Publié le 10 Sep 2018 - 21:47
THIES, DAKAR…

Aux origines des noms de régions emblématiques

 

Au lieu de Thiès, aujourd’hui, on aurait pu appeler la cité du Rail ‘’Ndiess’’. Pareil pour Dakar qui, à l’origine, s’appelait ‘’Daaka’’, qui signifie ‘’cache-toi’’, car il fut un repère de bandits. Retour sur un pan d’histoire.

 

Le colon a fortement marqué de son empreinte ce pays. Il a tout changé et a écrit les noms des régions et des localités comme bon lui semblait. C’est le cas, pour le nom de la capitale sénégalaise. ‘’Dakar s’appelait ‘Daaka’, qui veut dire ‘cache-toi’ en sérère. C’était un lieu où régnait un pur banditisme. Il y avait des bandits et des sauvages. Un vieux Lébou m’a dit que là où se trouve la présidence de la République, s’appelait ‘Mboya’, qui veut dire ‘étrangler’ en sérère saafi. Yoff veut dire ‘marcher à pas feutrés’ ou ‘marcher sans faire de bruit’. Les bandits marchaient sans faire de bruit, pour pouvoir arracher les biens d’autrui’’, souffle Pascal Déthié Ndione. Notre interlocuteur révèle que Thiès s’appelait ‘’Ndiess’’. C’est encore le colon, renseigne-t-il, qui a déformé l’écriture et la prononciation.

‘’Ndiess est un arbre. A chaque fois que les colons quittaient Dakar pour se rendre à Thiès, ils trouvaient les villageois de Thiès-noon sous cet arbre qui leur servait de place publique. Un jour, ils ont voulu connaître le nom de ce village. Ils ont posé la question aux villageois. Ces derniers ont répondu pour dire que ce village s’appelle Ndiess-noon. Et le colon, par erreur ou mal compréhension, a écrit Thiès. C’est là où est sorti le nom de Thiès’’, confie-t-il.

Même à Thiès, reconnaît-il, des noms comme Thionakh, Thiapong, Thialy, Thiaoune, Thialaw… ont été déformés. ‘’Thiapong, par exemple, a été déformé. C’est Thiabong. Comme on a Thiobong en Casamance, près de Thionk-Essyl. Thiobong veut dire ‘quelqu’un qui a atteint sa maturité’. Thialy aussi a été déformé. Ce n’est pas Thialy, mais c’est Dialy. Cela veut dire ‘un bonhomme’. Thialow veut dire ‘’ça s’étend’’. Thionakh, c’est Dionakh (une lignée sérère saafi, qui veut dire ‘ça s’agrandit’). Chaque nom a un sens bien déterminé. Il y a plusieurs lignées et on se connaît’’, révèle-t-il.

Pascal Déthié Ndione ajoute, par ailleurs, que tout comme à Thiès, les Saafi étaient les premiers habitants de Dakar. ‘’Les Saafi étaient les premiers occupants de la capitale sénégalaise. C’est par la suite qu’ils ont reculé pour reprendre le chemin de Thiès. Parmi eux, certains ont rejoint Diender, Popenguine (qui veut dire ‘se blottir dans les grottes’ ou encore ‘se cacher à l’Ouest’) et Sangué (commune de Notto Diobass)’’, indique M. Ndione.

Actuellement, le Pr. Iba Der Thiam et son équipe sont en train de poursuivre le projet de retracer l’‘’Histoire générale du Sénégal, des origines à nos jours’’. L’historien, épaulé dans cette tâche par le Pr. Buuba Diop et tant d’autres, devrait permettre de confiner par écrits toutes ces pages d’histoire.

FANDENE

Le bastion des Sérères Noon

Situé à 7 km à l’est du département de Thiès, le village de Fandène, devenu par la suite une commune de plein exercice, avec l’avènement du président de la République Macky Sall, a longtemps été la citadelle des Sérères Noon. Et ce, depuis la pénétration coloniale. En parcourant les 250 km2 de la commune de Fandène, il serait difficile de trouver des bâtiments coloniaux. Pourtant, ils pullulent dans la ville que dirige Talla Sylla. La gouvernance, la régie des chemins de fer, l’Ecole nationale des officiers d’active (Enoa)… tous ces bâtiments qui résistent encore au temps ont été construits par le colon. Ce n’est pas un hasard.

Car, les premiers Noon, qui habitaient à Mbess (derrière le chemin de fer) sont, ensuite, allés occuper le territoire de Fandène. Depuis lors, ce village est devenu le bastion des Sérères Noon. On les trouve à Ndiayane Sérères, à Keur Ndioukoun, à Keur Ndiour, à Diam Dioroh, à Koussoune… On peut, dans une certaine mesure, retrouver aussi les différentes lignées (Sawi, Sawen, thiouw…) à Fandène. D’ailleurs, révèlent nos interlocuteurs, c’est ce qui fait la spécificité de cet ancien village devenu aujourd’hui une commune et qui conserve toujours son nom. 

Des Wolofs dans Fandène

Ennemis hier (c’est le Wolof qui a collé aux Sérères Saafi le nom ‘’noon’’ qui veut dire ‘’ennemi’’), du fait de relations conflictuelles, les Sérères Noon (chrétiens pour la plupart) et les Wolofs (musulmans) vivent désormais dans une parfaite harmonie. Le désamour entre les deux communautés s’est finalement transformé en une véritable entente. La preuve, rappelle le journaliste Etienne Pascal Ndione, les Sérères Noon ont dû céder certaines de leurs terres aux Wolofs qui habitent dans la commune de Fandène.

‘’Les Noon et les Wolofs vivent dans une parfaite convivialité. Peut-être ce qui reste aujourd’hui, c’est dans la mentalité des uns et des autres. Les Wolofs se sont éparpillés dans la commune de Fandène. Par exemple, à Keur Ndiounkoun, on y retrouve des Niang, des Diop… Tout comme à Lalane, à Ndiobène et à Same Ndiaye où on peut retrouver des Wolofs, avec différents noms de famille. Ce sont des Wolofs qui sont venus s’installer à Fandène, qui se trouve être le bastion des Noon. Dans le temps, cela n’était pas possible’’, renseigne le rédacteur en chef d’une station radio de la place. Ce dernier d’ajouter que le fait que le Noon ait décidé de céder ses terres habitables et agricoles aux Wolofs, a marqué tout simplement le début d’une bonne cohabitation.

La hache de guerre a été enterrée. Les relations heurtées entre Sérères Noon et Wolofs, dans le temps, étaient dues à des divergences profondes. ‘’En plus de se ranger du côté des Toubabs pour combattre les Saafi, les Wolofs pratiquaient l’esclavage et les Noon n’étaient pas d’accord. C’est pour cette raison que les Noon avaient décidé de fermer leur frontière et les Wolofs n’osaient pas traverser le territoire du pays saafi. Par contre, il n’y a plus de relations heurtées entre les Noon et les Wolofs. C’est fini cette guerre’’, renseigne Patrice Ndione.

A Fandène, aujourd’hui, nul ne peut faire la différence entre les villages sérères et wolofs.

 

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