Publié le 29 Jun 2015 - 20:14
SENEGAL AIRLINES

Ça sent le soufre 

 

Rien ne va plus à Sénégal Airlines, alors qu’a lieu aujourd’hui l'assemblée générale ordinaire et du Conseil d’Administration. Le collège des délégués du personnel décrie la gestion du directeur général Mayoro Racine, dénonce la mise en chômage technique de 100 travailleurs et annonce des plaintes. Tandis que, le Directeur général répond que la situation de la compagnie exige des mesures fortes.

 

 ‘’Tous les voyants sont au rouge’’ à Sénégal Airlines et le Directeur général Mayoro Racine cristallise toutes les frustrations. D’ailleurs le collège des délégués crie au scandale dans la gestion de la boîte et brosse un tableau cataclysmique. ‘’D’une flotte de 04 avions, on est aujourd’hui à 01 seul avion. De 15 destinations, on est passé aujourd’hui à 04 destinations. Le personnel cumule actuellement 04 mois d’arriérés de salaires. D’un chiffre d’affaire mensuel de plus 4 milliards, on est aujourd’hui a moins de 100 millions’’,  renseignent les délégués qui soulignent que ‘’la Direction Générale est le seul et unique responsable de cette situation désastreuse’’.

Les travailleurs soulignent avoir informé de la situation le gouvernement, l'Assemblée nationale, le Conseil économique social et environnemental ainsi que les membres du conseil d'administration et tiennent à prendre à témoin l’opinion publique. Car, le collège affirme ‘’qu’en lieu et place de plan de relance cohérent et transparent, le Directeur général procède par une totale opacité à une gestion nébuleuse de la compagnie’’, alors qu’il a été nommé pour ‘’redresser la barre’’. Les délégués en veulent pour preuve ‘’les avions loués sans appel d'offres et sans autorisation du conseil d'administration. Alors que ce dernier l'exige pour toute commande supérieure à 50 millions.’’

Le dernier avion loué et ‘’rendu discrètement à la veille de cet Assemblée générale des actionnaires’’, précisent-ils, a coûté 337 500 000 F CFA (675 000 $) par mois à la compagnie soit plus de 2 milliards les six mois (janvier à juin). Les délégués de préciser que ce coût exorbitant ne prend pas en compte les frais d'hôtel et per diem des équipages étrangers. Ensuite, ils s’étranglent presque lorsqu’ils constatent que ‘’durant toute cette période, le rendement de l'avion parqué au hangar sans voler la plupart du temps est quasiment nul’’. Les travailleurs ajoutent, toujours furieux, que les maigres ressources de la compagnie obtenues avec le soutien de l’Etat sont rapatriées à l’extérieur, par l’entremise des brookers (intermédiaires dans les locations d’avions). De ce fait, ils demandent au président de la République ‘’qui soutient financièrement la compagnie à travers des appuis ponctuels’’ d’ordonner sans délai l’audit de tous les contrats d’avions.

Surfacturations

Les délégués vont plus loin dans leurs accusations et parlent de surfacturation dans le contrat de location des avions du pèlerinage 2014. Là aussi, ils demandent un audit et font des accusations graves. Lors de la phase aller de l’Edition 2014, révèlent-ils, le brooker Worldwide Charter Group n’a livré qu’un seul des deux avions loués et payés à l’avance. Le second est arrivé dix jours plus tard. Constatant ‘’un retard monumental dans l’acheminement des pèlerins’’, ils ont mené des investigations qui leur ont permis de découvrir que ‘’le second avion loué était fictif’’. La situation a été sauvée, disent-ils, par ‘’une autorité qui a pu négocier avec la compagnie saoudienne qui détenait un autre avion du même propriétaire que celui déjà loué’’. A cause de ce manquement, la compagnie a perdu plusieurs milliards. Mais les délégués s’étonnent qu’à ce jour, aucune action n’ait été entreprise pour demander réparation du préjudice subi. ‘’Même la surfacturation notifiée à WCG n'a pas été recouvrée alors que la compagnie fait face à un déficit financier criard’’, s’indignent-ils.

Chômage technique

Mais par-dessus tout, ce qu’ils ne pourront pas gober, c’est la mise en chômage technique de plus de 100 pères et mères de famille. Une décision prise par la direction générale pour ‘’masquer ses fautes de gestion au Conseil d’administration prévu aujourd’hui’’. Par mesure de riposte, ‘’le Collège déposera dès la semaine prochaine une série de plaintes à l’encontre du Directeur général devant les tribunaux compétents pour fautes de gestion, mise en danger de notre outil de travail, défaut de paiement de salaires, tentative de licenciement collectif déguisé et préjudice moral’’, annoncent-ils. L’OFNAC et la CENTIF vont également être saisis.

MAYORO RACINE, DIRECTEUR GENERAL DE SENEGAL AIRLINES

‘’On ne produit plus de quoi nourrir ces salariés’’

Chômage technique. ‘’Tout le monde sait que la compagnie vit des moments difficiles et on connaît les raisons de ces difficultés. Cela ne date pas d’aujourd’hui. Ce sont des situations dont nous avons hérité. Une compagnie qui a été mal dimensionnée, dès le début, avec des pertes cumulées, sans aucune action, ni réaction, pendant plusieurs années. Il faudrait aujourd’hui penser à restructurer cette compagnie. La restructuration passe nécessairement par poser des actes. Parmi ces actes, il y a ceux concernant le personnel. Une compagnie qui avait des avions et qui n’en a pratiquement plus doit maintenant réduire la taille du personnel, pour l’adapter à la nouvelle configuration. Aujourd’hui, la situation qui prévaut devrait normalement donner la possibilité à Sénégal Airlines de procéder à des licenciements pour motifs économiques. Mais malgré cela, dans le but de préserver le potentiel aéronautique, parce que parfois il y a des ressources humaines de qualité qu’on n’aimerait pas perdre, nous avons préféré recourir à une méthode réversible, à savoir le chômage technique. Qui permet à la compagnie de réduire ses charges. Et les charges ne reposent pas uniquement sur le simple volet de la masse salariale.

Ce plan social contient un ensemble d’actions. Il  y a une centaine d’actions qu’on doit appliquer le plus rapidement possible pour sauver cette compagnie. Nous avons une mission de redressement de cette compagnie, nous allons la mener, comme il se doit, en vertu des règles, afin qu’elle puisse se développer. Il y a aujourd’hui des actions indispensables. Des décisions indispensables pour la survie de la compagnie. On ne peut pas dire qu’on maintient les salaires, alors qu’on ne produit plus de quoi nourrir ces salariés. Il y a quelque temps, on se plaignait de 3, 4, 6 mois d’arriérés de salaires. Maintenant qu’on doit prendre des mesures pour bloquer cette évolution de la dette, on dit qu’il ne faut pas licencier, alors qu’il ne s’agit pas de licenciements’’.

Location avions. ‘’C’est tellement simple à vérifier. Ce sont des accusations tellement fortes que la vérification est tellement simple. Ceci est simple à vérifier. Ceux qui sont habilités à vérifier, je les invite à venir vérifier. Aujourd’hui, cette compagnie reste et restera une compagnie qui va respecter les règles de bonne gouvernance. Je ne tolérerai aucune action qui aille à l’encontre des règles de bonne gestion.’’

Gaston COLY

 

Section: