mais aussi le soutien à la femme enceinte. Cet aspect hautement bénéfique pour les participantes a été l’un des défis majeurs des prestataires, en raison des barrières socioculturelles.

L’étude a, par ailleurs, su décrisper les relations entre les groupes souvent exclus et la communauté, à savoir les adolescentes et les femmes plus âgées enceintes hors mariage. Toutes les femmes ayant participé aux Cpn-G ont connu une délivrance sans danger et le suivi postnatal a favorisé, en outre, le respect des vaccins des nouveau-nés et leur déclaration à l’état civil.

La prochaine étape, selon le consortium, est le partage des résultats avec le ministère de la Santé, suivi de la reproduction de l’expérience sur une plus grande échelle et dans d’autres régions. Sur recommandation de l’Organisation mondiale de la santé, les consultations prénatales de groupe visent à préserver la santé de la mère et de l’enfant par un changement de paradigme axé sur les réalités socio-culturelles de chaque pays. L’objectif, ici, était d’évaluer la faisabilité du projet et de tester le dispositif de collecte de données mis en place.       

Des défis à relever

Même si des efforts ont été faits, force est de constater que les taux de mortalité maternel et infantile restent élevés. Au Sénégal, on compte 236 décès de femmes sur 100 000 naissances, contre moins de 5 décès dans les pays développés.

En outre, 41 enfants de moins d’un an perdent la vie, pendant que dans les pays développés, ce chiffre est inférieur à 7. Selon le consortium de recherche à la tête du projet, l’accès aux soins est un défi majeur du système de santé sénégalais. Un aspect, selon M. Sarr, à prendre en compte par le déploiement d’agents de santé qualifiés en milieu rural.

EMMANUELLA MARAME FAYE

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