Publié le 30 Jan 2012 - 15:18
TRAFIC DE CHANVRE SUR LE TRAIN DAKAR-BAMAKO

Quatre Sénégalais acquittés, un Malien condamné à 10 ans de travaux forcés

 

''Jamais deux sans trois'', cette assertion peut se vérifier avec Bakary Diakité dit Assane Lakh. Ce commerçant malien, bien que condamné à deux reprises (en 2000 et en 2005) pour trafic de chanvre indien, ne s’est pas repenti. En 2009, il a repris ses activités via le train Dakar-Bamako à bord duquel il a transporté 172 blocs de chanvre indien soit un poids total de 384 kilogrammes.

 

 

De la drogue que ce dealer notoire a achetée au Mali en chargeant un certain Mara de le convoyer via le train après avoir versé un acompte de 3 millons de francs Cfa. Selon l’enquête policière, le convoyeur devait jeter dans la nature, à hauteur de Rufisque, la drogue dissimulée dans des coupons de tissus ''cùup''. Coup du destin, le mandataire meurt entre-temps d’un malaise. Ce qui a obligé Bakary à surveiller sa marchandise.

 

 

Pour cela, il a filé le train Express de Diourbel jusqu’à la gare de Dakar. Ignorant qu’il était lui-même filé par des policiers. Ceux-ci ont attendu le moment de l’enlèvement des colis le 27 février 2009 à la gare pour arrêter le déclarant en douane Saliou Diack et le porteur Souleymane Ndoye venus charger la marchandise. De même que le chauffeur Babacar Diallo chargé de transporter la marchandise.

 

 

Bakary Diakité est cueilli à Ouest-Foire où il attendait tranquillement ses colis. Waly Ndour, gardien de la maison servant d’entrepôt à Bakary est également arrêté. Et à la barre tout comme le jour de son arrestation, il a nié toute participation dans les activités de Bakary.

 

 

Confirmant cette déclaration, celui-ci a indiqué qu’il n’a jamais connu le gardien. Bakary a également contesté les faits de trafic international de drogue. ''Des colis ne m’étaient pas destinés. Ils ne faisaient pas partie de ma commande. Ils appartiennent à Fatoumata Coulibaly qui m’a chargé de lui trouver un transitaire. C’est ainsi que j’ai contacté Souleymane Ndoye qui m’a mis en rapport avec Saliou Diack'', s’est défendu l’accusé.

 

 

Le déclarant en douane a soutenu que du chanvre indien était dissimulé dans les colis et a ajouté que l’enlèvement des colis s’est fait dans la légalité pour se dédouaner du délit de contrebande. Des dénégations battues en brèche par le préposé des Douanes. Un témoignage qui a fait que l’avocat général a requis trois ans ferme contre Saliou Diack et Souleymane Ndoye.

 

 

En revanche, il a demandé l’acquittement de Waly NDour et de Babacar Diallo. ''Bakary ne nous aime pas. Nous lui avons même donné une femme mais il exploite mal la Teranga sénégalaise. Ne nous apportant que de la drogue'', a dit l’avocat général à l’endroit de Bakary Diakité contre qui il a requis 20 ans de travaux forcés. Malgré l’acquittement plaidé par son avocat, Bakary Diakité a été condamné à 10 ans de travaux forcés au moment où ses co-accusés sénégalais ont recouvré la liberté après trois ans de détention provisoire.

 

Fatou Sy

 

 

PROFIL DES ACCUSÉS : Un gang qui n’en est pas un

 

Les 5 accusés jugés hier, lors de la 10ème et dernière journée de ces assises du mois de janvier, ne se ressemblaient vraiment en rien. Bien qu’ils fussent à la barre pour association de malfaiteurs, de contrebande et de trafic international de drogue (en l’occurrence, de chanvre indien), on aurait difficilement pu trouver de larrons ayant moins en commun que ces cinq-là.

 

- Le supposé chef de bande et cerveau de cette triste histoire, Bakary Diakité, est un commerçant malien qui opère dans l’import-export de cosmétique. Âgé de 44 ans, il a 3 épouses dont une Sénégalaise qui vend, elle, des tissus ''Cuup''. S’il a avoué à la barre n’avoir que très peu fait l’école (jusqu’en CM2, seulement), l’accusé ne s’est pas moins intelligemment gardé de parler aux juges de ses 2 condamnations pour trafic de chanvre indien en 2000 et 2004. Ce n’est donc que quand le ministère public a rappelé ses séjours carcéraux de, respectivement, 3 et 5 ans que la ''mémoire'' est revenue à Bakary Diakité.

 

 

-Le 2e homme, qui se nomme Saliou Diack, est un Lougatois de 55 ans. Polygame, père de 6 enfants, il aurait étudié jusqu’en 6e secondaire et appris un peu de Coran avant de se lancer dans le transit, domaine où il a travaillé des années comme intermédiaire à la gare de Kaolack.

 

-Waly Ndour, le 3e, est, lui, un mouleur de briques domicilié à Ouest-Foire. Marié, il est père de 2 enfants encore mineurs. Sa participation au crime semble, ici, se limiter au fait qu’il était le gardien de la maison où auraient transité, à un moment, les balles de chanvre indien.

 

 

-Babacar Diallo, l’avant dernier ''malfaiteur associé'', semble, quant à lui, être l’archétype même de l’honnête homme. Militaire (classe 76-2), il a occupé pendant de nombreuses années le poste de Chef de Fret à quai et était responsable des flux de marchandises venant et partant du bateau le Joola avant que le naufrage de ce dernier ne l’amène à se transformer en conducteur de camion spécialisé dans le transport de marchandises.

 

-Souleymane Diallo, enfin, est né en 1970 à Dakar. Lui aussi militaire (en classe 13-2), il a arrêté l’école en classe de 4e secondaire. Père de 2 enfants. Travaillant actuellement comme employé en tant que docker, ce serait lui qui aurait chargé, puis déchargé les balles contenant les paquets de chanvre pour le compte de Bakary Diakité.

Sophiane Benjelloun

 

MOT DU JOUR : Commissions fictives

 

C’est d’une seule et même voix que les conseils des accusés ont appelé, hier, à un retour à l’orthodoxie dans les procédures des procès jugés en Cour d’assises. Fustigeant unanimement ce qu’ils ont appelé les ''commissions fictives'', les robes noires ont dénoncé l’habitude prise de choisir, pour les accusés, des avocats sans au préalable vérifier la disponibilité de ces derniers ni même, à prendre la peine de notifier au magistrat commis son choix afin qu’il puisse, à temps, s’acquitter de son devoir. Une demande qui concorde avec le propos liminaire du président des assises qui avait promis des procès ''justes et équitables''.

 

 

AMBIANCE : Atmosphère de fin des classes

 

En cette dernière journée des assises, il y avait un on ne sait quoi de cette trépidation qui accompagnait, du temps de l’école, la sonnerie de fin d’année. Ce sentiment qui se loge entre l’impossibilité totale de rester en place et cette immense fatigue qui vient après un an de dur labeur, planait lourdement dans l’air.

 

Cette même lassitude qui a, sans discrimination, affecté à la fois les juges, les parties et les simples spectateurs. Bâillements, nervosité et ''fourchages'' de langues ont trahi l’impatience de tous. Même les juges avaient hâte d’en finir. La preuve en est que le président des Assises a sèchement tapé sur les doigts de Me Amadou Ali Kane quand celui-ci, avocat de la défense, a voulu faire s’éterniser les débats autour d’une exception de nullité:

 

''Quand on vous dit de vous taire il faut le faire, Me. Si vous nous forcez à agir d’une autre façon que celle dont nous le faisons actuellement, nous userons de nos prérogatives sans états d’âme!'', a tonné Souleymane Sy du haut de son présidium.

S. Bengeloun

 

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