Publié le 26 Jun 2019 - 23:33
SOUVENIR DE CAN - ABDOULAYE DIALLO (ANCIEN INTERNATIONAL ET CAPITAINE DE LA JA)

La finale ratée de 65, la décision de Senghor, l'échec d'Asmara en 68...

 

Il a pris part à deux phases finales de Coupe d'Afrique des nations (Can) d'affilée, 65-68. Âgé aujourd'hui de 74 ans, Abdoulaye Diallo se souvient comme si c'était hier, de ces moments joie, de la désillusion liée à la finale que le Sénégal aurait pu jouer en 1965 en Tunisie, mais aussi de l'échec de la Can 68 en Érythrée. Celui qui a eu à marquer Pelé, lors du match Santos vs JA (Jeux de l’amitié) à Dakar, demande à Sadio Mané et à ses coéquipiers de mouiller le maillot en terre égyptienne pour offrir au Sénégal son premier trophée continental dans cette compétition. 

 

''J'entends très souvent les gens parler de l'épopée de 2002. Mais, il faut rappeler que le football sénégalais n'a pas démarré à cette époque. En 1965 et 1968, nous avions la meilleure génération. D'ailleurs, en 1964, le Sénégal avait la plus jeune équipe au point que les gens l'appelaient: l'équipe du printemps. Le jour de notre départ pour jouer nos chances de qualification au Mali, certains disaient qu'on allait revenir avec un sac de buts. Heureusement, on avait surclassé le grand Mali de Salif Keita, Ousmane Traoré, Thiémokho…, par deux buts à zéro. C'était la grande équipe du Mali'', se remémore Abdoulaye Diallo, l'ancien défenseur central de l'équipe national du Sénégal et capitaine de la Jeanne d'Arc de Dakar.

Au cours de cette rencontre au parfum de revanche qui, dit-il, a été âprement disputée par Lions et Aigles, le doyen Abdoulaye Diallo avait reçu un sacré coup et perdu quatre de ses dents. Cependant, il était hors de question d'abandonner ses camarades. Ainsi, il a été évacué à l'hôpital, à toute vitesse. Il a subi des soins, avant de revenir rejoindre ses coéquipiers sur le terrain, parce qu'il n'y avait qu'un seul remplaçant. ''J'ai continué à jouer, parce qu'il ne fallait pas qu'on joue à 10 contre 11. Ce match de qualification était d'une tension extrême. Cette même équipe du Mali avait battu nos aînés par 4-0. Ils pensaient pouvoir rééditer le même coup. On les avait battus à l'aller comme au retour (4-1 à Dakar, 2-0 à Bamako). C'est de cette manière qu'on a assuré la qualification pour la Can 1965 (novembre 65 en Tunisie, Ndlr). C'était l'équipe de ''Allou''', retrace celui qu'on surnomme ''tacle glissée''. 

Les regrets d'une finale avortée

Après cet exploit face au Mali, l'équipe nationale du Sénégal devait rejoindre Tunis. Pour mieux se préparer, Abdoulaye Diallo et ses camarades se regroupent pendant un mois, à la base aérienne de Thiès. Ils dormaient sur de petits matelas sous le regard des entraîneurs Libasse Diop (ancien international foyer France) et Habib Ba (ancien de l'Union sportive de Gorée). Mais, peu importe! L'essentiel, c'était de se rendre en Tunisie pour défendre les couleurs de son pays. ''A l'époque, on nous donnait que 500 francs Cfa par jour. Par contre, ce n'était pas l'argent qui nous intéressait. Ce qui nous intéressait, c'était le maillot national. Parce que, quand tu portes les couleurs nationales, c'est comme si tu portais tout le Sénégal. On jouait pour les Sénégalaises et Sénégalais. Pendant toute la durée du regroupement, on avait eu qu'un seul objectif : aller en Tunisie et ramener la coupe'', poursuit-il.

A la Can, le coach Libasse Diop et ses hommes étaient dans un groupe jouable avec le pays hôte et l'Ethiopie. D'ailleurs, ils avaient réussi à se hisser en finale, suite à meilleure différence de buts. Dans l'autre groupe, il y avait la Côte d'Ivoire, le Ghana et la République démocratique du Congo. ''Il n'y avait que deux groupes, parce qu'à cette époque, c'est seulement six États qui se qualifiaient. C'était très compliqué. Lors de notre première sortie, on avait obtenu un nul (0-0) face à la Tunisie et battu l'Ethiopie par (5-1). Quand on a su que c'est nous qui allions jouer la finale, on était très content, une fois à l'hôtel (…)''; raconte Abdoulaye Diallo.

‘’Le Président Senghor avait dit le Président Boumediene était son ami et…’’

Toutefois, le Sénégal n’a jamais joué cette finale de la Can Tunisie-1965. Car, en commission technique, le pays hôte avait inventé son propre calcul pour pouvoir accéder en finale. ''Les Tunisiens avaient fait savoir à notre délégué fédéral que ce sont eux qui allaient jouer la finale, parce que quatre buts à zéro est plus important que cinq buts à un. Ensuite, ils ont dit que le Sénégal avait encaissé et pendant qu’eux n'ont pas encaissé. Alors, notre délégué nous avait fait comprendre qu'on devait jouer la troisième place. Nous avions refusé. C'est à ce moment que nôtre représentant décida d'envoyer une correspondance au président Senghor pour lui faire part de la situation. Le Chef de l’Etat, Léopold Sédar Senghor, avait répondu en disant que le Président tunisien Houari Boumediene était son ami et qu'il ne voulait pas de conflit entre les deux pays. Il nous a demandé d'aller jouer la troisième place. C'est de cette façon que nous avions perdu'', regrette l'ancien défenseur central de l'équipe nationale du Sénégal.

Avec l'ordre qu'ils ont reçu du défunt président-poète, Abdoulaye Diallo et ses coéquipiers décidèrent enfin de tenter de décrocher une médaille continentale. Malheureusement, ils ont été battus par la Côte d'Ivoire sur le score d'un but à zéro. Un but marqué par Laurent N'dri Pokou (devenu par la suite sélectionneur de la Côte d'Ivoire et décédé le 13 novembre 2013 à Cocody: Ndlr). Libasse Diop et son groupe terminèrent quatrième de la Can 1965. 

Asmara, terre peu bénite

Après la désillusion tunisienne, il fallait vite s'attaquer à la préparation de l'édition suivante. Le même groupe a été conservé et renforcé, souligne ''l'inventeur des tacles glissées au Sénégal). En 1966, le défunt Mawade Wade a pris les rênes de l'équipe. Il a été épaulé par Joe Diop et Lamine Diack. Il fallait à tout prix constituer une équipe capable de faire oublier la déception tunisienne. ''La sélection de 68 était encore plus extraordinaire. Parce qu'on était toujours entouré de grands footballeurs. Aucune équipe n'a réussi à scorer sur le territoire sénégalais. On gagnait tous nos matches joués à Dakar. Nous avions laminé ici le Libéria sur la marque de 5-0 et 3-0 à Monrovia de même que le Togo. Au terme des phases de qualification, on devait se rendre à Asmara (Erythrée)'', se souvient Abdoulaye Diallo.

La belle campagne et qualification acquises, l'équipe nationale sous les ordres du trio cité plus haut prend la direction de la capitale érythréenne pour participer à la fête du football africain. Sur place, la génération dorée de 68 n'a pas atteint cette fois la finale. En revanche, l'ancien capitaine de la Jeanne d'Arc de Dakar juge parfaite la prestation de l'équipe. ''A Asmara aussi c'était la révélation. Mais, malheureusement, on évoluait avec un système en ligne pour une première en Afrique. C'est cette défense qui avait joué un peu à notre défaveur. Là-bas, on n'a pas atteint la finale. Nous y avions fait une belle prestation à l'issue de laquelle douze joueurs du groupe ont rejoint les championnats européens. Yatma Diop et Louis Gomis à Amiens, Louis Kamara à Nîmes, etc. Il y avait la grande saignée de l'équipe nationale. C'est ce qui a fait que la sélection nationale est restée 18 ans sans se qualifier à une phase finale de Can. Il fallait attendre Caire 86'', soutient-il. 

Si, à Tunis, ils avaient réussi à atteindre une finale qui leur a été volée, à Asmara, les choses n'étaient pas aussi simples pour la génération dorée de Moustapha Dieng, El Hadj Sarr, Demba Thioye, de Matar Niang… Son groupe, celui de Bocandé et la bande d'El Hadj Ousseynou Diouf, … n'ont pas pu ramener au Sénégal, ce prestigieux trophée continental. C'est pourquoi, Abdoulaye Diallo demande à cette jeune génération de Sadio Mané, Kalidou Coulibaly, Idrissa Gana Guèye, Edouard Mendy… de ''tout faire pour gagner'' la 32e édition, après tant d'années de sacrifice.

Les échecs répétés de Tunis (65), Asmara (68), Caire (86), Sénégal (92), Bamako (2000)… font penser à Abdoulaye Diallo que l'heure a sonné pour le Sénégal d'affirmer son leadership et son savoir-faire sur les ses pelouses du pays des Pharaons, afin de rendre un hommage appuyé aux anciennes gloires encore en vie et à titre posthume à tous ce qui ont été rappelés à Dieu dans l'anonymat.  

GAUSTIN DIATTA (THIES)

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