Publié le 30 Nov 2020 - 23:30
TRAITE DE PERSONNES, TRAFIC DE CHANVRE INDIEN, VOL…

La gendarmerie frappe au cœur des ‘’daaras’’ de Kara 

 

Entre le 26 et le 28 novembre, la Section de recherches (SR) de la gendarmerie de Colobane a fait des descentes inopinées dans les ‘’daaras’’ de redressement de Serigne Modou Kara situés à Malika, Zone B, Ouakam et Guédiawaye. Les gendarmes ont mis aux arrêts 43 personnes et libéré 353 personnes victimes de sévices, tortures et autres brimades. Une grave affaire dans laquelle on parle de personnes mortes dans des conditions atroces.

 

L’information faisant état d’une descente musclée de la gendarmerie nationale dans des ‘’daaras’’ de redressement du guide religieux Cheikh Modou Kara pour les fermer, s’est répandue à travers le pays, ce week-end. Pour couper court aux informations erronées, la Division de la communication de la gendarmerie a envoyé, hier à ‘’EnQuête’’, une note explicative.

Le document renseigne qu’entre le 26 et le 28 novembre 2020, des éléments de la Section de recherches (SR) ont effectué une descente inopinée à Ouakam, pour exploiter un renseignement sur le vol d’un scooter. A cette occasion, les enquêteurs ont découvert trois autres scooters faisant l’objet de recherche et, par incidence, un lieu de regroupement de plusieurs individus, en majorité jeunes, âgés de 17 à 42 ans, placés sous haute surveillance et victimes de séquestration, de maltraitance, voire de torture. Ils vivent dans des conditions sanitaires déplorables, dans des endroits présentés comme des ‘’daaras’’ de redressement tenus par des disciples de Serigne Modou Kara. Les responsables se font appeler ‘’Commandant’’ et ‘’Colonel’’.

Souffrant visiblement de maladies et de malnutrition sévère, les stigmates des sévices corporels sont visibles sur les corps des victimes, dont certaines semblent avoir ‘’perdu’’ la raison, poursuit la note. Le communiqué renseigne que les pensionnaires ont laissé entendre qu’ils ne mangent qu’un repas par jour et ne se lavent qu’une fois par semaine.

En outre, un des mis en cause, appelé “Ndaama géant’’, chez qui il a été retrouvé 6 paquets de chanvre indien, est allé se réfugier au domicile de Serigne Modou Kara, dont l’un des fils du nom d’Ahmadou Mbacké l’a ‘’heureusement’ reconduit à l’unité de la Section de recherches, suite aux mises en garde du commandant Mbengue.

‘’Les témoignages des victimes font état de plusieurs décès durant ces deux dernières années, dont le dernier remonte à trois jours, sur lesquels des investigations sont en cours. Plusieurs blessés ont été secourus et acheminés d’urgence au service de santé de la gendarmerie et à l’hôpital Principal de Dakar, par les soins des éléments de la Section de recherches et du médecin-chef de la gendarmerie’’, informe la division de la communication de la gendarmerie.

La même source souligne que 18 personnes ont été d’abord découvertes aux Mamelles, sous la garde de quatre geôliers, le 26 novembre. Ensuite, le 27 novembre, à Guédiawaye, 213, dont sept mineurs, séquestrées dans un immeuble R+1 et entassées dans huit chambres, ont été libérées de ces lieux de détention. Enfin, un transport effectué, avant-hier samedi, sur deux autres sites situés à Malika et à la Zone B, a permis de découvrir respectivement 22 et 100 pensionnaires, dont une fille âgée de 17 ans.

Au total, poursuit le communiqué, 43 personnes ont été interpellées, dont six à Ouakam, 13 à Guédiawaye, 20 à la Zone B et quatre à Malika. En définitive, la Section de recherches a démantelé un réseau de vol de scooters, de trafic de chanvre indien et de traite d’êtres humains.

L’enquête se poursuit sous la direction du procureur de la République, précisément pour les faits d’association de malfaiteurs, vol en réunion en temps de nuit, trafic de drogue, traite de personnes et complicité. Les documents audiovisuels sont disponibles et feront l’objet d’une diffusion en temps opportun, précise la Divcom.

Les images d’un autre temps

Pour se rendre compte de l’enfer vécu par ces personnes séquestrées et violentées, il faut visionner les images de la vidéo du démantèlement de ces daaras de redressement. Les locaux des pensionnaires tiennent beaucoup plus de l’enclos de bétail que de la cellule de prison. Car, pour la plupart des chambres, il y a une grille qui permet de les surveiller en permanence. 

Aucune commodité. La saleté repoussante des lieux donne mal au cœur. Le sol est à peine dallé. Pour s’assoir ou dormir, ils ont étalé des sacs de riz. Dans la vidéo, impossible de donner un chiffre sur le nombre de pensionnaires dans les cellules. Les visages émaciés renseignent sur leur souffrance. Les jurons de l’auteur, incrédule et choqué, accompagnent la vidéo qui dure 1mn 12 secondes.

------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

RÉPONSE DU CLAN DE SERIGNE MODOU KARARÉPONSE DU CLAN DE SERIGNE MODOU KARA

‘’La gendarmerie n'a trouvé de la drogue dans aucun des centres de redressement’’

Serigne Modou Kara a tenu, hier, à livrer sa part de vérité et donner des informations sur les centres de redressement démantelés par la gendarmerie. C’est le secrétaire général du Diwane, Mounirou Sarr, qui a signé la note parvenue à ‘’EnQuête’’.

Le clan de Serigne Modou Kara a répondu à la maréchaussée. La note signée par Mounirou Sarr, le secrétaire général du Diwane, se termine par une question pleine de sous-entendus : ‘’Pourquoi l'État a-t-il attendu jusqu'aujourd'hui pour jeter son dévolu sur ces centres qui existent depuis plus d'une quinzaine d'années ?’’

Mais ce qui préoccupe le plus Serigne Modou Kara et ses talibés, c’est la question de la drogue évoquée par les hommes en bleu. ‘’La gendarmerie n'a trouvé de la drogue dans aucun des centres de redressement Darou Salam au niveau de la banlieue, citée dans leur communiqué. Nous invitons l'autorité à bien préciser l’endroit dans lequel ils affirment avoir trouvé du chanvre indien, pour éviter toute confusion’’, indique d’emblée le communiqué parvenu à ‘’EnQuête’’.

En effet, le communiqué de la gendarmerie fait mention d’un individu sur qui de la drogue a été retrouvée et qui est allé trouver refuge au domicile du guide religieux Serigne Modou Kara Mbacké.

Celui-ci, renseigne Mounirou Sarr, est certes un membre du mouvement, mais il ne fait pas partie des geôliers. ‘’Il serait bien de préciser qu'il n'était pas dans le domicile du guide, au moment de la descente de la gendarmerie. C'est seulement après le départ de la gendarmerie que le guide, informé de la situation, a immédiatement intimé son fils Serigne Ahmad Mbacké l'ordre d'aller chercher ce talibé partout où il se trouverait pour le mettre à la disposition de la justice, pour répondre des accusations qui pèsent sur lui. On leur rappelle aussi que les pensionnaires de ces centres (Daara Tarbiyah) y ont été envoyés par leurs propres parents, sur la base d'une décharge d'autorisation parentale signée. Ces mêmes parents, accompagnés de membres de leurs familles, faisaient des visites récurrentes pour s'enquérir de l'état de leurs enfants dans la structure’’, poursuit-il.

Le secrétaire général du Diwane précise que la plupart des pensionnaires sont des victimes de la drogue ou de jeunes repris de justice arrivant dans le centre dans de très piteux états. Le centre Darou Salam, connu de toute la population dakaroise, était souvent le dernier recours pour ces parents dans le désarroi, ne sachant plus à quel saint se vouer. ‘’Cet endroit est un centre social au service des populations. Au début du projet, la Kara-Sécurité prenait en charge tous les pensionnaires gratuitement. Au fil du temps et des résultats satisfaisants, les sollicitations ont augmenté considérablement, ce qui a créé la promiscuité du cadre de vie. Le centre a ensuite souffert du manque de moyens dû au fait que certains parents ne pouvaient pas s'acquitter des redevances mensuelles, après y avoir interné leurs enfants, les gestionnaires ne pouvaient pas les retourner chez eux’’, explique Mounirou Sarr.

Ce dernier va même jusqu’à solliciter un accompagnement de l'État, par la formalisation de cette initiative qui réussit là où les structures officielles n'ont pas de solution, malgré leur budget à coups de milliards.

Ces centres, renseigne-t-il, existent depuis plusieurs années et reçoivent des jeunes pensionnaires de toutes les couches sociales. Il ajoute : ‘’Les membres de la Kara-Sécurité ont été nommés ‘commandos de la paix’ par la presse nationale, suite à leurs engagements citoyens, lors des inondations en 2005 dans la banlieue à Pikine Guinaw-rails.  Sa direction a aussi payé la formation pour plusieurs de ses membres au métier de garde du corps et agent de sécurité pour contribuer à l'emploi et à la formation des jeunes. Plusieurs autorités du gouvernement, de même que le GIGN (Groupement d’intervention de la gendarmerie nationale) sollicitent leurs services de par leur professionnalisme et leur discipline’’. 

CHEIKH THIAM

 

Section: