Publié le 23 May 2017 - 23:03
SOULEYMANE DIALLO, (SECRETAIRE GENERAL SELS)

‘’L’école sénégalaise est malade de ses orientations’’

 

Le Syndicat des enseignants libres du Sénégal (Sels) est sorti largement vainqueur des élections de représentativité syndicale dans le collège du préscolaire-élémentaire avec 30,64% des suffrages valablement exprimés. Le secrétaire général Souleymane Diallo a alors la légitimité de parler au nom des enseignants. Dans cet entretien, il fait le bilan de ces joutes électorales et se projette sur les prochaines conquêtes de son syndicat. Il s’inquiète de la situation que traverse l’école sénégalaise, notamment, l’absence de financements, le manque de contenus d’enseignement et la mauvaise formation des enseignants.

 

Le syndicat que vous dirigez a largement devancé les autres, lors des dernières élections de représentativité syndicale dans l’Education. Qu’est-ce qui explique ce résultat ?

Les résultats que nous venons d’obtenir, dans le cadre de ces élections de représentativité, s’expliquent par notre bilan syndical qui est largement positif depuis la création de cette organisation. C’est le premier syndicat créé par des volontaires qui combattent l’injustice. Si aujourd’hui ces derniers ont pu obtenir leur plan de carrière, c’est grâce à la lutte que nous avons menée, depuis la création du Sels. C’est ce bilan syndical, ce parcours, cette identité qui ont été valorisés par ces enseignants. Mais, ce sont également les stratégies que le Sels a eu à élaborer dans le cadre de la gestion des préoccupations des membres. Une stratégie basée sur la proximité, sur un maillage au plan national.

Nous sommes dans tous les départements ; nous avons une cinquantaine de sections. Ce sont tous ces facteurs qui expliquent ce résultat qui vient conforter tout ce que nous avions fait, tout en sachant que nous étions majoritaires sur le terrain. Nous rappelons que ces élections ne sont pas imposées par le gouvernement du Sénégal, mais c’est une revendication des syndicats, en particulier du Sels, pour clarifier le champ syndical afin de savoir qui est qui, qui pèse quoi et qui représente qui ? Nous avions une pléthore d’organisations syndicales,  certains parlaient même d’une cinquantaine.

Les  syndicats va-t-en-guerre sont sortis vainqueurs des élections, qu’est ce que cela  signifie ?

Je ne pense pas que nous soyons des va-t-en-guerre, c’est une organisation syndicale de lutte pour le progrès des travailleurs. Dans l’élémentaire, nous sommes en tête, dépassant le deuxième de 6 000 voix, le troisième de 8 000 voix et de 10 000 voix le quatrième. Dans le collège du préscolaire-élémentaire, c’est le Sels qui est sorti premier. Nous nous sommes toujours battus avec beaucoup de responsabilité. Quand il a fallu négocier, on l’a fait. Quand il a fallu se battre, on s’est battu. Quand il a fallu s’arrêter, on s’est arrêté car la lutte syndicale n’est jamais achevée, c’est un éternel recommencement. A un moment donné, il faut savoir capitaliser, se réorganiser et se mobiliser. Nous avons toujours été un syndicat de lutte, une lutte basée sur la responsabilité et la raison.

Quels sont les résultats obtenus dans ce combat ?

C’est d’abord ce que l’on appelle le plan de carrière. Les volontaires de l’Education étaient des enseignants sans statut, sans plan de carrière, considérés comme des tâcherons. Nous nous sommes battus pour leur dignité, la reconnaissance de leur professionnalisme pour en faire des enseignants titulaires. Nous nous sommes battus pour la formation diplômante pour tous les maîtres contractuels pour une hausse sensible du salaire des volontaires qui a commencé à 50 000 F CFA par mois, et nous en sommes aujourd’hui au doublement de celui-ci. Ce qui est extrêmement important, c’est la validation des années de volontariat, de vacation et de contractualisation de tous les enseignants qui sont passés par le volontariat et la contractualisation.

Par rapport aux élections de représentativité, quels sont les résultats obtenus ?

C’est dans l’élémentaire que nous avons les meilleurs avec 12 490 voix soit 30,64%, là où notre suivant immédiat est à 17% et le troisième à 10,23%. Ce qui fait de nous sommes l’organisation syndicale la plus représentative. Sur les deux collèges, le Sels est largement en tête.

Quelle est la suite, après cette victoire ?

Il s’agit de revenir sur terre, d’avoir confiance et de porter les attentes. Il sera question de la gestion financière par l’Etat de la question indemnitaire pour éviter les discriminations, l’habitat social, la qualité de l’enseignement ; des enseignants suffisants et bien formés, la mise en œuvre des recommandations des assises de l’Education. La mobilisation de l’Etat pour l’école sénégalaise, la qualité du dialogue social basé sur des principes et des valeurs, le respect de la parole donnée.

En ce qui concerne les revendications syndicales avec le gouvernement, où en est le Sels ?

C’est le flou total, le statu quo. Nous n’avons aucune information financière venant du gouvernement en ce qui concerne le paiement des rappels d’avancement, ce que nous dénonçons. Pourtant, le gouvernement avait annoncé une enveloppe de 24,200 milliards de F Cfa, mais, jusque-là, rien. Toutes les conditions étaient réunies pour continuer la lutte syndicale, mais notre volonté se voulait de montrer à l’opinion que nous sommes des citoyens.  

Comment appréciez-vous la position du gouvernement ?

C’est le dilatoire. Le pourrissement de la situation basé sur le non-respect des engagements, parce que c’est un partenariat. Il faut donc cesser la bataille des informations et mettre l’accent sur les concertations à faire à l’avance, la gestion démocratique du système éducatif, mais également des relations professionnelles.

En 2016, il y avait des engagements chiffrés, mais pour cette année, l’Etat ne veut pas en prendre d’autres ; pourquoi cela à votre avis ?

Le gouvernement s’était engagé à payer tous les rappels en 2017 : rappels d’intégration, de reclassement et d’avancement. Les montants sont connus mais les modalités de paiement ne sont pas déclinées. De même, sur beaucoup de questions, l’enveloppe n’est pas connue. Sur la question indemnitaire, les résultats des études ne sont pas partagés alors que le gouvernement avait promis de le faire sitôt terminé.

Quels sont les points non satisfaits ?

Nous notons un grand retard sur la question du crédit logement, une absence totale de négociations sur la question indemnitaire. Le flou total sur la question de l’habitat social par rapport aux engagements et un retard de sept ans dans le crédit logement. C’est également la rétention d’informations du gouvernement sur ses engagements sociaux et financiers et la question de la formation diplômante différente de la formation continue. Ainsi, il y a une dénaturation sur la formation diplômante qui a pour finalité de délivrer le diplôme, des lenteurs administratives. L’Etat doit s’engager à achever la dématérialisation jusqu’au niveau le plus déconcentré. Achever la gestion des stocks et mettre en place un guichet unique.

Quelle est la situation actuelle du système éducatif ?

La situation est très désolante. L’école sénégalaise est malade de ses orientations, de l’absence de financements, du contenu d’enseignements, du système d’évaluation de ses enseignants qui n’ont pas la bonne formation et la motivation. Il y a une absence de volonté politique de l’Etat qui doit comprendre que l’émergence d’un pays ne peut se faire sans celle de l’Education. Nous constatons cette situation désolante, car il y a une réelle absence de volonté politique dans le système ainsi qu’une fausse route.

PAR AIDA DIENE

 

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