Publié le 19 Jun 2012 - 14:03
SCANDALE MONUMENT DE LA RENAISSANCE

Un partage de gâteau autour de 54 milliards Cfa

 

Suite à notre dossier du lundi, sur le Monument de la Renaissance, qui évoque les scandales fonciers sur le site des collines des Mamelles et des alentours de l’aéroport, sur la nébuleuse des montages financiers et des avenants à la pelle pour modifier le contrat de base avec Mansuadae Overseas Project Group of Companies qui a réalisé le Monument de la renaissance, on revient dans ce second jet sur un aspect important du dossier. Comment des terrains cédés à Mbakiyou Faye ont pu se retrouver dans la besace de l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) ? Qui tirait les ficelles ? Pourquoi le conseil d’administration de l’Ipres n’a pas opposé de résistance ? Au finish, qui a bénéficié du jackpot ?

 

En se faisant tailler 26 hectares sur le site de l’aéroport en contrepartie du financement de la construction du Monument de la renaissance, la Promobilière, société appartenant à Mbakiyou Faye, savait bien que le jeu en valait la chandelle. Si le prix du mètre carré a été fixé par l’Etat à 4410 francs Cfa, comme d’ailleurs l’avait révélé avant nous Le Quotidien, ce qui équivaut à 1.148.169.960 francs Cfa versés dans les caisses de l’Etat pour le total de la transaction, il reste que les experts du foncier estiment la valeur des terrains cédés par l’Etat à 54 milliards de francs Cfa au moins. A raison de 200.000 francs le mètre carré, sur un total de 27 hectares. L’enquête que nous avons menée révèle qu’il s’agit d’«hypothèse basse» parce que le prix du mètre carré peut aller jusqu’à 300.000 francs Cfa dans cette zone (hypothèse la plus haute). Carte postale des terrains concernés, objet de la transaction, «un immeuble (au sens juridique du terme) sis à Ngor Almadies, derrière hôtel Sunugal, d’une superficie globale de 20.294 mètres carrés ; enregistré sous le Titre foncier N°14.909/GRD et un autre plus important d’une superficie de 164.059 mètres carrés, soit 16 hectares, connu dans les livres fonciers avec les références suivantes : Tf N°14.910/GRD. Ces deux titres fonciers (sont la) «pleine propriété de la Promobilière de Mbakiyou Faye. Ces biens sont cédés à l’Ipres qui, curieusement, ne convoque pas le Conseil d’administration. La procédure est pilotée par le notaire Me Amadou Moustapha Ndiaye qui prend la précaution de préciser dans le contrat qu’il «ne saurait être tenu pour responsable d’un défaut de conformité du titre foncier avec les énonciations contenues au livre foncier».

 

 

L’Ipres a décaissé 33 milliards Cfa au lieu de 27 milliards

 

C’est ainsi que le 19 novembre 2008, lors d’une délibération ayant pour objet «acquisition de terrains à Ngor-Almadies, après une consultation à domicile le 10 novembre 2008, le Conseil d’administration de l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal, à la majorité de ses membres, «autorise la Direction générale à acquérir les terrains de contenance globale de 18.453 mètres carrés, objet des titres fonciers N°14909GRD et 14910GRD, sis à Ngor Almadies, au prix de 27.679.500.000 francs Cfa, hors frais de mutation, honoraires du notaire et toutes autres taxes. Mais l’Ipres doit payer 5.120.707.500 francs Cfa, équivalent aux frais de mutation et de d’enregistrement. Ce qui fait que la transaction porte au total sur 33 milliards au lieu de 27 milliards de francs Cfa annoncés par la presse.

 

Mais dans tous les cas de figure, la maison des retraités s’en sort à bon compte en reconnaissant d’ailleurs dans ses documents internes dont EnQuête a copie, que «le prix du mètre carré viabilisé pratiqué dans la zone varie entre 200.000 et 250.000 francs Cfa lui ont été cédés à 150.000 francs le mètre carré». Soit un bénéfice d’au moins 50.000 francs Cfa par mètre carré.

 

L’Ipres justifie cet investissement par le fait qu’il est rentable. Racine Sy et Cie relèvent que «l’Ipres ne dispose que d’un vieil immeuble (Gallieni) et de quelques appartements et villas acquis à la suite de l’extension du siège (NDLR, situé à l’Avenue Léopold Sédar Senghor). Conclusion du Conseil d’administration : «Dans un contexte de raréfication des réserves foncières à Dakar, ce site pourrait donc être valorisé en projet immobilier, à long terme, étant donné que l’emplacement Ngor Almadies en question est aujourd’hui l’une des zones les plus recherchées de la Presqu’île de Dakar, surtout avec la construction de l’aéroport Blaise Diagne de Diass». Des arguments qui ont sans doute pesé sur la balance puisque sur les 25 membres du Conseil d’administration de l’Ipres consultés, seuls neuf (9) n’ont pas signé. Affaire classée donc, à la date du 2 décembre 2008.

 

Toute la question réside cependant dans la destination des fonds ainsi collectés dans un contexte préélectorale important, les Locales du 22 mars 2009. Cet argent a-t-il servi à financer le fiasco de ces élections locales ? Comment s’est passé le partage du butin ? Quelle part Me Abdoulaye Wade a-t-il encaissée en bonne intelligence avec Pape Diop ? Quel est le montant de la contrepartie versée aux autorités par l’entrepreneur coréen ; ce d’autant plus qu’il se dit de sources bien informées que le coût du monument ne dépasse pas 8 milliards Cfa. Autant de questions, autant de zones mystère.

 

MAMOUDOU WANE &

GASTON COLY

 

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