Publié le 31 Oct 2015 - 03:12
TERRORISME

Comment exorciser le mal !

 

Depuis deux semaines, la Gendarmerie Nationale arrête des personnes supposées liées au terrorisme international. Une première fois, un Iman est arrêté dans le Kolda pour propos séditieux et apologie du terrorisme. Cette semaine, un autre Iman est arrêté avec force et fracas pour activités liées au terrorisme. EnQuête fait aussi état de personnes arrêtées à Dakar pour les mêmes faits.

L’actualité nationale ne semble pas prendre en considération ces arrestations qui sont traitées somme toute comme des faits divers et ne suscitent point les analyses attendues pour des faits aussi graves qui ont mobilisé les fers de lance de la Gendarmerie, notamment la Section de Recherche jusqu’ici plus connue dans la traque des biens mal acquis et le Groupe d’Intervention de la Gendarmerie Nationale.

Les soubresauts de l’Assemblée Nationale avec les problèmes d’interprétation des textes, le rang du Sénégal selon le FMI, semblent conduire le fil de l’actualité et imposer les lignes éditoriales de la presse nationale. Quoiqu’importants et critiques, ces faits qui relèvent selon toute analyse de la politique politicienne, ne sauraient faire passer sous silence ces premiers soucis terroristes qui nous interpellent tous. Sommes-nous en face d’un danger terroriste ? Les terroristes sont-ils en train de préparer des attentats contre nos intérêts nationaux ? Avons-nous les moyens de nous défendre contre les actions terroristes ?

L’attaque en force de la Gendarmerie pour mettre hors d’état de nuire l’Iman Alioune NDAO de Kaolack montre sans aucune ambiguïté la détermination de l’Etat à répondre avec efficacité et mesure aux menées terroristes sur l’ensemble du territoire national.

Après avoir analysé l’intérêt des arrestations opérées, il sera évoqué le potentiel du terrorisme face à nos intérêts vitaux pour finir par suggérer un ensemble de recommandations à même de réduire la menace terroriste.

LE SENEGAL FACE AUX MENEES SUBVERSIVES DES TERRORISTES

Notre pays a pris la mesure du danger terroriste dès les premiers attentats qui ont frappé le sol africain dans les années 90. Tout le monde se souvient de la visite sécurisée effectuée par le Président Bill CLINTON au Sénégal et dans certains pays africains après les attentats de Nairobi et de Zanzibar.

Des réformes importantes ont été opérées dans les services de sécurité et une importance particulière a été donnée à la formation antiterroriste avec la contribution des Etats-Unis et de la France. Beaucoup d’officiers des forces de sécurité ont bénéficié sur place et dans la plupart des pays occidentaux de formations appropriées pour faire face au terrorisme international. Des instructeurs occidentaux ont assuré les formations à même de conduire la recherche antiterroriste, les enquêtes et opérations indispensables.

Au plan structurel, la police judiciaire, les services de renseignement, les armées et la Gendarmerie se sont dotés de capacité dans la lutte antiterroriste. Cette capacité se traduit par la prise en compte effective de la menace en mettant en place un dispositif juste et efficace contre la menace terroriste. Des organes nouveaux et efficaces sont mis en place non seulement pour mener l’identification des menaces mais encore plus importants, annihiler toute action offensive des terroristes. Cette capacité a permis de développer la surveillance particulière contre des groupes capables d’activités terroristes ou subversives.

Avec l’aide de la Communauté internationale, le Sénégal a commencé à acquérir des moyens importants de lutte contre le terrorisme. Ces moyens sont des moyens de renseignements avec une optimisation des moyens techniques de surveillance. Un contrôle strict du système bancaire a conduit à une maîtrise efficace des flux financiers pour éviter des transferts à même d’alimenter la cause terroriste. Ces moyens sont aussi des moyens militaires et policiers et d’intervention et d’interception de groupes terroristes Les moyens de protection humains et techniques des autorités et des zones sensibles ont aussi fait l’attention des décideurs.

En tout état de cause et quelle que soit la réponse judiciaire, les arrestations que nous vivons montrent bien que le Sénégal a pris une option sérieuse pour éviter l’action des terroristes dans son  territoire.

CAPACITES DES TERRORISTES SUR LE TERRITOIRE SENEGALAIS

Le dispositif mis en place contre la menace asymétrique qu’est le terrorisme peut présenter des failles liées à un ensemble d’éléments qu’il est utile d’évoquer pour en contrer au mieux les méfaits.

Le niveau de coordination de la lutte antiterroriste reste à déterminer dans un système présidentiel comme le nôtre où toute la responsabilité repose sur la tête exclusive du chef de l’Etat. Le cas de la fausse alerte du « Radisson » qui a vu policiers et gendarmes se marcher dessus est assez éloquent sur la nécessité de désigner sans ambigüité le chef antiterroriste. La presse, pour des besoins de solidarité, a excusé le « tohu-bohu » constaté lors de l’intervention. Les chiens renifleurs d’explosifs de la Gendarmerie ont été empêchés d’opérer pour, selon les policiers, des problèmes de compétence.

La détermination de notion de zones sensibles reste précaire du fait d’habitudes sociales et sécuritaires qui frisent l’irresponsabilité. Des symboles importants et vitaux de la vie de la Nation sont laissés sans surveillance particulière et peuvent à tout moment faire l’objet d’attentats terroristes. Les ministères de souveraineté voient la plupart du temps leur parking envahi par des véhicules non identifiés. Il en est de même de certaines mosquées et églises symbole de notre unité nationale et de notre culture de tolérance. Il est inadmissible que la mosquée de Touba, la mosquée de Tivaouane ou la Cathédrale de Dakar ne fassent pas l’objet de surveillance particulière.

Notre culture de Teranga qui laisse l’étranger libre d’agir et de se conduire comme il veut est un terreau fertile à la mise en place de cellules dormantes. La Teranga est contraire au réflexe sécuritaire. Le mot wolof « GNAAW NDIORTE » est vite oublié devant les largesses et les sourires de l’étranger. Il est rare que les populations signalent le comportement bizarre de quelqu’un alors que ce quelqu’un par sa conduite, ses opinions, ses méthodes et mêmes ses largesses montre les signes premiers de défi sécuritaire.

Il nous appartient de prendre en compte socialement et politiquement la menace terroriste que les arrestations actuelles semblent interpréter comme les premiers signes de la volonté du terrorisme international de nous attaquer.

NOUVELLES MESURES ATTENDUES DES AUTORITES

La vague d’arrestation actuelle exige une meilleure prise en compte de l’activisme des terroristes contre nos intérêts vitaux en adaptant notre législation au phénomène terroriste, en simplifiant la lutte par la mise en place de procédures spéciales et enfin, en unifiant les organes dans un office antiterroriste.

Les articles 80 et suivants du code pénal sont à même de réprimer toute action antiterroriste. Cet article fourre-tout qui permet de réprimer toute action contre la sûreté de l’Etat n’est pas en mesure de définir l’importance de l’acte terroriste qui ne peut s’analyser contre les délits politiques. L’acte terroriste par sa nature, ses effets, ses conséquences immédiates et sanglantes n’a pas pour objet de changer le cours normal des choses, mais d’impressionner et de faire douter aussi bien gouvernants que population. Il est donc nécessaire de le réprimer dans un dispositif spécial, adapté et très peu sujet à discussion. Tout le monde semble se poser la question de ce qu’ont fait les imans pour faire l’objet d’arrestation aussi musclée. L’arrestation des imans, si les faits reprochés relèvent du terrorisme, ne doit souffrir d’aucune équivoque qui pousse des ligues mal définies de défendre des actions néfastes et nuisibles à toute la société.

Il est important de se doter d’une justice antiterroriste en mettant en place un parquet antiterroriste et des juges d’instruction spécialisés dans le terrorisme. La matière est peu importante dans les affaires judiciaires pour déterminer ce besoin de spécialistes. Pourtant elle est si spéciale, si exigeante et si nouvelle que des magistrats ont besoin de formation spécifique et spéciale pour faire face au défi terroriste. Les pays occidentaux ont une longueur d’avance dans cette spécialisation et l’efficacité recommande de les suivre dès à présent dans cette logique de traiter de façon spéciale les activités terroristes.

Enfin, autant la drogue a conduit à la création d’un office spécial de lutte anti-drogues, il urge de mettre en place un organe policier unique et unifié qui centralise toute la démarche de lutte contre le terrorisme. Un tel organe centraliserait la lutte contre le terrorisme en étant destinataire de tout renseignement concernant le terrorisme, en centralisant toutes les enquêtes liées au terrorisme et en coordonnant les opérations antiterroristes. La question peut se poser de savoir s’il fallait arrêter avant toute action l’iman et uniquement sur la base de ses prêches, ou s’il fallait le laisser sous surveillance spéciale pour être en mesure de détruire au moment opportun tout le réseau.

Des pays très proches et dans notre prolongement vital ont été les cibles du terrorisme. Les actions terroristes continuent de plonger ces pays dans une insécurité qui détruit tous les efforts de développement, sape le moral des populations et éloigne tout potentiel d’investissement.

Nous nous devons de prendre les mesures de garde et de sauvegarde à même de détruire dans l’œuf toute volonté des terroristes de nous prendre en otage et de limiter notre indépendance nationale. Il y va de notre sécurité, de notre développement et de notre commun vouloir de vivre ensemble dans un peuple, un but, une foi.

MAME TALLA DIAW

 

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