Publié le 9 Sep 2016 - 03:55
SEYDOU GUEYE, MINISTRE PORTE-PAROLE DU GOUVERNEMENT

‘’L’Apr n’a pas de patron à Dakar’’

 

Après les élections au Haut conseil des collectivités territoriales (HCCT), l’heure est au bilan dans les rangs de l’Alliance pour la République (APR). Malgré le revers essuyé à Dakar, le porte-parole du parti présidentiel pense que le bilan est positif dès lors que la coalition Benno bokk yaakaar (BBY) a réduit de manière drastique l’écart qu’il y avait avec Taxawu Dakar. Toutefois, Seydou Guèye pense que cette défaite n’est à l’actif de personne. Dans cet entretien avec EnQuête, il estime même que le débat entretenu par certains caciques de l’APR sur le contrôle du parti dans la capitale sénégalaise est de bas étage. A l’en croire, l’APR n’a aucun patron à Dakar.

 

Comment analysez-vous les résultats des élections des membres du Haut conseil des collectivités territoriales ?

L’enjeu qui était lié aux élections des membres du Haut conseil des collectivités territoriales est un enjeu qui porte sur la mise en place d’une institution qui va consacrer un arsenal efficace pour la décentralisation qui est aujourd’hui un principe constitutionnel dans notre pays. C’est à l’issue du référendum du 20 mars 2016 que le peuple sénégalais a adopté cette institution. Dès lors, il convenait justement de procéder, par les pratiques démocratiques, à la désignation des représentants. La démocratie, c’est la compétition. Celle-ci s’est déroulée le 4 septembre entre des listes. Celle qui nous concernait à titre principale était la liste Benno bokk yaakaar (BBY) qui, au total, a engrangé 42 sur 45 collectivités locales.

Justement, avez-vous gagné 42 ou 37 collectivités locales ?

Dans les départements que Benno n’a pas gagnés, seules trois coalitions sont hors de la majorité présidentielle. Le reste, c’est de la dissidence à l’intérieur de Benno puisqu’il y a le phénomène des rivalités. Mais en vérité, nous avons retrouvé les mêmes bases issues des élections locales de 2014 où BBY avait raflé 42 sur les 45 départements. A Dakar, tout le monde a remarqué la percée de BBY dont l’expression ultime est un équilibre des forces au niveau de ce second collège constitué des conseillers municipaux de Dakar.

 Il n’empêche que vous avez perdu à Dakar. Est-ce que cette défaite est bonne pour l’image de la coalition BBY en perspective des prochaines élections ?

Ce qui est bien pour BBY, c’est cela qui m’intéresse. Et ce qui est bien pour BBY, c’est qu’elle est partie avec un handicap lourd issu des élections locales de 2014 où la liste conduite par le maire Khalifa Sall Taxawu Dakar avait raflé presque la totalité des collectivités locales. Nous n’avions qu’une seule commune gagnée en 2014. Qu’on se retrouve donc avec un écart de 75 voix en 2016, traduit tout l’effort que nous avons déployé. Cet effort que nous avons fait pour réduire l’écart a été significatif. De façon claire, sur les 75 conseillers que la liste And Taxawu Dakar a d’avance sur nous, il nous faut faire un effort pour en retrouver la moitié plus un, c’est-à-dire 38 ou 39 pour devenir majoritaire à Dakar. Cet effort que nous avons fait pour réduire l’écart, le maire Khalifa Sall devra en faire encore plus pour rétablir les choses à son avantage. Donc la réalité est que nous avons équilibré les forces en réduisant cet écart.

Mais c’est à la suite d’une dissidence notée au sein même de la coalition Taxawu Dakar.

Ce n’est pas une dissidence. C’est de la cohérence. Puisque les conseillers de Taxawu Dakar ont une claire conscience qu’ils sont des conseillers Taxawu Dakar à l’issue des élections locales de 2014. Mais pour autant, ils n’en sont pas moins membres de BBY et ils ont posé un acte significatif et fort pendant le référendum qu’ils ont confirmé et consolidé à l’occasion des élections des membres du HCCT. Autant le référendum peut être considéré comme un baromètre imparfait, autant les élections des membres du HCCT peuvent l’être. Mais ils sont des révélateurs et donnent des indications fortes. Il y a aujourd’hui un problème dans la relation avec le maire de Dakar et les populations.

Khalifa Sall revendique un leadership sur celles-ci mais les populations ne l’ont pas suivi au référendum. Il viendra un moment où le maire de Dakar devra se déterminer. Moi, je ne le considère toujours pas comme un opposant, mais comme un membre de BBY. Je rappelle qu’en 2009 déjà, l’Alliance pour la République a compéti aux élections locales sous le label Dekkal Ngor. Le Président Macky Sall, candidat à l’époque, était membre de Benno. Il y a ces choses qui arrivent. Mais je pense que la question importante, c’est qu’au vu de ces résultats, BBY se porte très bien. Elle peut envisager les prochaines élections législatives sur les mêmes perspectives de victoire très large. Puisque la majorité de BBY est une réalité sur l’étendue du territoire national.

Khalifa Sall vous a battu en 2014 puis en 2016. Ne craignez-vous pas de subir un nouveau revers en 2017 ?

Moi, ce qui m’intéresse dans notre rapport avec Taxawu Dakar, c’est le fait d’avoir réduit significativement l’écart après l’avoir largement battu au référendum. Ça, c’est plus significatif que toute autre forme de spéculation.

Après les élections locales de 2014, le Président Macky Sall avait sanctionné certains responsables ‘’apéristes’’ perdants comme l’ex-Première Aminata Touré. Peut-on s’attendre cette fois-ci à des sanctions de cette nature ?

Moi-même j’ai été sanctionné à l’issue de ces élections de 2014. J’ai été démis de mes fonctions de Secrétaire général du gouvernement. Mais il y a un débat qui est en train de s’installer dans notre pays et dans notre parti l’APR. Je trouve que c’est un mauvais débat en termes de responsabilité. Les uns et les autres sont en train de supputer sur le contrôle du parti à Dakar en usant souvent du terme ‘’Patron de Dakar’’. Le président de la République, à l’occasion de sa dernière rencontre avec les responsables de Dakar, avait indiqué que la ligne du parti et sa préoccupation, c’était une dynamique unitaire. A l’occasion de la rencontre qu’il a eue avec les responsables de Dakar au Grand théâtre de Dakar en présence des délégués de quartier, des badinénou gokh et des Imams de Dakar, il a dit : ‘’je souhaite qu’à Dakar, les responsables développent une dynamique unitaire.

Je ne veux pas d’échappée solitaire, je veux l’unité des responsables. Le travail est à faire au niveau des communes’’.  Si aujourd’hui on joue à ne pas respecter la ligne et à évoquer des situations de responsabilité personnelle, dans un contexte que je considère comme devant nous encourager et nous exhorter à faire des efforts, c’est que nous manquons de respect en tenant ce débat, à nos alliés de BBY de Dakar qu’il faut féliciter pour leurs engagements, leur présence et leurs contributions dans cette manche qui nous a permis de rétablir l’équilibre. C’est aussi manquer de respect à la ligne du parti. Puisque le Président a définitivement, à l’occasion de cette rencontre, invalidé toute dynamique de patron de Dakar. Maintenant si pour des besoins de coordination il faut définir des responsables, il faut considérer que chaque responsable de Dakar, quelle que soit la position qu’il occupe, est d’égale dignité par rapport à l’autre.

Donc selon vous, Abdoulaye Diouf Sarr n’est pas le patron de l’APR de Dakar ?

L’APR de Dakar n’a aucun patron. Aucun consensus entre les différents responsables n’a acté la désignation d’un patron de Dakar. Donc un tel débat n’a pas de sens au regard des enjeux. Il nous faut retrouver l’unité pour dégager des mécanismes consensuels de coordination en tenant compte des réalités politiques sociologiques et administratives du département de Dakar.

Yakham Mbaye s’en est pris à Abdoulaye Diouf Sarr après ce revers. Qu’en pensez-vous ?

Nous étions en compétition sur la base d’une liste composée de personnes qui avaient qualité pour élire. C’étaient les conseillers. Et dans le cadre de la dynamique de Dakar comme partout dans le pays, ce sont les conseillers membres de BBY qui étaient engagés dans la bataille. Nous les politiques qui n’avions pas la qualité pour être candidat ou pour élire, on a fait le travail politique. Je donne l’exemple de ma commune Médina. Je voudrais d’ailleurs remercier très chaleureusement les conseillers de BBY et ceux issus du Parti socialiste qui ont fait un travail remarquable. Ils ont passé une semaine entière à faire un travail de contact avec les conseillers pour les engager dans un vote en faveur de BBY. Je crois que de façon claire et nette, les conseillers de la Médina ont apporté leurs contributions dans cet effort qui nous a permis de réduire l’écart. C’est en coalition que nous étions partis aux élections, c’est la coalition qui a compéti et qui a fait ce travail remarquable. Une victoire à Dakar n’aurait pu être à l’actif de personne d’autre. Ce serait une victoire de BBY Dakar.

Ne regrettez-vous pas aujourd’hui  d’avoir présenté une liste à Dakar pour ces élections du HCCT ?

Il faut se présenter aux élections. C’est cela la compétition. Le souhait du président de la République, c’était d’avoir une liste unique à Dakar. Il y a eu, comme toujours en politique, des concertations qui n’ont pas permis d’arriver à une décision consensuelle. Dans la liste qui a été présentée au titre du HCCT, il n’y a eu aucun militant de l’APR comme candidat. Les candidats étaient distribués entre les forces politiques membres de BBY mais qui avaient gagné leurs communes. Et ça, c’est de la cohérence politique. Ce n’est pas uniquement dans le cas d’espèce de cette élection que ce principe a été mis en œuvre. Il a été mis en œuvre lors des élections législatives de 2012.

En 2014, vous avez tenté  d’écarter Khalifa Sall de la ville de Dakar, il a triomphé. En 2016, vous avez tenté de rééditer le même coup, il a encore gagné. Finalement est-ce que le maire de la capitale n’est pas un casse-tête ‘’apériste’’ ?

Je ne le pense pas. Parce que quand vous analysez avec sérénité la situation politique à Dakar, vous remarquerez que Khalifa, aussi fort soit-il politiquement parlant, ne gagne jamais des élections directes. Il a toujours été à la ville de Dakar à l’issue d’une élection de second collège. L’élection directe, c’est quand les populations s’expriment directement. Je ne pense pas qu’il puisse être un bourreau pour l’APR. En 2012, il n’a pas gagné pour son candidat à Grand Yoff, autant pour le référendum, il n’a pas gagné.

Maintenant, ce qui est clair, c’est que c’est une réalité politique parce qu’il a le parcours, la compétence et le leadership. Ça, c’est incontestable. D’ailleurs, il faudrait que les Sénégalais comprennent très bien qu’il n’y a pas de problème Macky Sall-Khalifa Sall. Macky ne conteste pas la légitimité de Khalifa Sall. Parce qu’il est élu à la tête de la ville de Dakar qui est une délégation républicaine pour prolonger la politique définie par l’Etat. Notre Etat est ainsi organisé. Les populations ont élu des conseillers municipaux qui l’ont choisi comme maire de Dakar. Le président de la République est élu par un collège beaucoup plus large que le département de Dakar. Khalifa n’est pas dans l’opposition. Nous ne le considérons pas comme un membre de l’opposition. Donc il n’y a pas de dualité entre Macky Sall et lui.

 Ne voyez-vous pas en lui  un sérieux adversaire de Macky Sall en 2019 ?

En matière d’élection présidentielle, hormis les restrictions et les interdictions posées par la constitution, chaque Sénégalais qui remplit les conditions d’éligibilité a la liberté de présenter sa candidature. Ça, c’est un principe qu’il faut accepter dans une démocratie. Quand on a une ambition, il faut travailler pour atteindre ses objectifs. C’est cela l’esprit du Président Macky Sall qui n’a pas la préoccupation d’empêcher la candidature de qui que ce soit. Le président est un produit de la démocratie et c’est un démocrate qui accepte les règles du jeu. Donc il n’y a, au-delà de l’émotion et de l’activisme, aucune volonté d’empêcher la candidature de Khalifa Sall. S’il veut être candidat, personne ne peut l’en empêcher.   

PAR ASSANE MBAYE

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