Publié le 3 Mar 2015 - 13:43
TRAFIC INTENSE DE CHANVRE INDIEN

Sur les pistes de la drogue

 

Plus d’une tonne de chanvre indien a été incinéré à Mbour. Une quantité inquiétante pour une localité qui s’affirme comme un lieu de transit et de trafic. Cette drogue a atteint des proportions insoupçonnées. De la ville au village, de la consommation au transit, le chanvre indien est là. De la traque des fumeurs et de la corruption en passant par les pistes  de production, le département de Mbour est en passe de devenir une plaque tournante du chanvre indien, un lieu par lequel transite le Yamba.

 

La Petite Côte est depuis très longtemps un chemin privilégié des narcotrafiquants pour desservir la capitale sénégalaise et d’autres localités du pays. De la mer vers le diéri (terre non inondable), le trafic de chanvre indien se fait par les plages. Les caïds passent par la mer, les bolongs et ensuite par la voie terrestre. Les villages de Mballing et Warang étaient très réputés comme étant des lieux de transit de la drogue qui entrait dans la commune de Mbour. Ensuite, les grossistes ravitaillaient les vendeurs des localités environnantes, Mboulém, Gania Bougou, Keur Balla et même Djilah, en empruntant les pistes rurales.

Seulement, depuis l’assassinat d’un policier à Mballing, il y a de cela quelques années, les plages de Warang et de Mbour font l’objet de contrôles rigoureux. Une véritable croisade a été lancée contre les barons de la drogue, dans une opération tolérance zéro menée par les forces de l’ordre : police, gendarmerie et douane en synergie. L’arrivée de l’Adjudant-chef Mbaye Seck, en 2011, commandant de la brigade de Mbour, a coïncidé avec la saisie record de plus d’une tonne de cocaïne à Nianing. Les pandores réussissaient, avec cet exploit, à démanteler le réseau de trafic de drogue dure qui avait été installé par des Latino-américains dans la Petite Côte. Mais pour y arriver, la gendarmerie avait renforcé son réseau de renseignement, en travaillant avec les civils et les chefs de village et de quartier. Pour chaque renseignement, elle casquait une somme avoisinant 50 000 F CFA.

Le nouveau lieu de transit

Depuis cette prise de cocaïne, les pandores accordent une attention particulière aux plages. Dans le village de Nianing, le trafic a connu un net recul. La plage allant de Nianing à Mbour n’est plus une zone de prédilection, à cause de la présence massive d’agents de renseignement. En effet, la présence des indicateurs poirotant autour des sites touristiques ne facilite plus le travail des trafiquants qui, du coup, ont jeté leur dévolu sur la plage allant de Nianing à la commune de Joal, en passant par Mbodiène et Pointe Sarène. Cette bande de terre est devenue le nouveau lieu de transit.

Cette plage si tranquille où règne un silence de cathédrale est le nouveau chemin du chanvre indien et de la fraude. Au lendemain des dernières élections, la gendarmerie avait saisi une quantité très importante de chanvre à Pointe Sarène, à côté de Mbine Ndoudi. En plus de la voie maritime, la voie terrestre reste l’éternel talon d’Achille, surtout avec le corridor Bamako-Dakar qui traverse le département. Beaucoup de camionneurs dissimulent la drogue dans leur véhicule pour la mener vers différentes destinations.

Il y a aussi la piste des bolongs. La drogue transite par Djifère, Ndangane et passe par Diofior et Gorou. Dans beaucoup de villages, il y a des grossistes qui ravitaillent le marché. S’y ajoutent des zones rurales où il y a connexion entre le vol de bétail et la vente de drogue, comme à Ballabougou et dans le Ndiaganiao. «Le trafic de marijuana a atteint un niveau insoupçonné. Si la nuit pouvait se transformer en jour, je crois que les Sénégalais seraient très stupéfaits. Il y a une multitude de dealers. Avec les quantités saisies, il y a parfois des ruptures de stock. Je regrette, mais les Sénégalais sont de grands fumeurs de chanvre, surtout les pêcheurs et les villageois», déclare une personne qui s’active dans le trafic.

«Ce qui est inquiétant est que tout ce qu’on interdit dans la voie publique, on le trouve en prison. Donc, la lutte contre la drogue n’est pas une chose aisée», raconte le récidiviste. «Dans notre activité, il y a des gens qui travaillent avec des personnes qui exercent des fonctions sensibles. Et ces dernières reçoivent de l’argent de la part des dealers, une manière de protéger leurs arrières. Moi, à maintes reprises, je me suis tiré d’affaire, en versant de l’argent à l’agent qui m’avait pris. Mais le hic est que dès qu’on paye la rançon une fois, cela devient une coutume», explique-t-il. Sinon, renchérit-il : ‘’Comment peut-on mettre la main sur un fumeur sans connaître son approvisionneur ? et pourtant, les caïds sont bien traqués.

La drogue dure pour Saly

En effet, plus de 81 usagers, vendeurs et trafiquants ont été déférés au Parquet par le commissariat urbain de Mbour. ‘’Mais dans toute corporation, il y a des brebis galeuses’’, reconnaît un agent. ‘’En cas de rafle ou d’une opération coup de poing, il peut y avoir un collègue, pour une raison ou une autre, qui file l’information à un de ses protégés pour lui éviter des ennuis. Seulement, ajoute-t-il, il n’y a pas une personne du milieu interlope qui fera un bon procès de ses traqueurs’’. Un ancien homme de troupe va plus loin et renseigne qu’ «un soupçon ou une dénonciation n’est pas suffisante pour mettre la main sur quelqu’un. Il faut des preuves concrètes. Si la dénonciation était une preuve, tout le monde irait en prison, parce que le Sénégalais aime raconter des histoires, dès qu’il a une dent contre quelqu’un. La seule chose que la gendarmerie et la police peuvent faire en cas de dénonciation, est de mener des investigations sur le supposé dealer pour obtenir des informations béton, avant de l’arrêter». A Saly, par contre, c’est le trafic de drogue dure qui y fait rage. La brigade de recherche a saisi plusieurs képas d’héroïne et boulettes de cocaïne, d’où la nécessité d’instaurer une brigade de recherche dans le futur commissariat qui tarde à démarrer.

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JOAL

La vente à la brique

Joal est réputée être le lieu de trafic de chanvre indien qui ravitaille les villages environnants. Dans la commune, le trafic se fait aux alentours du quai de pêche et dans le quartier de Khelcom. Souvent, le dealer met son produit dans un cornet qu’il échange entre 250 à 500 F CFA. Ensuite, il cache la marchandise et met une brique ou autre objet dessus pour servir de repère. Il se met à 50 mètres voire plus. Dès que le client lui remet l’argent, il lui indique où est cachée la drogue. L’acheteur prend le nombre de joints conclus avec son vendeur et s’en va. Ces dealeurs ne vendent jamais à une personne inconnue, en général. Ainsi, en cas de rafle, il est impossible de les arrêter pour vente de drogue, parce  qu’ils n’en gardent jamais par devers eux. Concernant l’argent, ils trouvent toujours une justification, puisqu’ils font une activité parallèle.

Avec des effectifs non conséquents, le contrôle de rigueur est un véritable problème pour la gendarmerie. D’autant que les forces de l’ordre doivent également couvrir les zones rurales. Conscient de ce mal, l’Etat envoie régulièrement des contingents avec des chiens renifleurs pour débusquer les trafiquants. Mais, le constat est que ces opérations surprises ne sont pas très fructueuses. Et pourtant, c’est un secret de polichinelle que la ville verse dans le trafic de chanvre. Des dealers sont-ils informés des rafles en avance ?

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JOAL-POINTE SARENE-GOROU

L’axe du mal

Dès que les pirogues sont déchargées, les charrettes prennent le relais et évacuent le produit. Une charge de charrette peut coûter jusqu’à 60 000 francs. L’année dernière, une pirogue remplie de chanvre a touché terre vers Diaglé. Ensuite, la marchandise a été dispatchée dans 3 charrettes, avec chacune 7 sacs de foins remplis de chanvre indien. Elles sont passées par Croisement, puis ont traversé le village de Roff, direction Gorou. Arrivées à Ndiémane, l’une des charrettes a eu un accident et s’est renversée. Le charretier et le propriétaire de la drogue ont pris la clef des champs, laissant sur place la charrette et la drogue.

Les villageois ont remis la marchandise au chef du village qui a avisé la gendarmerie. De Pointe Sarène à Gorou, près de Thiadiaye, le trafic se fait à l’aide de charrettes. A partir des grossistes, ce sont les motos Jakarta qu’on utilise comme moyens de transport pour desservir les détaillants. Les échanges se fà la tombée de la nuit. Les villages sont devenus des lieux de stockage, au détriment de la ville. Entre Ngoyé, Loul Sessène et Pointe Sarène, il y a des grossistes et des détaillants.

Ensuite, le chanvre est introduit dans les villes, par les pistes rurales. De Keur Balla à Malikounda, la drogue est acheminée vers Ngekhokh, Somone, Ngaparou et Mbour. C’est le réseau nord souvent ravitaillé par le réseau sud : Djifère, Joal, Gorou, Tiadiaye et Ndiaganiao. «Nous avons constaté que beaucoup de jeunes s’adonnent à la vente et à la consommation de drogue. Sous le prétexte d’activités de téfanké (acheter et revendre du bétail). Ils sont devenus des piliers essentiels du réseau de trafic. Au début, le chanvre était une affaire de citadins. Maintenant, ce sont les villageois qui excellent dans le trafic et la consommation. Il n’y a pas un seul village où on ne trouve pas de fumeurs et de vendeurs», dit un interlocuteur.

Pourtant, il est quasiment impossible de voir une personne cacher cette drogue chez lui. Puisque dans cette zone jusqu’à Thiolaye qui est une zone maraîchère, les jardins servent de cachettes de la marchandise. Certains métayers cultivent la drogue dans leur plantation. 

A. BAKHOUM

 

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