Publié le 22 Jan 2016 - 07:45
TUNISIE

Comment la grogne sociale est montée d’un cran

 

Des revendications sociales ont enflamment la ville de Kasserine depuis la mi-janvier et la grogne est désormais en train de gagner d’autres régions du pays. Un climat qui rappelle celui de 2010, juste avant le soulèvement contre Ben Ali.

 

Le 17 janvier à Kasserine (Nord-Ouest), Ridha Yahyaoui, un jeune chômeur grimpe à un pylône électrique pour dire sa colère. La raison ? Son nom ne figure plus sur une liste d’embauches dans la fonction publique établie par le gouvernorat. Il veut dénoncer un trafic d’influence au profit de parents d’élus locaux. Perché sur son pylône, il meurt électrocuté.

Aussitôt, Kasserine, où 30% de la population est en demande de travail, s’embrase. Plus de 700 jeunes, très déterminés, entament un sit-in et bloquent les routes et le gouvernorat. Les forces de l’ordre ripostent avec des tirs de gaz lacrymogènes. En 48 heures, le mouvement fait tache d’huile. Les délégations de Rgueb, Menzel Bouzaiane, Meknassy, Mazouna, Gabès, El Fahs, Fernana suivent. Des lieux d’où était partie l’insurrection populaire qui a entraîné la chute du régime de Ben Ali, le 14 janvier 2011.

Les mêmes slogans qu’en 2010-2011

Cinq ans plus tard, les mêmes slogans sont brandis : « travail, dignité et justice sociale ». Ils signifient l’échec des gouvernements successifs à résoudre la crise de l’emploi des jeunes et à réduire les disparités régionales, avec un chômage qui culmine à 15,2% en 2015 contre 12 % en 2010 et un taux de pauvreté au-dessus des 20%.

Le gouvernement d’Habib Essid est sur le qui-vive, même si, à la différence de 2011, la répression policière est plus contenue. À proximité de Kasserine, des terroristes sont retranchés dans les montagnes et les quartiers de Hay Ennour et Ezzouhour, les plus atteints par le chômage, sont considérés comme des foyers de recrutement pour les extrémistes. Mais malgré cette montée de la tension sociale, le ministre de l’emploi, Zyed Laadheri, ne fait aucune déclaration ; seule l’Assemblée des Représentants du peuple (ARP) dépêche une délégation pour « écouter les demandes ».

« C’est absurde. Ces demandes ont été identifiées depuis longtemps et les élus de la région le savent bien. Nous attendons du concret, pas des discours », assène un protestataire tandis que le député Ammar Ammroussia met en garde contre « une révolution des ventres vides ». Tous les dirigeants disent cependant que « les revendications sont légitimes », mais certains estiment que les émeutes sont manipulées.

La grogne atteint Tunis

Pendant ce temps, la grogne monte d’un ton. Des rassemblements spontanés ont lieu le 20 janvier sur l’Avenue Bourguiba à Tunis. Le même jour, le quartier du Kram Ouest (à 10 km de Tunis) revit des scènes similaires à celles de 2010-2011. La situation est suffisamment inquiétante pour que le premier ministre Habib Essid interrompe son déplacement au sommet de Davos qui s’est ouvert le 20 janvier et se poursuit jusqu’au 23 janvier.

En son absence, le gouvernement a annoncé des mesures urgentes, dont le pourvoi de 75 000 emplois dans les zones déshéritées et la mise à disposition des terres domaniales aux plus démunis. Sauf que ces promesses semblent difficilement réalisables dans des délais courts et faute de moyens ad-hoc. Le sévère déficit des dépenses publiques empêche tout recrutement dans l’administration ou financement d’emplois aidés, selon les engagements de la Tunisie avec ses bailleurs de fonds internationaux dont le FMI.

(Jeune afrique.com)

 

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