Publié le 1 Oct 2016 - 02:29
SERIGNE FALLOU DIENG (PRESIDENT DU CERCLE DES INTELLECTUELS SOUFIS DU SENEGAL)

‘’L’opposition doit se méfier du Pds’’

 

Le président du Cercle des intellectuels Soufis du Sénégal ne se retrouve pas dans la manière dont la commune de Touba est gérée par Abdoulakhat Kâ. Serigne Fallou Dieng invite le maire de cette localité à plus de transparence dans l’usage du budget de cette ville sainte. Aussi, pour le jeune marabout, l’opposition sénégalaise qui compte organiser une marche le 14 octobre prochain doit se méfier du Parti démocratique sénégalais. Entretien.

 

L’opposition sénégalaise prévoit une marche le 14 octobre prochain.  Comment appréciez-vous une telle démarche ?

Je demande au président de la République d’autoriser toutes les marches parce qu’elles font partie des acquis démocratiques obtenus après d’âpres luttes. Je préviens l’opposition, parce que le Pds a un jeu caché qui doit être dévoilé. L’objectif de la formation politique de Me Abdoulaye Wade est de fausser la ligne d’arrivée de l’opposition. Tout le monde a vu les conditions  nébuleuses dans lesquelles Karim Wade a été élargi. Les libéraux veulent s’infiltrer dans les rangs de l’opposition en mettant en incubation leur projet de deal politique avec le gouvernement.

Vous portez là une accusation grave contre le Pds !

 Oui. Je maintiens ce que je viens de dire. L’opposition doit se méfier du Parti démocratique sénégalais. Car les libéraux n’ont pas les mêmes préoccupations que le reste de la coalition Mankoo Wattu Senegaal. A la ligne d’arrivée, les réclamations des partisans de Me Wade seront en déphasage avec celle de l’opposition. Ils veulent forcer Macky Sall à un deal pour lui tendre un piège. Sur un autre registre, le problème de l'opposition commence à se parer des couleurs confessionnelles avec la grande rentrée de Serigne Moustapha Sy (leader du mouvement Moustarchidine Wal Moustarchidaty) au côté du maire de Dakar Khalifa Sall.

Que pensez-vous de l’affaire Pétro-Tim dans laquelle  le  nom du frère du chef de l’Etat est cité ?

Il y a beaucoup de vociférations dans cette affaire. Personnellement, je pense que le président de la République doit tirer l’affaire au clair en s’adressant à la population et leur expliquer ce qu’il en est. J’ai entendu les différentes versions mais je n’ai toujours pas un avis définitif sur cette question. Macky Sall doit éviter les jeux de compromissions parce que cette affaire est un gros morceau lâché par le Parti démocratique sénégalais (Pds).  De mon point de vue, le Chef de l’Etat voulait enterrer ce parti à travers la Crei et la transhumance mais le Pds a germé dans l’opposition.

De jeunes marabouts mourides ont fait récemment une sortie pour dénoncer des lenteurs dans l’exécution de certains  travaux de l’Etat à Touba. Qu’en pensez-vous ?

D’abord, il faut préciser que le Cercle des intellectuels soufis n’appartient  pas à la mouvance des jeunes marabouts. Et je pense que la population de Touba a droit à un environnement et cadre de vie sain. Les habitants de cette localité doivent jouir de toutes les prérogatives propres aux citoyens sénégalais. D’ailleurs, c’est la raison pour laquelle nous dénonçons cette situation catastrophique que les populations de Touba traversent en ce moment.

Qu’est-ce qui vous dérange dans la   gestion de la commune de Touba ?

Vous savez, le Ndigël (directive) du Khalife des mourides n’est nullement une exécutoire pour échapper à l’obligation de rendre compte. Il y a une mafia politico-religieuse qui cherche à infantiliser le droit de la population de Touba à avoir une représentation démocratique citoyenne. Au premier chef, il y a le maire de Touba dont la légitimité n’est nullement l’émanation de la population. C’est le Khalife qui l’a désigné pour occuper le poste de maire. A Touba, le Khalife Cheikh Sidi Mokhtar Mbacké  incarne la légitimité. Il détient tous les titres de la certification religieuse Soufis et Mourides. Cependant, cela ne doit nullement remettre en cause la volonté inaliénable de la population de Touba à avoir un droit de regard sur la gestion de sa cité.

Ne pensez-vous pas qu’il serait mieux de dissocier le pouvoir du Khalife de celui institutionnel ?

 Il y a toujours des amalgames. Un grand homme disait que ‘’derrière chaque civilisation, il y a un grand texte’’. A Touba aussi, il y a Matlaboul Fawzeyni. C’est le texte fondateur de cette ville. Dans ce manuscrit, le Cheikh a énuméré ses souhaits, prescrit des comportements, des attitudes à bannir. Il y a une certaine classe présente dans les médias qui cherche à imprimer un style à Touba. Cette autorité composée de barons  Mbacké-Mbacké cherche à valider une préséance de classes. Ils prennent le Khalife comme prétexte alors que les  directives de ce dernier ne se limitent qu’à la religion. Le monde d’aujourd’hui a besoin d’une respiration démocratique, d’une vivacité politique citoyenne.

Que reprochez-vous exactement au maire Abdoulakhat Kâ ?

Sa gestion est calamiteuse et nébuleuse. Il refuse de faire son bilan à la tête de cette commune. Je l’invite à arrêter ses contorsions parce qu’un Ndigël traficoté ne saurait ni cautionner, ni motiver la malversation et la délinquance financière. Le maire cherche à survivre au crochet de l’administration centrale. Il se déclare toujours incompétent quand il s’agit de financement. Alors que la mairie a un budget qui s’élève à  4 milliards de F CFA. Et de par sa configuration, la ville de Touba n’a pas d’école française qui nécessite une subvention, encore moins de club sportif. Il doit nous édifier sur l’utilisation de cet argent. Il ne peut pas tout utiliser pour les besoins des nombreux Magal.

De plus en plus, votre ville devient politique avec l’avènement de mouvements de soutien à des hommes du pouvoir ou de l’opposition, mis sur pied  par de  jeunes marabouts Mbacké Mbacké. Quelle analyse en faites-vous ?

Touba traverse une effervescence politique. Donc, il faut que le président de la République et les chefs religieux en tirent une lecture lucide. Macky Sall doit discuter avec tous les acteurs implantés dans cette ville. Touba est à l’ère de la citoyenneté. Malgré l’agitation, il nous faut dégager une traduction politique car l’enseignement de Serigne Touba revêt un caractère salvateur et émancipateur. Il nous a délivrés du joug des colonialistes. Les Mourides ont horreur de ce dépôt de vente politique et réclament la lumière sur la comptabilité financière des grands chantiers de Serigne Touba.

Les jeux de cache-cache qui entourent les chantiers de construction des "édifices de caractère" mouride doivent être éliminés. On doit savoir si ceux-ci (les chantiers mourides)  entrent en droite ligne dans le bilan de réfection et d'achèvement des grandes mosquées du Président Macky Sall.

Quels sont vos rapports avec le Khalife général des Mourides ?

Des rapports normaux comme ceux de tous les talibés. Je suis un disciple de Cheikh Ahmadou Bamba mais je tiens à faire la démarcation entre le Ndigël  qui a trait avec la religion et les droits citoyens. C’est le Khalife qui détient tous les titres de certifications religieuses. Seulement, cela ne doit pas remettre en cause les droits à une représentation politique et celui de regard dans les affaires de Touba.  

PAR HABIBATOU TRAORE

 

Section: