Publié le 2 Sep 2012 - 10:05
TECHNOLOGIE

Face à Apple, l'empire Samsung cherche la parade

 

Apple ne lâchera pas sa proie. Fort de sa victoire retentissante contre Samsung décernée par la justice californienne le 24 août dernier, la firme de Cupertino revient à la charge contre son rival sud-coréen.

 

Apple a déposé vendredi une nouvelle plainte devant le tribunal de San José accusant les derniers produits Samsung, dont le smartphone Galaxy S3 et la tablette Galaxy Note S1, d'avoir violé huit brevets. Objectif, pousser son avantage pour enrayer le succès spectaculaire du Galaxy S3, fer de lance de Samsung, dont les ventes ont dépassé celles de l'Iphone. Un nouveau coup dur pour la firme basée à Suwon qui serre les dents et cherche la parade.

 

Sonné par le verdict de San José, l'empire familial Samsung veut lancer la contre-attaque, mais doit relever plusieurs défis pour retourner la situation en sa faveur. Sur le front juridique, le groupe piloté par Lee Kun Hee, fils du fondateur, affiche sa combativité. Ses avocats promettent de faire appel du jugement californien et de démonter les arguments d'Apple partout ailleurs dans le monde. Samsung a perdu une bataille, mais pas la guerre, clame-t-il en public.

 

Retour de bâton

 

Vendredi, la justice japonaise leur a redonné du baume au coeur en déboutant les plaintes d'Apple dans l'archipel. Mais l'ampleur de la défaite de San José a pris de court les stratèges de Séoul qui avaient misé sur un conflit larvé qui se règlerait finalement par la négociation. Le sud-coréen avait joué la montre, car la "guerre des brevets" avait involontairement servi ses intérêts en lui offrant une publicité gratuite en érigeant Samsung comme seul rival planétaire de la marque à la pomme. Un triomphe pour ce groupe familial à la gestion opaque et néo-confucéenne, lancé en 1938 par une petite affaire de poisson séché et qui n'était même pas dans le top 5 des fabricants de smartphones il y a quatre ans.

 

Le retour de bâton est d'autant plus rude aujourd'hui. Les chances de retourner le verdict californien sont jugées faibles par les avocats tant les neuf jurés ont penché en faveur des arguments d'Apple. Le montant de l'amende de plus d'un milliard de dollars pourrait être revu à la baisse, néanmoins l'argent n'est pas un problème pour Samsung qui a encaissé des profits records ces dernières années. Rien qu'au second trimestre 2012, Samsung Electronics a empoché 5,9 milliards de dollars de profit grâce au triomphe de ses smartphones mais également grâce à sa "vache à lait" traditionnelle, les puces électroniques, dont il détient le leadership mondial.

 

Changer de stratégie ?

 

La défaite de San José pose en réalité un problème de stratégie fondamental à ce groupe qui a bâti son succès sur la capacité à être "le suiveur le plus rapide du marché". Contrairement à Apple dont l'ambition a toujours été de défricher des nouveaux territoires technologiques et de créer une demande, Samsung suit une approche plus pragmatique : s'adapter aux tendances du marché avec la rapidité de l'éclair en lui offrant un produit à la qualité irréprochable. Son succès sur les smartphones est un cas d'école : à l'origine, les stratèges n'ont pas cru à l'avenir des BlackBerry et autres téléphones intelligents et ont été pris de court par le succès planétaire de l'iPhone. Réalisant leur erreur, ils ont réussi un spectaculaire virage à 360 degrés pour devenir, dès 2011, le principal rival d'Apple, défiant les pronostics des experts.

 

Aujourd'hui, ce succès est menacé par la guerre "thermonucléaire" lancée par Steve Jobs contre le système Androïd. Car Samsung a surfé sur la popularité de l'écosystème Google pour atteindre les sommets. Mais la bataille juridique entre Apple et Android ne fait que commencer et la marque à la pomme espère remporter de nouveaux succès juridiques d'ici l'an prochain. La sonnette d'alarme retentit à Suwon, car Samsung a aujourd'hui peu d'alternatives à Android. Bada, l'écosystème développé par le sud-coréen, n'a jamais vraiment décollé et le groupe a donc besoin de s'appuyer sur des partenaires. "Samsung a une culture hardware (fabrication de matériel). Mais aujourd'hui la bataille se joue sur la créativité, l'interface avec l'utilisateur. Ils vont devoir réaliser une révolution culturelle pour se maintenir au sommet", estime Bae Doo-wan, du Korea Advanced Institute of Technology, le MIT coréen.

 

Sauvé par Microsoft ?

 

Samsung a compris la menace et travaille déjà à réduire sa dépendance à Android. Dès la semaine dernière, à Berlin, il a dévoilé pour la première fois une nouvelle tablette fonctionnant sous Windows, le système de Microsoft qui pourrait être l'un des grands gagnants de la bataille des brevets. Fidèle à sa philosophie, le groupe Lee s'adapte avec flair aux nouvelles conditions du marché. "La force de Samsung réside dans son agilité", explique Chang Sea Jin, professeur à l'Université nationale de Singapour, auteur d'un ouvrage sur la rivalité Samsung/Sony. Le conglomérat familial géant, qui pèse à lui seul 20 % du PIB de la Corée du Sud, n'a donc pas dit son dernier mot.

 

Pour l'heure, l'urgence est sur le front juridique pour empêcher ses produits d'être interdits de vente aux États-Unis. Une bataille qui est aussi celle de la communication et pourrait offrir des armes au sud-coréen en se positionnant comme le défenseur de la liberté de choix des consommateurs face à l'hégémonie implacable d'Apple.

 

Le Point

 

 

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