Publié le 26 May 2016 - 08:34

Sur l’intégration africaine, pourquoi pas ne pas être pessimiste ?

 

Comment sauver l’Afrique de la disparition préparée par quatre siècles de traite négrière accentuée par l’esclavage et en achèvement par la colonisation qui a défigurée fragmentée et morcelée notre Afrique notre espace vital ?

 

Cette lancinante question du Pr cheikh Anta Diop demeure plus que jamais d’actualité. Aujourd’hui en effet le continent fait toujours face à des défis frontaliers. Lesquels frontières n’existaient pas avant 1885, une année pendant laquelle on  assistait au tong-tong du continent noir par les grandes puissances qui se sont réuni à Berlin pour le partage du butin sans tenir compte (ou chose voulue ?) des réalités géographiques, culturelles, linguistiques etc. Or, cinquante ans après tout laisse à croire  que les Africain ne comprennent toujours pas que ce qui nous unie transcendent ces frontières artificiels récents.

Tous les problèmes de l’AFRIQUE actuelle sont en grande partie  issus de cette balkanisation qui lui a été imposée. Dans cette perspective, l'acheminement vers un Etat fédéral s’impose et devient une urgence continentale car un tel ensemble géopolitique serait  un atout considérable pour permettre à l’Afrique  de bénéficier de ses rocambolesques potentialités  d’Est en Ouest du Nord au Sud jusque-là non exploitées ou mal exploitées en faisant disparaitre ces limites administratives qui opposent ou qui ont opposés le Mali à la Haute Volta (actuel Burkina Faso), le Ghana au Togo, le Tchad à la Libye, le Maroc  la Mauritanie le Polisario ou le Sahara occidental, la Somalie à l’Ethiopie Le Sénégal et la Gambie aujourd’hui  pour ne citer que ces pays-là.

Au lendemain des Indépendances, beaucoup d’initiatives consistant à unir le Continent ont été notées çà et là. Mais on n’y parvient toujours pas. Chaque  jour presque on constate en Afrique des situations qui laissent croire qu’on devrait jeter ce projet fédéral dans l’océan atlantique.

Il ne se passe pas une année sans qu’on assiste à un conflit frontalier entre deux pays naturellement condamnés à vivre dans la paix, l’harmonie et la concorde. Le dernier en date est bien sûr ce qui a opposé tout récemment le Sénégal et son voisin immédiat la Gambie ; la collante, l’incommodante, la préoccupante pour reprendre ce beau titre de Laser très recherché du doyen Babacar Justin Ndiaye.

Deux Républiques plus que des sœurs dont les relations n’ont jamais été comme le voudraient les populations. Une relation qui a depuis la tentative de de confédération à l’époque initiée par les deux chefs d’Etat Sénégalais et Gambien respectivement le président Abdou Diouf et  le président Dauda Diawara évoluée en dents de scie au grand malheur des deux peuples de même culture, de mêmes ethnies, qui ont tout  ou presque en commun et qui paient  le plus lourd tribut durant  ces genres de crises diplomatiques.

Un voisin encombrant difficilement prévisible pour certains. Quoi qu’il en soit, quelle que soit  l’inimité ou la dualité au sommet, il me parait essentiel de penser au bas peuple, les usagers de la transe-gambienne comme les voisins immédiats les plus grands perdants sur ces genres de conflits. Il est plus qu’urgent et nécessaire  de penser aux pauvres citoyens en  solutionnant  définitivement ce différend pour le  bonheur de tout le monde.

Et tant d’autres cas similaires dans le continent africain qui nous laissent croire qu’il faudrait malgré nous ranger ce très ambitieux projet fédéral aux oubliettes.

Le Pr Cheikh Anta Diop va certainement  se remuer dans sa tombe à Caytou en entendant ces conflits frontaliers. Lui qui appelait à un désenclavement de nos Histoires locales pour ainsi les rattacher à notre vérité historique.

Lui qui s’était tellement investi pour une unité du monde noir en essayant de démontrer scientifiquement l’unité culturelle continentale. A en croire  ce Professeur émérite, Il faut faire basculer  définitivement l’Afrique noire  sur la pente de son destin fédéral Dans l’optique de sécuriser, de structurer et d'optimiser le développement du continent africain [...] seul un Etat Fédéral continental ou sub-continental offre un espace politique et économique, en sécurité, suffisamment stabilisé pour qu’une formule rationnelle de développement économique de nos pays aux potentialités diverses puisse être mise en œuvre.” ((C. A. Diop, préface du livre du Pr Mahtar Diouf, Intégration économique, perspectives africaines, 1984).

En effet dans son livre  : LES FONDEMENTS ECONOMIQUES CULTURELS D’UN ETAT FEDERAL D’AFRIQUE NOIRE, 1974 qui est sa  plate- forme politique en quelle sorte au sujet de sa conception de l’Etat fédéral qu’on doit bâtir à l’échelle continentale, il y propose des solutions pour la résolution définitive de tous ces problèmes africains contemporains qui secouent le continent qui sont entre autre le problème frontalier, phénomène d’une cuisante actualité, la crise du leadership africain,   le problème énergétique, gageure de nos pays à la santé économique fragile. Parmi ces propositions nous en citerons  seulement 7 qui sont me semble-t-il  aussi essentielles  qu’actuelles.

1) Vivre l’unité fédérale africaine. Attendre en alléguant des motifs secondaires, c’est laisser les Etats le temps de s’ossifier pour devenir inapte à la fédération comme l’Amérique Latine

 2) Travailler à l’unification linguistique à l’échelle territoriale et continentale, une seule langue africaine de culture et de gouvernement devant coiffer les autres.

3) Elever officiellement nos langues nationales au rang de langues de Gouvernement servant d’exprimer au Parlement et pour la rédaction des lois. La langue ne serait plus un obstacle à l’élection d’un député ou d’un mandataire de souche populaire.

4)  Il faudrait donc être tout le temps prêt à renoncer à une aide qui risque d’être assortie de conditions inacceptables même si elles sont discrètes

5) Créer une puissante industrie d’Etat. Donner le primat à l’industrialisation, au développement et à la mécanisation de l’agriculture

6) Créer une puissante armée moderne, dotée d’une aviation et d’une forte éducation civique (un militaire sans formation politique et idéologique est un criminel en puissance. Il n’attend que le déclic pour semer le désordre. Pour reprendre le Président Thomas  SANKARA)

7) Réduire les trains de vie et niveler judicieusement les salaires afin de transformer les postes politiques en postes de travail..

Si les priorités indiquées dans ce livre avait été prises  en considérations au moment opportun, surtout en ce qui concerne l’équipement hydro-électrique, l’Afrique noire serait aujourd’hui à       l’abri des difficultés économiques engendrées par la crise du pétrole et la sécheresse. Mais, continue-t-il, ce sont seulement les hommes politiques qui ne sont pas à la hauteur de ces   problèmes et qui, au fond, n’y ont jamais réfléchi sérieusement, qui ont peur d’accomplir l’acte  qu’ils considèrent comme un sevrage économique (des institutions financières internationales). Autrement dit pour l’auteur de l’Afrique noire précoloniale il y a  toujours l’effet de cette dépendance intellectuelle  qui fait que les africains sont toujours à la remorque et à la subordination en laissant les autres réfléchir à nos places en lieu et place de prendre leur destin en deux mains.  

Serigne Mbaye Dramé

             Ucad

serignembayedrame@gmail.com

 

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