Pour tout dire, on a hésité sur le titre : catastrophique, déprimant, inexplicable, invraisemblable, et tout ce que le dictionnaire compte comme mots pour qualifier le monumental raté du Sénégal face à la Zambie. Expliquer la défaite est dans l’ordre du possible, expliquer le contenu, sera plus difficile.

 

Pour faire rapide, on est tenté de dire : rien n’a marché. On exagère à peine, tellement cette équipe du Sénégal était méconnaissable devant les Zambiens. La liste des insuffisances est longue, mais elle couvre principalement la première mi-temps. La pire sans doute de l’ère Amara. Les Lions ont paru lourds, empruntés face aux remuants Zambiens. La défense a été dépassée par la vitesse des Chipolopolos ; le milieu a eu le tournis à cause des intervalles de l’adversaire. L’attaque n’a point vu le ballon, sinon pour mieux le perdre.

 

 

La défaite ne pouvait qu’être logique quand on laisse autant d’espaces et d’espoir dès les premières minutes à une équipe si joueuse que la Zambie. Deux buts que l’on qualifierait presque d’école : le premier, un coup-franc envoyé dans la boîte, une remise de la tête dans l’axe et le buteur, Mayuka, seul, qui ajuste Bouna Coundoul (12^e). Le deuxième, une perte de balle de Niang, le capitaine zambien Katongo fixe la ligne défensive et lance dans la profondeur Kabala qui gagne son duel face à Coundoul (19^e).

 

 

La Zambie sait jouer au ballon, tout le monde le sait, Amara mieux que quiconque. Ce que le sélectionneur ignorait sans doute, c’est que son collègue Hervé Renard allait prendre un aussi grand risque en misant sur un 4-4-2 vraiment offensif face au 4-3-3 avec pointe inversée d’Amara.

 

 

Et maintenant ?

 

Hier lors du décrassage d’après match, le sélectionneur a passé plus d’une demi-heure à parler à ses joueurs. Leur remonter le moral, les rassurer et leur rappeler qu’il y a surtout deux matches à gagner impérativement contre la Guinée Équatoriale et la Libye. La veille, les visages fermés des joueurs à la sortie des vestiaires en disaient long sur leur déception.

 

‘’L’ambiance était morose dans les vestiaires, confie Ferdinand Coly, le coordonateur de la sélection. Cette défaite ne remet pas tout en cause, mais interpelle évidemment sur le choix des joueurs et du système (voir autopsie d’un raté). L’équipe qui a sorti le Cameroun en éliminatoires ne peut pas avoir perdu toutes ses qualités en un match, mais la gifle zambienne sonne comme un retentissant avertissement.

 

Et heureusement qu’il y a eu des raisons (rares) d’espérer voir un autre visage des Lions. Comme les entrées de Dame Ndoye (buteur) et de Papiss Cissé, les occasions de Moussa Sow et Demba Bâ, dont un sur le poteau (46^e 64^e 68^e). Mercredi, il faudra montrer un autre visage.

 

RÉACTIONS

 

Amara Traoré (sélectionneur du Sénégal)

"Ça va nous réveiller"

"On a eu du mal à entrer dans le match. On a fait une première mi-temps calamiteuse, c'est une de nos pires premières mi-temps. La cause : la vivacité zambienne qui nous a beaucoup gênés ; ils ont plus couru que nous. On est revenus en deuxième mi-temps en changeant de jeu.

 

C'est un match qui va bien nous réveiller, ça montre qu'il faut plus d'engagement pour espérer quelque chose. Nos chances sont intactes. Rien ne change ce soir. On va jouer contre le pays organisateur qui sera poussé par son public ; on n'a plus de joker à brûler."

 

Mamadou Niang (capitaine du Sénégal)

"Echec collectif"

"Cette première mi-temps a été un échec collectif, on est tous passés à côté, on a tout fait à l'envers. On devait passer sur les côtés, on n'a pas su le faire. En deuxième période, c'était un peu mieux, l'équipe s'est un peu réveillée. Ils étaient plus vifs, perdaient moins de ballon.

 

Concernant mon changement, on est un groupe de 23. Des joueurs peuvent entrer, d'autres sortir, on est tous solidaires. Si le coach décide de réajuster l'équipe tactiquement, je m'y plie. Pour moi, le groupe prime. On va essayer de prendre le maximum de points dans les deux prochains matches."

 

Souleymane Diawara

"Ils en voulaient beaucoup plus que nous"

"En première période, on n’a pas joué. On a un peu trop sous-estimé les Zambiens. Cette défaite va nous faire du bien parce qu’elle nous rappelle qu’il n’y a plus de petites nations. Quand une équipe en veut plus que l’autre, ça fait la différence et les Zambiens en voulaient beaucoup plus que nous. J’ai déjà joué plusieurs fois contre cette équipe et je connaissais la qualité des Zambiens.

 

On est rentrés tout doucement dans le match comme si tout allait se passer comme prévu. Les Zambiens ont eu plus d’envie, plus de grinta, ils ont gagné plus de duels, ils ont plus couru. Nous, on n'a joué que 45 minutes. Dans ces conditions-là, on ne pouvait pas gagner. "

 

Hervé Renard, sélectionneur de la Zambie

"Pas une surprise"

"On a fait une très bonne première mi-temps. On savait que pour marquer, il fallait jouer dans leur dos, parce qu'ils ont des joueurs très forts. On l'a fait à la perfection. Je connais par cœur les joueurs du Sénégal, car je suis tout le temps le championnat de France des joueurs très athlétiques, comme Diawara et Mangane, qui ont parfois un peu de difficultés à être rapides dans leur dos.

 

Mais entre le dire et le faire il y a un décalage ; aujourd'hui c'était parfait. En seconde mi-temps, on a perdu en maturité, perdu trop de ballons. On est jeunes. Pour nous, c'est une fantastique performance de battre le Sénégal. Ce n'est pas une surprise, c'est le résultat de beaucoup de travail.

 

On avait confiance en nous, on a eu de la réussite aussi. Il faut rester les pieds sur terre. Quand on bat le Sénégal, on a l'impression qu'on peut battre tout le monde. Il faut faire très attention. Je me souviens aussi qu'il y a deux ans, le Gabon avait battu le Cameroun et ne s'était pas qualifié. "

 

Ndiassé SAMBE (envoyé spécial à Bata)