Publié le 9 Mar 2016 - 05:39
TRANSVERSALE

Diouf, self mythe man

 

C’est un El hadji Ousseynou Diouf, totalement ivre de lui-même, qui a dégueulé son tropisme dans les colonnes du dernier numéro du magazine So Foot. Un vomi narcissique qui entache, si besoin en était, ce qui reste de l’image d’un “fouballeur” qui a dévissé son destin pour avoir eu trop de talent dans les pieds et trop peu dans le chef.

On a bien rigolé des grimaces du vieux Lion qui ont égayé les suiveurs du “canard” français, mais on n’en a point ri.  Car ce qui sépare le rire de la rigolade est une tournure d’esprit qui oppose la déclamation du ‘’bon mot au bon endroit et au bon moment’’ à la licence verbale qui, à l’instar des saillies de Diouf, n’inspire que le comique. Il manque trop à notre héros de 2002 une science lettrée, une maîtrise spirituelle des subtilités de la langue et un savoir-faire dans l’évitement de la vulgarité et de la grossièreté pour nous arracher autre chose qu’une rigolade compulsive. Cruel destin d’un garçon hors pair qui, lesté de son trop-plein de soi, s’est travesti en amuseur public. A qui il manque cette politesse d’être plaisant qui l’aurait mué en charmant impertinent.

Le plus bel exploit de Diouf est d’avoir réussi à se mentir à lui-même, à s’inventer une gloire personnelle qui, dans sa tête et dans sa tête seulement, va au-delà des rêves du plus mielleux des storytellers hollywoodiens. La plus grande star de l’histoire du football sénégalais a toujours survolé l’exercice de la parole à sa façon, y mettant toujours une subtilité d’éléphant et un art consommé de la semi-vérité qui, sans déconner, suscite le respect. Chaque prise de parole médiatique de Diouf allume les signaux d’une étoile morte qui, dépassée par le jeu, travaille à l’édification de son propre mythe sur le terrain du… je. Sans se faire un sang d’encre du “qu’en dira-t-on”. Soit Diouf est hautement inconscient de l’histoire de son sport et de la place qu’il y tient. Soit le Saint-Louisien de Balacoss est le plus grand baratineur qu’on ait jamais croisé dans le “football circus”.

Son ambition cathartique, depuis l’évanouissement de son talent (pourtant exceptionnel) dans le frog liverpuldien, se résume à faire croire non pas à ce qu’il est devenu (un énième talent gâché), mais à l’idée qu’il se fait de lui-même (une légende du football mondial). Dans une mégalomanie qui dit beaucoup de sa quête vitale de revanche sur ses origines sociales et ses ambitions déchues, Diouf s’est toujours employé dans la construction de son mythe, souvent dans un bel exercice du cabotin du ‘’je’’ : ‘’Je suis le meilleur… ‘’, ‘’J’ai qualifié le Sénégal au Mondial à moi tout seul…’’, ‘’Je suis exceptionnel…’’…

Un exercice d’egotrip qui, outre ses coutures grotesques et son innommable mépris envers ses anciens partenaires de l’Equipe nationale, trahit une vaine tentative d’ameublement d’un grand vide dans un destin qui se rêvait au faîte du football mondial, mais qui se contente aujourd’hui d’une place dans le bottin des ‘’étoiles filantes’’ des phases finales de grandes compétitions internationales, cette famille souvent moquée des Toto Schillacci, Fernando Chalana ou autres Igor Salenko.

Habile dans l’érection de son statut, le Saint-Louisien ne cesse pourtant de se réinventer par le biais de quelques gestes épatants, non pas ces gestes techniques qui peuplent les rêves des irréductibles nostalgiques, mais plutôt quelques insinuations plus ou moins bien senties qui instillent ou installent la stature qui, selon lui, devrait être la sienne dans le gotha du football africain et mondial.

Son premier grand geste : le jour de l’enterrement de son illustre aîné, Jules François Bocandé, Diouf aimante micros et caméras et dégaine une phrase lourde de sous-entendus : ‘’Eto’o et Drogba m’ont appelé pour me témoigner leur compassion…’’ Façon sibylline de se revendiquer en alter-ego de ces deux icônes du football mondial.

Son dernier grand geste : Il s’est posé en janvier dernier sur Sen TV pour oser une supplique qui a fait beaucoup (sou) rire dans les réseaux sociaux : ‘’Si Aliou Cissé me fait jouer 5 minutes, il ne pourrait plus se passer de moi en sélection nationale…’’ Histoire de signifier aux derniers récalcitrants qu’il est Immortel. Qu’il reste et demeure le meilleur joueur passé et présent de l’histoire du football sénégalais.

Ce soir-là, un vent mesquin a charrié dans les chaumières le souvenir pitoyable de Diouf, l’après-midi de sa dernière sélection lors d’un douloureux Sénégal-Gambie (1-1) de 2009 : le buste comme tenu par un corset en métal, une vitesse du scaphandrier et la ruse quand, sevré de ballon depuis un quart d’heure, il revient en toucher deux ou trois au milieu de terrain avant d’aller reprendre sa sieste aux avant-postes. Cette après-midi-là, du haut des gradins, on a repensé au gamin qui, soucieux de paraître guerrier (juste guerrier), va tacler un bon coup dans la boue pour saloper son maillot. Et se donner l’impression d’être soi-même. Cette après-midi-là, sous le regard attristé d’un “Léopold Senghor” qui n’avait “dieu” que pour lui, Diouf avait barboté dans le ridicule. Et depuis, il semble prendre son pied dans la gadoue. So Foot?

 ABDALLAH DIAL NDIAYE

 

Section: