Publié le 12 Sep 2018 - 20:23
SECOURS A LA CANDIDATURE DE KARIM

L’autre fronde contre les Wade

 

L’initiative engagée par une quinzaine de responsables libéraux pour exiger une alternative à la candidature de Karim Wade, est partie pour prendre les atours d’une nouvelle fronde au sein du Parti démocratique sénégalais.

 

Le Parti démocratique sénégalais (Pds) file tout droit vers une nouvelle fronde, après celle dirigée par Modou Diagne Fada, Pape Samba Mboup et Farba Senghor. Tous les ingrédients sont, aujourd’hui, réunis pour que la formation politique d’Abdoulaye Wade sombre de nouveau dans une crise. Si ce n’est déjà le cas. Entre la détermination de la dizaine de responsables libéraux à aller jusqu’au bout de leur combat pour une alternative à la candidature de Karim Meïssa Wade et la volonté d’Abdoulaye Wade de faire respecter le choix de son parti par le président Macky Sall, aucun compromis ne semble possible. Et le contexte dans lequel survient cette crise n’est pas pour faciliter les choses.

A moins de six mois de la prochaine élection présidentielle, les libéraux du Pds n’arrivent toujours pas à parler le même langage, sur la question de la candidature du parti. Les multiples menaces qui pèsent sur l’éligibilité de Karim Wade, absent du fichier électoral - donc pas du tout présidentiable selon certains - ont amené une quinzaine de cadres libéraux, parmi lesquels Serigne Assane Mbacké et le député Cheikh Mbacké Bara Doli, à exiger auprès du secrétaire général national une candidature de substitution.

Selon les signataires de la lettre adressée à cet effet à Me Abdoulaye Wade, ce serait une erreur monumentale de ne pas se préparer à l’éventualité d’un rejet de la candidature de Karim Wade, dès lors qu’il ne remplit pas les conditions d’éligibilité exigées par la loi électorale. ‘’Il faut se rendre à l’évidence : le président Macky Sall ne laissera jamais Karim Wade se présenter contre lui à la prochaine élection présidentielle, parce qu’il sait qu’il risque de la perdre. Dès lors que la candidature de Karim Wade devient de plus en plus improbable, il nous faut prendre des mesures pour ne pas se faire surprendre au dernier moment. Nous n’avons plus le temps. Nous sommes à moins de six mois des prochaines élections’’, alerte Serigne Assane Mbacké, l’un des signataires de la lettre adressée à Abdoulaye Wade.

La succession de Wade en question

Cette nouvelle fronde, qui prend progressivement forme en perspective de 2019, est, en effet, l’arbre qui cache la forêt. Au Parti démocratique sénégalais, la situation est plus complexe qu’elle en a l’air. Elle a trait à une crise de leadership, à la fois endogène et endémique, depuis la chute d’Abdoulaye Wade, en 2012. Les querelles de leadership et autres guerres de positionnement qui font légion dans le parti, depuis lors, ne sont que les revers d’une succession pas du tout organisée. Les relations entre le fils biologique de Me Wade et ses frères putatifs n’ont jamais été un long fleuve tranquille. D’ailleurs, toutes les frondes qui se sont déclarées au sein du parti de Me Wade, l’ont été sur fond de contestation de la légitimité de son fils, d’abord, en tant que successeur présumé et légitime de son père, ensuite, en tant que candidat déclaré et désigné par le Congrès du Pds.

Ce mouvement contestataire a été, en partie, à l’origine de toutes les défections notées dans les rangs du Pds, depuis bien avant 2012, sous le magistère même de son père. Dans le parti de Me Wade, les victimes de son fils se comptent par dizaines. L’actuel président de la République, Macky Sall, l’ancien Premier ministre sous Wade, Souleymane Ndéné Ndiaye, l’ex-président du Sénat, Pape Diop, et accessoirement Idrissa Seck ont tous été, à un moment ou à un autre, victimes de Karim Meïssa Wade. Les derniers à quitter le navire libéral, après un bras de fer avec la direction autour de la légitimité de Karim Wade, sont l’ancien chef de cabinet d’Abdoulaye Wade, Pape Samba Mboup, son frère de parti Farba Senghor, par ailleurs ancien chargé de la propagande du Pds. Au-delà des accointances qu’ils ont toujours eues avec le régime de Macky Sall, ils ont tous les deux, avant leur exclusion du Pds, porté le combat pour une alternative à la candidature de Karim Meïssa Wade.

D’ailleurs, c’est à l’issue d’une sortie fracassante contre le Pds et son candidat qu’ils ont définitivement été exclus des rangs du parti, le lundi 27 mars 2017. ‘’Le Secrétariat national du Parti démocratique sénégalais, après avoir entendu un important rapport du secrétaire général national adjoint sur les actes d’indiscipline des frères Pape Samba Mboup et Farba Senghor, vu l’urgence et en application des statuts du parti, après en avoir délibéré, décide l’exclusion définitive de ces deux responsables’’, ont décrété les libéraux, à l’issue d’une réunion de leur Secrétariat national. Qui s’est offusqué des sorties répétitives de leurs ex-frères contre le parti et ses symboles. ‘’Depuis un certain temps, nous avons observé que les frères Pape Samba Mboup et Farba Senghor font des sorties dans la presse pour s’attaquer aux symboles et aux responsables du parti. Ils se sont attaqués directement au Sgn, au Sga et à notre candidat. Ils ont dénigré publiquement Karim Wade qui a été désigné par un congrès démocratique’’, ruminaient-ils pour motiver leur décision.

Dualité Fada-Oumar Sarr

Avant eux, l’ancien président du groupe parlementaire libéral, sous la douzième législature, a fait les frais de sa fronde contre la marche du parti. Modou Diagne Fada, passé entre-temps président du parti Les démocrates réformateurs, a tout simplement été exclu des rangs du Pds, le 16 octobre 2015, après un rude bras de fer avec la direction, pour la restructuration du parti. A travers un mémorandum soutenu par plusieurs responsables et cadres libéraux, il préconisait la convocation d’un nouveau congrès afin de se choisir de nouveaux dirigeants capables d’insuffler un souffle nouveau au parti, en perspective des batailles futures.

Mais le camp proche d’Oumar Sarr décèlera vite derrière cette initiative une connivence du président du groupe des réformateurs avec le président de la République Macky Sall. Il s’en est ainsi suivi une dualité entretenue au sommet du Pds pendant plus d’une année. Cette dualité a mis en confrontation deux camps : l’un favorable à une candidature de Karim Wade à l’élection présidentielle de 2019 dirigé par Oumar Sarr et un autre camp foncièrement contre toute dévolution monarchique du Pds piloté par Mamadou Diagne Fada. Ce duel fratricide a trouvé ses répercussions jusque dans les instances et les bases du parti. Au sein de l’Union des jeunesses travaillistes libérales (Ujtl), par exemple, le secrétaire général, Toussaint Manga, et la présidente de la commission féminine, Fatou Thiam, se sont livrés, au même moment, une guéguerre qui a finalement tourné à l’avantage du protégé d’Oumar Sarr. Aux élections législatives de 2017, la bataille a été transférée jusque dans les bases du parti où les deux camps ont bataillé fort pour garder leurs bastions. Tous les deux en sont sortis affaiblis.

La candidature de Karim Wade, une équation à plusieurs inconnues

D’ailleurs, ce duel fratricide a laissé sur le carreau beaucoup de cadres libéraux qui ont fini, soit par faire cavalier seul, en mettant en place leurs propres formations politiques, soit par rejoindre le président Macky Sall dans la mouvance présidentielle. Ablaye Sow, Mamadou Lamine Keïta, Abdou Khafor Touré, entre autres cadres libéraux, ont tous profité de cette crise pour tourner casaque. Les rares d’entre eux qui avaient regagné les rangs, comme Bassirou Kébé et Aïda Mbodj, ont fini par transhumer, pour le premier, et créer son propre parti, pour la seconde. De cette guéguerre, seul le camp présidentiel en a profité. Puisque les multiples défections notées dans les rangs du Pds ont été profitables au régime qui a favorisé une transhumance politique du camp libéral aux prairies marron-beige.

La succession de Me Abdoulaye Wade se pose avec acuité au sein du Parti démocratique sénégalais. Longtemps différée, elle revient au-devant de la scène politique, au fur et à mesure qu’on approche de la présidentielle de 2019. De plus en plus, certains caciques libéraux exigent plus de lisibilité et de clarté dans le jeu du ‘’Pape du Sopi’’ qui évolue jusque-là suivant sa logique de faire de son fils l’unique héritier du parti. Cela, quitte à se départir de tous ceux qui se mettent en travers de son chemin. Aujourd’hui que tout semble jouer en défaveur de cette candidature, il ne reste plus de marge de manœuvre au vieux roublard qui semble dépassé par les évènements.

Mais toujours est-il que le ‘’Pape du Sopi’’ ne renoncera jamais à son projet de dévolution de son parti, tant qu’il lui restera une seule lueur d’espoir de voir son fils briguer le suffrage des Sénégalais.

ASSANE MBAYE

Section: