Publié le 25 Nov 2017 - 17:42
SÉNÉGAL

Abdoulaye Wade, ou le dernier combat tragique d’un opposant aguerri

 

Le résident Abdoulaye Wade ne s’avoue jamais vaincu, même si, ses forces physiques et intellectuelles se tarissent, du fait du poids de l’âge. Le mal, aujourd’hui, est qu’il est conscient qu’il n a pas dans l’échiquier d’héritier politique à son image , capable de le suppléer pour matérialiser sa volonté de lutte perpétuelle pour le pouvoir ou contre le pouvoir .Ce défaut majeur, le remet en service actif périlleux, avec cependant un  gros désavantage lié ,cette fois-ci, à son âge, mais surtout à son bilan catastrophique ,après douze années d’exercice du pouvoir qu’il traine comme un  boulet au pied .

Nous nous souvenons de la déstructuration orchestrée de l’agriculture sénégalaise sans une alternative crédible avec les bons impayés, la dissolution de la Sonagraine  et la destruction du capital semencier, la privatisation calamiteuse de la Sonacos qui avait tué l’une des principales activités économiques du Sénégal, la déstabilisation du fleuron de l’industrie sénégalaise(ICS)et de la SAR qui avaient failli disparaitre etc. Sous son magistère, la croissance économique avait frôlé 1%  et le déficit budgétaire atteignant la barre critique de 8%, au-delà des critères de convergence macro économiques, sans parler du stock de la dette qu’il a su reconstitué très rapidement après son annulation en l’orientant vers des dépenses de prestige (Anoci, ,Fesman , monument de la renaissance etc.). Il ne faut pas croire que les Sénégalais sont amnésiques…

Lorsque le pape du Sopi était au pouvoir, il adorait donner l’exemple du président Mugabe dans sa volonté de s’éterniser aux affaires. Il aimait aussi, dans l’autre volonté de dévolution monarchique du pouvoir en cas d’incapacité, à l’image du même Mugabe démis de ses fonction par la force des choses, de donner l’exemple de Faure Gnassingbé ou Aly Bongo ,en conseillant au premier de ne pas céder à la pression populaire du fait qu’il a l’armée et le pouvoir en main et au second d’affirmer que son père Oumar Bongo n’était pas plus intelligent que lui. Le président Wade allait même jusqu’à convoquer Bush père et Bush fils dans sa conception d’une transmission biologique du pouvoir. Or, le cours de l’histoire, depuis l’antiquité jusqu’à nos jours, aura suffisamment démontré par des exemples qui foisonnent, que pouvoir et famille ne font pas bon ménage,  aussi bien, dans les temps anciens que dans les temps modernes.

Tous ces revers multiples et enseignements de l’histoire subis par les adeptes du pouvoirisme, ne suffisent pas au pape du Sopi d’opter pour le réalisme et de se faire une religion en prenant une retraite dorée et, de se faire définitivement une conviction : que tout ce qui était possible hier, ne l’est plus aujourd’hui, en raison des transformations et  changements de contexte, après plus d’un demi-siècle de lutte politique.

De nos jours, à l’orée de la présidentielle de 2019, le pape du Sopi  désire redevenir l’opposant radical au régime en place, après l’avoir été pendant vingt sept années contre le président Senghor et le président Diouf, avant que le tout puissant lui accorde sa bénédiction en lui donnant le pouvoir en 2000.Ainsi donc, après douze années de gouvernance calamiteuse où la normalité était l’exception et la patrimonialisation du pouvoir la règle , le président Abdoulaye Wade voudrait travailler à l’avènement d’une troisième alternance en 2019,de guerre lasse, pour simplement pour prendre sa revanche sur l’histoire. Pour ce faire, le président Abdoulaye Wade imagine, ici et maintenant, que l’histoire doit se répéter, comme en 2012, en essayant de réunir les mêmes conditions qui ont occasionné son départ du pouvoir, phénomène qui sera alors comme une farce ou une tragédie personnelle comme disait Karl Max.

En essayant aujourd’hui de créer un front électoral pour la régularité et la transparence des élections, le président Abdoulaye Wade oublie que, depuis son départ, les élections sont devenues régulières et transparentes au Sénégal : ils tentent également de recréer un 23 Juin bis ou une situation insurrectionnelle à travers l’amnistie de Karim Wade ou la libération de Khalifa Sall, ou en faisant croire aux sénégalais qu’il ya régression économique et sociale. Or, sur ce plan, le Sénégal est en train de faire de grands bons en avant  avec une croissance économique régulière qui frôle les 7%, un déficit budgétaire ramenée à 3%, l’équipement du monde rural, les bourses familiales ,la CMU ,entre autres performances économiques et sociales relevées par les institutions financières internationales.

Le Sénégal qui n’est ni le Togo, ni le Gabon, encore moins le Zimbabwe qui ont leur propre histoire, continuera de progresser dans la stabilité et la cohésion nationale, grâce au génie de son peuple, qu’on ne pourra jamais tromper, au risque d’y laisser sa peau.

Georges Sorel disait,  à propos de la non réplétion de l’histoire, qu’il ne faut pas que nous agissions guère sous l’action de souvenirs qui sont beaucoup plus présents à notre esprit que les faits actuels, pour dire que, si la mythologie révolutionnaire est gratifiante, il faut que notre opposition actuelle cesse de rêver de la survenue d’un 23 Juin bis et de revenir à la réalité, car, le débat actuel, c’est agir vers des consensus pour investir dans la productivité et vaincre la misère, l’ignorance et la maladie, dans un monde qui se complexifie davantage avec la montée des égoïsmes, les menaces climatiques et autres catastrophes naturelles, les menaces terroristes et épidémiologiques, les défis démographiques et de l’emploi.

Pour qu’un changement puisse intervenir, il faudrait qu’il y ait régression démocratique et économique, or, sur les deux plans, depuis 2012, le Sénégal est sur une trajectoire de progrès économique et social tangible et d’approfondissement de la démocratie  , auquel cas, un 23 juin bis ? dans le contexte actuel, relèverait d’aventures romanesques de marchands d’illusions. 

Kadialy Gassama, Economiste

Rue Faidherbe X Pierre Verger

Rufisque

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