Publié le 16 Jul 2017 - 02:54
STRATEGIES DE CAMPAGNE ELECTORALE

Les recettes des directoires  

 

Populations, séductions, élections. En direction des Législatives du 30 juillet 2017, les équipes de campagne des différents partis politiques  et coalitions cherchent comment séduire les populations pour que leurs candidats soient élus.

 

Casse-tête actuel pour prétendants à la députation. Comment faire pour toucher le maximum d’électeurs dans 45 départements en 21 jours ? Etats-majors politiques, et directoires de campagnes de différents candidats ont les cheveux blancs à force  de retourner l’énigme dans tous les sens pour trouver la meilleure formule possible, selon les moyens dont on dispose. Une technique qui est pratiquement similaire pour deux des plus grandes coalitions à savoir Mankoo Taxawu Senegaal (MTS) et Benno Bokk Yaakaar (BBY) : les têtes de liste départementale concentrent les sorties dans leurs bases électorales et les leaders investis sur la nationale font la tournée nationale. Le département de Dakar est la mère des batailles avec 7 sièges à pourvoir. Pour la coalition MTS, Bamba Fall à la Médina, Barthélémy Dias à Sacré-Cœur, Palla Samb au Point E, et Cheikh Guèye à Dieuppeul-Derklé se sont tous mis à sillonner la base dans la première semaine de campagne, après un meeting d’ouverture conjoint. 

La coalition de partis au pouvoir BBY est pratiquement dans la même logique. Amadou Bâ aux Parcelles Assainies, Abdoulaye Diouf Sarr à Yoff, Maimouna Ndoye Seck et Seydou Guèye à la Médina ont également fait plus ample connaissance avec leurs bases respectives dans leurs localités, les premiers jours. La tête de liste nationale Bby, Mahammed Boun Abdallah Dionne, fait concomitamment le tour du pays. Le responsable ‘‘apériste’’ du comité ad hoc du département de Dakar, Ibrahima Fall, assure que leur stratégie d’occupation est double. ‘‘Nous avons une option stratégique dont l’objectif est de porter le message sur les réalisations du gouvernement. Plusieurs formules sont développées dont une au niveau national où le PM se base sur les réalisations du Sénégal en demandant aux populations de ne pas s’aventurer et d’opter pour la continuité et la stabilité. Une autre au niveau des communes, des quartiers, bref du département avec des explications, du porte à porte, des visites de proximité’’, explique-t-il. Une stratégie de travail qui, à l’en croire, est évaluée chaque soir avec des séances de débriefing pour apporter quelques retouches aux manquements constatés dans la journée.

Pour le chargé de communication de la coalition Mankoo Taxawu Senegaal, l’option est évolutive. Une semaine à la base qu’est la Médina, suivie d’une autre semaine au niveau de l’arrondissement (Plateau, Point E, Sicap...), après un jour de repos le lundi, puis un dernier virage à un niveau plus global avec les leaders de MTS que sont Idrissa Seck, Cheikh Bamba Dièye, Malick Gakou pour renforcer leur présence dans les autres régions, explique Aziz Seck. ‘‘Bamba Fall va également compenser l’absence de la tête de liste nationale (Ndlr : Khalifa Sall) puisqu’elle est incarcérée’’, poursuit-il. Toutefois, pour sécuriser les acquis de la première semaine dans cette commune, le directoire de campagne a enjoint à l’équipe communale de la Médina de continuer à battre campagne dans la localité, le temps que la tête de liste départementale visite d’autres localités avant de revenir y terminer sa campagne.

Les sondages d’opinion étant officiellement interdits dans le processus électif sénégalais, il est difficile de savoir comment les directoires de campagne se sont arrangés pour déterminer les étapes classiques de la préparation de campagne à savoir : segmentation de l’électorat pour désigner la cible, construction d’un message adapté, feedback du message véhiculé, supports des messages adaptés à cette même cible. C’est tout juste si les concepteurs s’embarrassent de ces fioritures. Pour l’autre grande coalition, Wàttu Senegaal, sa stratégie de campagne, imprécise jusque-là, a incontestablement retrouvé  un signal encourageant avec l’arrivée de l’ex-président Abdoulaye Wade, lundi dernier, et sur qui toutes les modalités pratiques de campagne semblent se reposer. Le Pds étant le parti-moteur de la coalition, la configuration est un peu différente de celle des deux coalitions précitées. Nos tentatives d’entrer en contact avec le chargé de communication ont été sans suite, mais les nombreuses voitures ‘‘404 mbar’’ parquées devant la permanence Omar Lamine Badji du PDS démontre que le parti garde encore vigueur et détermination dans la pêche aux voix.

Les novices innovent

Ces Législatives accueillent aussi des novices à la députation. Les préjugés plutôt favorables sur la coalition Ndawi Askan Wi dirigée par Ousmane Sonko, et des mobilisations impressionnantes du Parti de l’Unité et du rassemblement (PUR) sont des points d’intérêt dans cette campagne. Mais sans les moyens logistiques ni l’expertise des partis précités, comment font-ils ? Le chargé de communication du PUR, Makhary Mbaye, explique que la stratégie du parti est de ‘‘reposer sur les commissions départementales’’ puisqu’ils ne sont pas en coalition. ‘‘On a eu la chance de leur faire passer une formation préliminaire un mois avant les Législatives’’.

Un maillage qui semble porter ses fruits puisque les mobilisations qui ponctuent leurs manifestions les créditent d’un certain intérêt. ‘‘Quand nous nous rendons dans les départements, nous constatons avec satisfaction l’implication effective des commissions’’, déclare-t-il en se réjouissant du fait que ces attroupements ne résultent pas de transferts d’électeurs.  Dans sa logique, ce parti d’inspiration confrérique ‘‘ne cherche pas qu’à figurer à l’Hémicycle avec 5 ou 6 députés, mais à avoir la majorité’’. Dans sa logistique, PUR ‘‘ne lésine pas sur les moyens’’ avec une ‘‘soixantaine de véhicules 4x4’’. Même si le chargé de com’ n’explique pas en détail la modélisation de leur chemin de croix politique à travers les 45 départements où ils sont présents, il avance que le parti s’arrange pour tenir concomitamment deux grands rassemblements dans deux grandes circonscriptions. Après Dakar Malem-Hoddar Tamba, le directoire de campagne s’achemine vers Ziguinchor pour ce samedi alors que la Place de France à Thiès est au menu mardi prochain. La capitale sera le point de chute de leur campagne pour les trois derniers jours de ce marathon électoral.

Digitalisation

Le président américain Donald Trump n’a pas lancé la tendance ‘‘twitter’’ mais son efficacité lors de la dernière présidentielle a convaincu le dernier carré de réticents que la bataille sur les réseaux sociaux est cruciale. Avec des ambitions aussi difficiles, et des moyens limités, les néophytes pour ces législatives ont trouvé la parade pour contourner les lourdeurs des médias traditionnels : la digitalisation de leur communication. Makhary Mbaye explique que les grandes coalitions les ont devancés sur la communication classique notamment sur l’affichage des posters sur les panneaux dans la capitale.

A l’image  de la campagne républicaine aux USA, c’est la bouée des réseaux sociaux, ‘‘gérés par des professionnels dont c’est le métier’’, qui leur sert de vecteur dans cette mare politique où les ‘‘grosses cylindrées’’ ne sont pas en reste. Ibrahima Fall de BBY avoue que sa coalition a mis en place un système de veille et d’alerte sur les réseaux sociaux pour les feedback et ajuster les messages en direction des cibles. ‘‘On joue sur les deux supports car les cibles sont partout. Nous avons une équipe de riposte mais la communication est axée essentiellement sur les réalisations’’, explique-t-il. Même son de cloche à MTS où com’ digitale et com’ classique sont d’égale importance. Abdou Aziz Seck explique qu’il gère lui-même la page Facebook et twitter tandis qu’un autre groupe s’assure des publications sur WhatsApp. Son équipe de campagne dispose pratiquement des mêmes attributs que celle du camp adverse à savoir un comité de veille et riposte.

La course à l’hémicycle promet d’être très disputée.  

OUSMANE LAYE DIOP

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