Publié le 13 Jul 2012 - 13:40
TELEREALITE

Les Sénégalais en redemandent !

Succès d'audience, l'émission Un mois un toit est reconduite sur 2STV.

 

 

"Khar bii", "Big star", "Un mois un toit", "Elles sont toutes belles", "Le Rêve", "Une autre vie"…La téléréalité est désormais omniprésente dans le paysage audiovisuel sénégalais. Des émissions qui trouvent leur public à tous les coups mais qui restent encore difficiles à produire.

 

L'émission Un mois un toit, concept tiré d'Extreme makeover, aux États-Unis, et des Maçons du coeur en France, aurait dû être diffusée début décembre. Mais c'est finalement en mai que les téléspectateurs de la 2STV ont pu assister à la destruction puis à la reconstruction de la maison d'une famille pauvre d'un quartier populaire de Dakar. L’audience était au rendez-vous, la prochaine émission doit donc être lancée à la mi-juillet.

 

Difficultés techniques, problèmes d'agenda, pénurie de sponsors… Comment expliquer de tels délais de production ? « Il n'est pas facile de trouver des annonceurs au Sénégal, même si le concept est connu à l'étranger », explique Massamba Dial, producteur d'Un mois un toit. Surtout que chaque épisode, qui coûte 15 millions de FCFA, est financé pour moitié par une agence d'événementiel, et pour l'autre moitié par les sponsors, via l'apport de matériaux pour la construction de la nouvelle habitation. Quant à la production, elle est gérée par la 2STV, chaîne privée tournée vers le divertissement, « sans qu'il y ait d'échange d'argent », assure Massamba Dial.

 

Autre façon de procéder pour Khar bii, le programme qui procède à l'élection du plus beau mouton du Sénégal. « C'est moi qui paye la 2STV, à hauteur de 10% de ce que l'émission nous rapporte. Le système marche à l'envers de ce qui ce fait normalement ailleurs », explique Marianne Bathily, productrice de l'émission.

 

Records d'audience

 

Le programme bat néanmoins des records d'audience. Cette année, Khar Bii a rapporté 10 millions de F CFA alors qu'il est produit sur un budget de 100 millions de FCFA, entièrement financé par les sponsors. Il y a trois ans, lors du lancement, Marianne Bathily n'avait réussi à soulever que 22 millions de F CFA, les annonceurs étant encore trop frileux.

 

« Aujourd'hui, la cadence s'est accélérée avec l'émergence des chaînes privées qui veulent faire de l'audience à tout prix et bousculer la RTS (chaîne publique, NDLR) qui a la mainmise sur le marché de la publicité », indique Ibrahima Sarr, directeur du Cesti (Centre d'études des sciences et techniques de l'information), à Dakar. C'est le cas de Sen TV, une toute nouvelle chaîne, qui en fait son fond de commerce. Avec un crédo : « la proximité, toucher ce qui intéresse directement la population », souligne Jupiter Diagne, réalisateur des émissions de téléréalité sur Sen TV.

 

La chaîne diffuse par exemple Beneen Life (« Une autre vie », en langue wolof), copié du show américain The Simple Life, où Paris Hilton va de ville en campagne, habiter avec des familles de la classe moyenne. Là, c'est une mannequin dakaroise qui se retrouve dans un village de brousse. Après avoir refusé de manger avec la main, on voit la belle, sans maquillage, aller vomir le riz qu'on a préparé pour elle.

 

Lente percée

 

« Les sponsors sont au départ un peu frileux mais on les fait assister aux tournages, on leur montre des émissions zéro pour qu'ils soient mis en confiance », indique Jupiter Diagne, qui préfère ne pas préciser le coût de ses émissions.

 

Malgré ces succès, les concepts de téléréalité s'entassent dans les boîtes des sociétés de production, dans l'attente de plans de financements solides. « Cela marche ailleurs alors pourquoi pas en Afrique ? », s'enthousiasme Rokhaya Kébé, directrice adjointe d'Africa 7. C'est sur cette nouvelle chaîne qu'a été lancée début décembre, Big Star, télé-crochet inspiré de la Nouvelle Star, sur M6. Et la chaîne a mis les moyens. « Il faut compter au moins 200 millions de F CFA si l'on veut faire les choses avec un minimum de professionnalisme », précise Rokhaya.

 

Reste le côté socio-culturel à prendre en compte pour expliquer la lente percée de la téléréalité, et notamment la pudeur si prégnante dans la vie publique au Sénégal. De fait, pour Ibrahima Sarr, certains formats ne sont carrément pas adaptés à la société sénégalaise et ses valeurs, et cite l'exemple d'Un mois un toit. « Depuis quand les Sénégalais acceptent-ils d'étaler leur pauvreté devant les caméras ? » s'interroge-t-il. À quoi on pourrait répondre : que ne ferait-on pas pour bénéficier d'un toit digne de ce nom ?

 

 

JeuneAfrique

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