Publié le 17 Feb 2018 - 21:55
SERIGNE BASSIROU GUEYE SUR LES FONDS POLITIQUES

‘’Tout ce que la défense touche se transforme en or pour le procureur’’

 

Pour démonter l’argument selon lequel les fonds en question ne sont pas politiques, le procureur n’est pas allé loin. Il a juste utilisé les différents arguments servis par les prévenus et leurs témoins.

 

Très en verve, Serigne Bassirou Guèye est aussi revenu sur l’argument selon lequel il n’y a pas de détournement de deniers publics, parce que les fonds seraient politiques, donc non assujettis à justification. Pourtant, précise-t-il, rien qu’avec les autres chefs, les prévenus s’en tireraient avec 5 ans au minimum, si le tribunal les constate. Mais ne voulant rien lâcher, il s’est longuement évertué à battre en brèche l’argument des prévenus, en s’appuyant sur leurs propres déclarations ou celles des témoins qu’ils ont cités. Ce qui le pousse à affirmer que : ‘’Tout ce que la défense touche devient de l’or pour le procureur. Au-delà des débats, les fonds ne sont pas politiques, selon la défense. Mais tout ce que je citerai pour démontrer le contraire sont des arguments produits par cette même défense.’’

D’abord, selon lui, c’est Khalifa Sall lui-même qui, devant la Dic, a reconnu qu’il s’agit d’une caisse d’avance. Il aurait dit que ‘’la création et le fonctionnement de la caisse relèvent d’une décision des hautes autorités qui ont également décidé du mode de fonctionnement. Même si, devant le tribunal, il a affirmé autre chose, malgré les dénégations des percepteurs’’. Aussi, brandit-il le texte portant création de la caisse ainsi que l’acte de nomination de Mbaye Touré comme gérant. Cet acte, selon lui, précise que ‘’Mbaye Touré est tenu de produire les justifications de toutes les dépenses effectuées dans les délais et formes réglementaires prévus’’.

Toujours, estime le procureur, il y a, au Sénégal, un décret de 2012 produit par la défense et qui prévoit dans la règlementation des finances publiques la notion de fonds politiques. De ce fait, continue-t-il, on ne peut assimiler la rubrique ‘’Dépenses diverses’’ à des fonds politiques. Dans la même veine, il explique : ‘’Khalifa Sall lui-même a dit qu’il n’existe de fonds politiques qu’à la mairie de Dakar. Le même Khalifa Sall nous dit que les fonds politiques sont logés dans les dépenses diverses. Pourtant, cette rubrique dépenses diverses existe dans toutes les communes. Qu’est-ce qu’il faut retenir finalement ?’’

Poursuivant, il rappelle les propos de Mbaye Touré et d’Amadou Moctar Diop qui disaient respectivement : ‘’On n’a pas été regardant’’ ; ‘’J’ai agi avec désinvolture.’’ Il s’interroge : ‘’Pourquoi avez-vous jugé utile de produire, malgré tout, des justificatifs, puisque c’étaient des fonds politiques ? Cela veut dire simplement que votre argument est inopérant. En disant que vous avez agi avec désinvolture ou que vous n’avez pas été regardant, vous reconnaissez, par la même occasion, que vous saviez qu’il s’agit bel et bien de caisse d’avance et non de fonds politiques. Personne, au cours des trois semaines de procès, n’a produit le moindre document qu’il existe des fonds politiques à la mairie de Dakar.’’ Il en résulte, selon le procureur, que Khalifa Sall aurait dû présenter ses excuses et non tenter de justifier son acte. Il dit : ‘’Pour sa défense, M. Khalifa Sall n’a trouvé rien de mieux que : ‘Les gens m’ont dit que personne ne pourrait en dire quelque chose sur les fonds politiques.’ On en déduit que peut-être il n’en savait rien. On l’a induit en erreur. Mais, dans ce cas, il fallait simplement dire : ‘Monsieur le Président, j’ai été naïf. Je suis ignorant. Pardonnez-moi’. Mais, dans cette affaire, c’est moins l’ignorance de la vérité qui a fait faire, mais c’est l’assurance des arguments.’’

KHOUREICHI BA (AVOCAT DE KHALIFA SALL)

‘’On a subi avec beaucoup de douleur l’affligeant spectacle du procureur’’

‘’L’état d’esprit est le même depuis le démarrage de cette procédure. On a subi avec beaucoup de douleur l’affligeant spectacle du réquisitoire livré par le procureur. Ça volait très bas. C’est un discours plutôt incendiaire. Il a essayé de ridiculiser des hommes d’Etat, des citoyens, pour faire mal. Dans le même temps, on déplore, avec la dernière énergie, cette dissymétrie judiciaire inacceptable, intolérable. En voulant rendre les comptables plus blancs que blanc, il nous a conforté dans l’idée que tout ça c’est de la politique politicienne.

Et puis il est tellement pressé qu’il n’a même pas demandé au tribunal de relaxer les percepteurs. C’est lui-même qui s’en est chargé. Nous n’avons rien contre ceux qui sont relaxés, mais on fait seulement le constat. En plus, il n’avait pas besoin d’utiliser ce ton. On ne demande pas la mise en prison de quelqu’un avec méchanceté. Et puis ici, on parle droit. On n’est pas là pour faire de l’humour. Ce dont il s’agit est très important. Il s’agit de la liberté de citoyens respectables. Quand on est ministère public, qu’on a la responsabilité de représenter tout un peuple, il faut exercer la charge de façon modérée et respectueuse.’’

MOR AMAR

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