Publié le 3 May 2015 - 23:03
SUSPENSION OU POURSUITE DU MOT D’ORDRE DE GREVE DES ENSEIGNANTS

La Grande cacophonie

 

Avant-hier, le Grand cadre des enseignants a levé son mot d’ordre de grève, suite à un accord avec le gouvernement. Mais à la surprise générale, le syndicaliste Mamadou Lamine Dianté a annoncé hier la poursuite du mouvement. Ce qui a surpris certains de ses camarades comme Dame Mbodji. Le flou est donc réel. La sortie médiatique prévue aujourd’hui sera donc édifiante.

 

Larges sourires, poignées de main chaudes, des documents qui circulent d’une main à l’autre pour que des signatures y soient apposées. Le tout sous le crépitement des flashs des appareils photos. L’ambiance, finale du moins, a été joviale jeudi dernier à l’issue de la rencontre entre le Premier ministre et les enseignants. Le Grand cadre des syndicats d’enseignants a annoncé avant-hier la suspension de son mot d’ordre de grève, après quatre heures de négociations.  On croyait que la raison avait donc fini par l’emporter sur la passion. Mais que nenni. La joie sera de courte durée.

En moins de 24h après avoir apposé leur cachet, le coordonnateur du Grand cadre prône un wax waxeet version enseignants.  Motif : le gouvernement n’a pas respecté ses engagements sur la ponction des salaires. Ce qui était vu comme une victoire du Sénégal et de l’école sénégalaise par le ministre de la Fonction publique, Viviane Bampassy, est en train de se transformer en un cauchemar national. Joint par téléphone hier dans l’après-midi, Mamadou Lamine Dianté s’est limité à prendre date. ‘’Demain, je fais une déclaration’’, annonce-t-il.

Il y a pourtant des membres du Grand cadre qui ne trouvent aucune logique dans la volte-face du coordonnateur Dianté. ‘’La levée du mot d’ordre n’a rien à voir avec les ponctions. Elle découle de l’engagement pris par le gouvernement. Les ponctions ne nous gênent pas parce que c’est légal’’, rectifie Dame Mbodji, le secrétaire général de l’autre Cusems, membre du Grand cadre. Ses camarades Moussa Diène de l’Organisation des instituteurs du Sénégal (Ois) et Papa Madou Kane du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (Sydels) sont aussi très remontés contre le patron du Grand cadre. Le flou est donc réel. Afin sans doute d’harmoniser les positions, une plénière devait avoir lieu hier à partir de 17 h entre les secrétaires généraux membres du cadre unitaire. Une conférence de presse est prévue aujourd’hui à 10h, si l’on en croit Dame Mbodj. Le lieu devrait être déterminé au cours de cette rencontre. Mais en attendant, notre interlocuteur indique déjà la voie. ‘’Nous ne pouvons pas signer hier et changer d’avis aujourd’hui. Le Pm a accepté la formulation des enseignants. Donc officiellement le mot d’ordre est levé.’’

Pourtant, cette fois-ci, les camarades de Mamadou Lamine Dianté ont estimé que le gouvernement a pris suffisamment d’engagements qui sont de nature à les ramener dans les classes. Précisons d’abord que tous les points avaient trouvé un accord auparavant, sauf la question des indemnités de logements qui était donc la pomme de discorde. Le Grand cadre affirme avoir voulu ce qu’il attendait du gouvernement. C’est-à-dire un engagement de sa part à prendre en compte cette question. Les deux parties ont donc retenu le principe de l’ouverture de négociations après la publication de l’étude sur le régime salariale et indemnitaire des fonctionnaires. Si l’on en croit le coordonnateur, le gouvernement a accepté de partager avec eux la table de négociations afin de discuter sur la base des résultats du travail confié à un cabinet. ‘’Je rappelle que les enseignants n’ont jamais demandé qu’on leur donne de l’argent tout de suite. Mais plutôt qu’il y ait un accord de principe du gouvernement’’, précise M. Dianté.

Sauvetage de l’année : ‘’2012 était plus compliqué’’

Les lignes ont donc davantage bougé et cela a abouti à la signature d’un protocole d’accord qui, d’après le coordonnateur, a un avantage de taille sur celui du 17 février 2014. En effet, ici c’est le premier ministre Mahammed Dionne en personne qui s’est porté garant de la matérialisation des décisions arrêtés. Le protocole en question a pris en charge les cinq questions essentielles de la plate-forme revendicative des enseignants. Ainsi,  pour la formation diplômante, les concernés vont pouvoir démarrer en 2015. A propos de la validation des années de volontariat et de contractualisation, l’ouverture des dépôts est prévue à partir du 15 mai 2015. Sur la question de l’habitat social, Dianté et ses camarades estiment avoir eu ‘’d’avantages de précisions’’. Quant à la gestion démocratique du personnel, l’acquis traditionnel a été restitué. Le dernier point est l’indemnité de logement sur lequel un accord de principe a été trouvé.

A la sortie de la rencontre d’avant-hier, il ne restait donc que l’autre partie du Cusems dirigée par Abdoulaye Ndoye comme syndicat qui soit en grève. Contrairement aux autres formations qui exigent un relèvement des indemnités de logement, eux veulent un alignement sur les autres fonctionnaires. Le ministre de la Fonction publique les appelle à suivre la nouvelle dynamique. Elle a ajouté cependant qu’il y a une ligne que le gouvernement ne peut pas franchir. Mais si l’on se fie à Dame Mbodji, le rival de Ndoye, il n’y a pas de soucis à se faire. ‘’La grève-là, c’est le Grand cadre en réalité. Vous allez voir sur le terrain. Le gouvernement a les informations et sait que c’est la grève du Grand cadre». Autrement dit, le Cusems n’a pas un poids pouvant perturber l’école publique.

Reste maintenant le rattrapage du temps perdu. La question n’a pas été abordée en plénière, d’après Dame Mbodj. C’est plutôt au ministre de tutelle de prendre les initiatives. ‘’C’est à lui de convoquer pour qu’on discute des modalités de mise en œuvre’’, souligne-t-il. Dans tous les cas, les acteurs n’ont pas de crainte à ce niveau. Mamadou Lamine Dianté est convaincu qu’ils y arriveront. Sa conviction est fondée sur le fait que l’année 2012 a été plus compliquée et pourtant, les élèves ont pu terminer l’année. Mais à quel prix ?

Possible restitution des ponctions

Il n’y a pas eu une position formelle sur la question, mais il se pourrait bien que les retenus sur salaires pour raison de grève soient restitués aux concernés. Le problème a été posé hier. Le ministre de la Fonction publique a fait savoir que le Premier ministre s’est montré sensible sur la question, mais il va rendre compte au président de la République. ‘’On verra ce qu’il faut faire, mais ce n’est pas une décision qu’on peut prendre ici’’, fait remarquer Viviane Bampassy.

Mamadou Lamine Dianté s’est montré confiant. Il n’est pas formel lui non plus, mais il pense qu’on va vers la restitution. ‘’Ils nous ont dit que nous avions notre plan d’actions. Eux aussi ils avaient leur plan d’actions. Puisque nous avons suspendu, ils vont aller dans le sens de la suspension. Nous allons travailler en coulisses. Mais, en principe, les retenus seront restitués’’. Le président de la République lui, s’est voulu formel : ‘’Il faut que les cours reprennent d’abord avant d’étudier cette question sur la ponction des salaires.’’

BABACAR WILLANE

 

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