Publié le 22 Feb 2019 - 14:30
TOURNEE NATIONALE SONKO-PRESIDENT

Des tops et des flops

 

Un tournant décisif. Ce vendredi, ce sera le dernier jour de la campagne électorale. Chez le candidat de la coalition Sonko-Président, il y a eu des hauts et des bas.

Réussite : Entre généralités et spécificités

C'est d'abord le discours. Avec un programme jugé cohérent, structuré autour de 4 volets principaux : la politique, l’économie, le social, sans oublier l’important volet du financement. Avec pédagogie, comme un professeur qui parle à ses étudiants, Ousmane Sonko a essayé de vendre son rêve pour le Sénégal. Dès le premier jour à Dakar, il montre comment il compte financer ses ambitieux projets, s’il accède à la magistrature suprême. Puis, à chaque étape, le candidat de la coalition Sonko-Président a axé sa communication sur les difficultés et potentialités des différentes zones qui l’ont accueilli. Un discours en fonction des six grandes zones économiques du Sénégal qu’il promet de regrouper, mais aussi en raison de la spécificité de certaines circonscriptions administratives.

Exemple, à Kaolack, Guinguineo, Koungheul, Malem Hodar, Birkilane et Gossas, il est plutôt question, en plus des pics envoyés au régime, d’agriculture, en particulier de l’arachide et des possibilités d’industrialisation qu’elle offre. Dans la zone de Diourbel, Mbacké et Darou Khoudoss, Sonko fait plutôt les yeux doux aux religieux à qui il promet des dotations dans le budget de l’Etat ainsi que la revalorisation de l’enseignement coranique. Ce discours, il le renouvellera dans toutes les localités à vocation religieuse. Dans le Nord, les éleveurs sont à l’honneur. En Casamance, il est plutôt question de désenclavement ainsi que de la protection des forêts et du tourisme. Par rapport à la spécificité de certaines zones, Ousmane Sonko parlera également de thématiques comme les mines… De ce point de vue, le candidat de Sonko-Président a pu dérouler, vendre avec méthode les différents axes de son programme.

Echec : Une organisation défaillante

Durant ces 20 jours de campagne, la coalition Sonko-Président s’est aussi illustrée par sa grande désorganisation. Par moments, on a l’impression que l’on fonctionne au jour le jour. Tel un père de famille qui n’est pas sûr de pouvoir réunir à temps la dépense du lendemain. Dans la coalition, presque personne n’est en mesure de dire ce que demain sera fait. Sauf peut-être le candidat lui-même et il était inaccessible en dehors des heures de caravane. Les reporters en sont venus à surnommer le responsable chargé de la presse ‘’Monsieur Je ne sais pas’’. Et il était loin d’être le seul. Avec Ousmane Sonko, on ne sait jamais à quelle heure on part, ni à quelle heure on arrête. Encore moins la localité où la caravane va passer la nuit. Aux premiers jours, le leader reconnait des difficultés d’ordre matériel et financier qui ont un peu chamboulé ses plans. Mais il serait réducteur de tout mettre sur le compte du manque de moyens financiers.

En effet, Sonko-Président semblait surtout souffrir d’un déficit de planification lui permettant de mener une vie correcte en fonction des moyens dont elle dispose. Mais la coalition peut bénéficier de circonstances atténuantes, puisqu’elle en est à sa première participation.

Réussite : L’esprit du don de soi, une réalité

Le plus remarquable dans cette campagne de la coalition Sonko-Président, c’était surtout l’engagement militant des patriotes partout à travers le Sénégal et même de la diaspora. Mbaye Thiam en est une parfaite illustration. Il a pris ses vacances en Italie juste pour venir appuyer son leader dans le Ndiambour. Il devra rentrer le 20 février pour voter chez lui, en Italie. Il dit n’être animé que par la volonté de voir le Sénégal se débarrasser des gens du système qui lui ont mené vers 60 ans de régression. Le responsable de Pastef-Dubaï en a fait de même. Il est revenu sur Aéré Lao pour porter le combat avant de rentrer voter.

Mais, au-delà de ces hauts responsables, ce qui a le plus été remarquable, c’est l’esprit du don de soi qui anime les militants à la base. Rarement, durant la campagne, les délégations ont logé à l’hôtel. Souvent, ce sont les militants qui sortent même de leurs chambres pour laisser la place aux invités. Même chose pour la restauration. En bon ‘’goorgoorlu’’, les patriotes ont pu, à toutes les étapes, s’organiser pour loger les délégations dans des conditions certes pas des meilleures, mais avec plein de générosité.

Réussite : Un programme largement exécuté

En 20 jours de campagne, Ousmane Sonko et sa délégation ont pu couvrir beaucoup de départements à travers le territoire national. Sur l’objectif qui était de sillonner les 45 départements, ils ont réussi à parcourir l’écrasante majorité des localités. Même si la coalition n’a pu se rendre dans les départements de Médina Yoro Foula, Saraya, Salémata et Bakel. Mieux, la coalition Sonko-Président a pu battre campagne même dans les villages les plus reculés, pour maximiser ses chances en cette élection du 24 février 2019.

Echec : Le deal non conclu avec Wade

Même s’ils rechignent encore à le reconnaitre, nombre d’observateurs considèrent la rencontre entre le chantre de l’antisystème et le secrétaire général national du Pds comme un cuisant échec. C’était à Louga, sur la route qui mène vers Kébémer, qu’il était venu dire à la presse sa volonté de rentrer sur Dakar pour une entrevue avec l’ancien président de la République. C’était l’euphorie chez certains de ses partisans qui espéraient décrocher un ‘’ndigel’’ du leader charismatique. A l’arrivée, la coalition, qui avait légèrement réaménagé son calendrier, perd et le beurre et l’argent du beurre. Elle n’a pas décroché de soutien et elle accuse un retard dans le déroulement de son programme.

Echec : Un itinéraire incompréhensible

Un malheur ne venant pas seul, la coalition Sonko-Président a non seulement perdu de précieuses heures, mais sa caravane a connu une trajectoire pour le moins incompréhensible. Par exemple, après avoir été au Nord, à Linguère précisément, elle est retournée jusqu’au Sud, à Ziguinchor, Sédhiou, Kolda, Tamba, Kédougou, pour remonter au Nord, en passant à nouveau par Kaolack, Gossas, Touba et Linguère, qu’elle avait déjà visitée. Ce qui a occasionné, à n’en pas douter, de pertes énormes en termes de temps, d’énergie, mais surtout de carburant. L’itinéraire du premier jour a également beaucoup été mis en cause.

C’était à Dakar le 3 février. Alors qu’il est crédité d’une cote de popularité assez importante dans la capitale, Ousmane Sonko, ce jour-là, n’a pas drainé des foules. Pour beaucoup, c’était à cause de l’itinéraire qui passait dans des quartiers résidentiels, Vdn, route de Ngor, corniche, entre autres. N’eût été la grande mobilisation des étudiants de l’Ucad, ça allait être un fiasco total. Ce jour-là, chose rare, l’on avait même senti des moments de doute et de nervosité dans le visage et le comportement du candidat. Sans doute surpris par les publics clairsemés qui l’ont accueilli. Le lendemain, ce n’était guère plus rassurant. Attendu à Kaolack durant toute la journée, il ne s’y pointera que tardivement. Un retard qui le suivra jusqu’à Guinguineo où il est arrivé vers 2 h du matin. Malgré l’heure tardive, beaucoup de militants sont restés sur place, faisant preuve d’une grande détermination. Mais, selon des témoins, une bonne partie des militants avait déjà quitté les lieux. Mais cela ne semble pas avoir servi de leçon au candidat, la plupart de ses rencontres ayant été organisées au-delà de minuit.

Réussite : Mobilisations, surprises et confirmations

Au-delà des flops, la coalition a aussi enregistré des succès retentissants. Si, dans certaines zones, il n’y avait aucune surprise, ce n’est pas le cas pour Darou Mouhty, Dahra, Louga, Mbacké, pour ne citer que ces localités. Mais, à n’en pas douter, la principale force d’Ousmane Sonko, dans cette élection, sera la région de Ziguinchor où il a été accueilli comme un roi par les siens. D’ailleurs, partout dans le Sud, il y avait un grand engouement pour le plus jeune des candidats. Conscient de ses forces dans cette partie du pays, le candidat y est resté 6 jours pour faire le plein de voix. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à le donner favori, au moins à Bignona et à Ziguinchor.

Réussite : Une success story

Au vu du déroulement de sa campagne électorale, le candidat de Sonko-Président a de quoi être fier de son parcours. En plus d’être le candidat d’une bonne frange de la jeunesse, son discours contre le système, il faut le souligner, a pu capter une bonne partie des citoyens totalement acquis à sa cause. ‘’Dieulé fi système bi’’. Tel est la raison avancée par beaucoup d’électeurs interrogés sur le motif de leur engagement aux côtés du jeune leader. Il faut aussi signaler l’engagement d’une bonne partie des enseignants et des étudiants à ses côtés. Cela été visible aussi bien à l’Ucad qu’à l’Ugb, mais aussi dans tous les villages du Sénégal où les enseignants ont dit abandonner leurs classes rien que pour venir l’écouter. Parfois l’attendant jusqu’à 2 h du matin, comme à Guinguineo. De ce point de vue, le jeune leader peut s’estimer heureux. Car, même ses modèles Mamadou Dia et Cheikh Anta Diop, en leur temps, n’ont pu bénéficier de tant d’attention. Même si, aujourd’hui, leurs louanges sont chantées partout à travers le territoire. Du moins dans le cercle des lettrés. Ousmane a pu aller au-delà, en captant l’attention d’autres segments essentiels de la société.

FINANCEMENT DU PROGRAMME ‘’JOTNA’’

Les quatre mesures phares d’Ousmane Sonko

Le candidat de la coalition Sonko-Président ne s’est pas limité à vendre son projet, lors de ces 20 jours de campagne électorale. Il a également montré comment il compte trouver les ressources en vue de son financement. Parmi ses propositions, il y a du classique comme des mesures innovantes. Dans la première catégorie, on retrouve la réduction du train de vie de l’Etat et la réforme de l’Administration financière pour plus d’efficacité.

Ainsi, si Ousmane Sonko accède au pouvoir, l’on pourrait, dès lors, signer les actes de décès d’institutions comme le Haut conseil des collectivités territoriales (Hcct) et le Conseil économique, social et environnemental (Cese). Rien qu’avec ces mesures, estime-t-il, le Sénégal économiserait près de 15 milliards de francs Cfa. Sans compter la réduction de la taille du gouvernement qui donnerait des économies supplémentaires. Des ressources qu’il compte injecter dans le financement des Pme-Pmi et des start-up. Quant à la réforme de l’Administration financière, il espère gagner avec 213 milliards de francs Cfa au minimum, soit une progression de 14 %, représentant l’effort fiscal.

Dans la 2e catégorie - les mesures innovantes - il y a la rationalisation du schéma institutionnel de financement qui sera articulé autour de la Cdc. Dans le programme ‘’Jotna’’ du jeune leader, il est écrit : ‘’Le nouveau  schéma de financement consiste à organiser autour de la Cdc le dispositif de financement de l’Etat tels que la Der, le Fongip, le Fonsis et la Bnde.’’ Ousmane Sonko prévoit, en outre, la mise en place d'un fonds de pension et d’investissements de la diaspora, et l’institution de deux fonds patriotes d’investissements d’un montant égal de 125 milliards de francs Cfa. Il compte également sur le privé national pour combler le gap de financement. Avec la renégociation des contrats miniers et pétroliers, il espère quintupler le budget de l’Etat en vue de mener ses différentes politiques. Last but not least, le patriote en chef mise sur une gestion plus vertueuse des marchés publics qui, à l’en croire, sont jusque-là réalisés avec beaucoup de surfacturations.

MOR AMAR

 

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