Publié le 17 Mar 2012 - 13:35
SEYNI DRAMÉ ANCIEN ÉTUDIANT DE MAITRE WADE

«Wade s’habillait tellement bien qu’on l’appelait grand zazou»

 

Né un 14 octobre 1930 à Rufisque, le doyen Seydi Dramé est un contemporain de l'actuel président de la République du Sénégal. Déjà en 1961, cet ex-fonctionnaire de l'Afrique occidentale française (AOF) connaissait Abdoulaye Wade qui n’était pas encore avocat et qui avait cinq and de plus que lui. «Je ne sais pas avec exactitude quel est son âge même si officiellement il a 86 ans et même si d'autres estiment qu'il en a 90», indique ce Rufisquois bon teint. «Pour connaître à peu près l’âge de maître Wade, il faudrait peut-être ajouter cinq ans au mien qui est de 82 ans. Au total, ça ferait 87 ans.»

 

Membre fondateur du Mouvement des jeunes de l'Union progressiste sénégalaise (MJ/UPS, ancêtre des Jeunesses socialistes) dont le congrès constitutif a eu lieu les 31 juillet, 1er et 2 août 1959, Seyni Dramé est tour à tour militant de l'Union de la jeunesse du Mali, de la Fédération des jeunesses démocratiques du Sénégal et secrétaire des jeunesses socialistes de Rufisque. Ses «rapports cordiaux» avec le président Mamadou Dia lui offrent des études en France, notamment une formation comme Directeur de maisons de jeunes et de la culture. «En 1962, raconte-t-il, j'ai complètement stoppé mes activités politiques suite à l'arrestation et à l'emprisonnement du président Dia.» Conséquence : «lorsque le président Abdou Diouf est arrivé au pouvoir, je n’ai jamais voté pour lui. Et cela sans être membre d’un parti politique.

 

 

Déjà sapeur en diable dans les années 60

 

Après son séjour en Hexagone, Seyni Dramé revient au bercail et s'inscrit à l'Institut d'études administratives africaines de l'Université de Dakar. Où il fait la connaissance d'un certain ... Abdoulaye Wade, ainsi que de trois autres enseignants français : Fourbon, Jean-Claude Gautron et Philippe Georges. «Ce sont eux qui m'ont appris le Droit public, le Droit constitutionnel, le Droit administratif et le Droit social», indique le doyen Dramé. A l’issue des trois années de formation, il obtient le premier diplôme de l’institut. Un résultat d'autant plus méritant qu'il cumulait les enseignements avec ses responsabilités de fonctionnaire. Plus tard, il sera également diplômé de la première promotion du Centre de formation et de perfectionnement administratifs (CFPA), du Bureau international du travail (BIT), etc.

 

Quid de ses relations avec le Pr. Abdoulaye Wade ? «C'étaient des rapports d'enseignant à étudiant, dit-il. Des rapports agréables, de famille. A l'époque, il n'était pas encore avocat ni Doyen de la faculté de Droit. Wade était un simple professeur.» Côtoyant assez fréquemment le futur président de la République du Sénégal, Seyni Dramé en dit de belles choses. «Il s'habillait très bien à l'époque, mais vraiment bien, explique-t-il, un brin nostalgique. Il dégageait si bien qu'on l'appelait ''Grand Zazou'', diminutif de ''Zazouman'' pour désigner les gens qui portaient de beaux habits, qui s'habillaient bien quoi.» Mais pour le vieux Rufisquois, ce n'était pas surprenant du tout. «Wade avait un grand tailleur à Dakar, il s'appelait Raoul Daubry alors que peu de gens y avaient accès. En ce temps, les Sénégalais qui excellaient le mieux dans l'habillement étaient : Abdoulaye Wade, Mangoné Seck, Souma Momo Tidiani, et surtout Assane Ndiaye surnommé Assane cadre, décédé depuis», raconte Dramé.

 

 

«L'exploit de Wade»

 

C'est en 1986 que Seyni Dramé quitte définitivement l'administration. Aujourd'hui, il constate, «offusqué», «la situation dans laquelle mon ancien professeur de droit a mis le Sénégal.» Il aura, selon lui, réussi l'exploit d'organiser «une élection présidentielle où il n'y a que des gourdins, des coups de feu, des armes blanches, des frappes, des tueries.» Néanmoins, ajoute l'ancien jeunes militant socialiste, «tout le sang versé lors de la campagne électorale va arroser les espérances de tout un peuple au soir du 25 mars.» Pour Seyni Dramé, le changement est devenu incontournable. «52 ans après notre indépendance, les gens qui sont nés à cette époque iront à la retraite dans huit ans, et à ce jour ils n’ont pas encore trouvé d'emploi. Aujourd’hui, la pension du retraité ne peut payer que la seule facture de la Senelec, souligne-t-il. Le peuple veut que cela change. Il a démontré que Abdoulaye Wade n’a pas progressé en matière de popularité.»

 

Malgré tout, Seyni Dramé exprime de la pitié pour son ancien maître à la faculté de Droit. «Si Abdoulaye Wade est dans ses petits souliers, c'est qu'il a été trahi et trompé par les gens de son propre entourage. Des hommes grossiers, vaniteux, égocentriques, qui ne croient ni à la République, ni à l’Etat ni à la nation, encore moins à la patrie». Radical, il poursuit sans concession sa diatribe contre le «système» mis en place par son professeur. «Ce gouvernement a trop méprisé les citoyens de ce pays. Voilà ce que cela lui coûte aujourd'hui», dit-il avec rage. Ajoutant : «de grands responsables choyés, enrichis, engraissés, toujours pimpants, amplement repus, enrobés de beurre, qui se frottent les mains avec l’argent du beurre, ont été tous battus à plate couture non seulement dans leurs propres quartiers, mais aussi dans leurs bureaux de vote.» Pour le vieux Dramé, «c'est un peuple meurtri par le dénuement qui a décidé de tourner le dos à monsieur Abdoulaye Wade».

 

PAPE MOUSSA GUEYE

(Correspondant à Rufisque)

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