Publié le 9 Apr 2019 - 18:57
SERVICES RATTACHES A LA PRIMATURE

Les orphelins de la République

 

Le projet de suppression du poste de Premier ministre ne manquera certainement pas d’installer la panique chez les nombreux conseillers et membres du cabinet de Mahammed Boun Abdallah Dionne. Avec cette suppression toujours, ils seront nombreux les services dont il va falloir statuer sur leur nouvelle tutelle.

 

Le week-end dernier, Macky Sall n’a pas fait que promettre de supprimer le poste de Premier ministre. De fait, par la même occasion, il installe bien des administrations dans la plus grande expectative. De quel démembrement de l’Etat relèveront-ils, avec cette suppression pour le moins inattendue. C’est tout le décret n°2017-1546 du 8 septembre 2017 qui va devoir être chamboulé. Ledit décret porte, en effet, sur la répartition des services de l’Etat et du contrôle des établissements publics, des sociétés nationales et des sociétés à participation publique, entre la présidence de la République, la
Primature et les ministères.

Jusque-là, relevaient de la Primature selon la disposition susvisée : le cabinet du Premier ministre ainsi que les services rattachés, dont le Service du protocole, le Bureau de prospective économique, la Cellule de coordination et de suivi des projets et programmes, la Cellule de communication, la Cellule de lutte contre la malnutrition, le Conseil national de lutte contre le sida, le Millenium Challenge Account Sénégal (Mca-Sénégal), la Cellule d’appui au Mca-Sénégal, le Comité interministériel de restructuration des entreprises publiques et parapubliques (Cirep), le Comité interministériel à la prévention et à la sécurité routières.

En deuxième lieu, il y avait le cabinet du ministre délégué chargé du Suivi du Pudc, le Secrétariat général du gouvernement et services rattachés, à savoir : l’Ecole nationale d’administration (Ena), la Direction des services législatifs, la Direction des archives du Sénégal, la Direction de l’imprimerie nationale, la Direction de la surveillance et du contrôle de l’occupation du sol (Dscos), la Direction de l’administration générale et de l’équipement, le Bureau de suivi et de coordination (Bsc), le Bureau d’Information gouvernementale (Big), le Bureau du courrier général, le Service informatique, la Cellule de passation des marchés, la Commission d’évaluation des agences, la Division de la gestion du Building administratif, l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), la Haute autorité de l’aéroport Léopold Sédar Senghor, le Comité d’orientation et de suivi de la stratégie de croissance accélérée, la Haute autorité chargée de la coordination de la sécurité maritime, de la sûreté maritime et de la protection de l’environnement marin (Hassmar), l’Autorité de radioprotection et de sûreté nucléaire (Arsn).

Pour tous ces services et départements, il était dégagé un budget de plus de 48 milliards. Quelle sera la destination de toute cette manne ? Qui en aura désormais le contrôle ? Elles sont nombreuses les questions qui taraudent.

Mais le plus inquiétant, c’est sans doute le sort de ces dizaines et des dizaines de travailleurs qui avaient été engagés dans le cabinet même du Premier ministre. Il faut souligner que rien que le budget de fonctionnement de la Primature était chiffrée à plus de 14 milliards de F Cfa. Et inutile de dire que les dépenses du personnel occupaient une bonne partie de cette enveloppe. Ce qui fait dire que c’est du coup Mahammed Boun Abdallah Dionne, désormais ministre d’Etat, secrétaire général de la Présidence, qui se retrouve avec un gros boulet entre les mains.

DECLARATION DE POLITIQUE GENERALE

Vers une suppression de ce grand rendez-vous de débat

Instaurée depuis les années 1960, la déclaration de politique générale, ce grand rendez-vous républicain, risque d’être sacrifiée à nouveau à l’autel des réformes Macky Sall. Comme ce fut le cas en 1983.

C’était une épreuve passionnante qui avait fini d’être ancrée dans les mœurs démocratiques au Sénégal. Avec la nouvelle réforme, ils sont nombreux à se demander ce que va devenir ce rendez-vous républicain majeur. Mieux, les gens s’interrogent sur la possibilité même qu’avait l’Assemblée nationale d’interpeller le gouvernement, à travers des questions orales et écrites. Il faut souligner qu’il s’agissait là d’intenses moments de dialogue entre, d’une part, majorité et opposition, d’autre part, entre Législatif et Exécutif. ‘’Qui sera, en l’absence de Premier ministre, l’interlocuteur du Parlement ?’’, se demandait dans nos colonnes le député Théodore Chérif Monteil. ‘’Lorsqu’il n’y aura plus de Premier ministre, comment le Parlement va-t-il s’adresser au gouvernement ?’’, ajoutait le parlementaire. A ce jour, ce sont des questions qui restent sans réponse. La législation en vigueur ne prévoyant pas la possibilité, pour le président de la République, d’aller défendre sa politique devant les représentants du peuple, comme cela se fait dans certains pays.

Le seul moyen dont dispose, à ce jour, le chef de l’Etat pour s’adresser à l’Assemblée, c’est par le biais de messages tels que stipulé par l’article 79 de la Constitution. Celle-ci dispose : ‘’Le président de la République communique avec l’Assemblée nationale par des messages qu’il prononce ou qu’il fait lire et qui ne donnent lieu à aucun débat.’’ Ancien conseiller d’Abdou Diouf, Amadou Tidiane Wane, lui, confie que durant cette période de 1983 (date de suppression du poste de Pm) à 1990 (date de rétablissement), aucune déclaration de politique générale n’a été faite à l’Assemblée nationale.

De 1960 à nos jours, plusieurs personnalités politiques ont eu à sacrifier à ce rituel. Dans le site du gouvernement, on y trouve la Dpg du Premier ministre Abdou Diouf, qui couvre la période 1970-1980, celles de Habib Thiam 1 1981-1983 ; Habib Thiam 2 1991-1993 ; Habib Thiam 3 1993-1998, Mamadou Lamine Loum 1998-2000. S’ensuivront, sous l’alternance d’Abdoulaye Wade, les Dpg de Moustapha Niasse, Mame Madior Boye, Idrissa Seck, Macky Sall, Hadjibou Soumaré et enfin Souleymane Ndéné Ndiaye. Sous Macky Sall, les Dpg d’Abdoul Mbaye, d’Aminata Touré et de Mahammed Boun Abdallah Dionne 1 et 2 sont encore fraiches dans les mémoires.

On l’aura constaté, entre 1983 et 1990, c’est effectivement le grand vide.

 

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