Publié le 26 Aug 2019 - 20:59
ULTIME HOMMAGE A UN COMBATTANT

Dansokho part avec le titre de Commandeur de l’ordre national du Lion 

 

Amath Dansokho repose désormais au cimetière Thiaka Ndiaye de Saint-Louis. Le président d’honneur du Parti pour l’indépendance du travail (Pit) est parti avec les hommages ultimes de la Nation, mais également avec le titre posthume de Commandeur de l’ordre national du Lion.

 

La cour de la morgue de l’hôpital Principal de Dakar s’est révélée, hier, trop étroite pour accueillir l’immense foule venue rendre un dernier hommage à Amath Dansokho. Le secrétaire général puis président d’honneur du Parti de l’indépendance et du travail (Pit), rappelé à Dieu à l’âge de 82 ans, le vendredi 23 août à Dakar, des suites d’une longue maladie. Autorités gouvernementales, universitaires, politiques, avocats, magistrats, syndicalistes, journalistes, anonymes, famille… étaient tous présents.

Dans cette foule hétérogène, les mines étaient homogènes. Toutes grises avec un visage dégoulinant de sueur pour ceux qui n’ont pas pu se mettre à l’abri du soleil.

Après de longues minutes d’attente, la cérémonie a démarré aux environs de 9 h 30 mn par une fanfare de l’armée. A l’arrivée du cercueil couvert du drapeau national, la foule, bercée par les versets coraniques que récitait un homme, est sortie de sa torpeur. Des glandes lacrymales se sont lâchées, pour certains, tout âge confondu, jeunes, hommes, femmes, vieux. Il était difficile, pour eux, de retenir leurs larmes. ‘’C’est moi qui ait perdu. Amath, c’était mon Amath’’, ne cessaient de ressasser certaines personnes durant et après l’oraison funèbre.

Mais pour le président de l’Assemblée nationale, ‘’c’est le Sénégal qui perd, c’est l’Afrique qui perd, c’est l’humanité qui perd, avec la disparition de Amath Dansokho’’. En fait, Moustapha Niasse, qui représentait le chef de l’Etat absent du territoire, n’a pas tari d’éloges à l’endroit du défunt ministre d’Etat. Tout en faisant savoir que Macky Sall ‘’est très attristé’’, il a loué les qualités humaines et l’engagement de Dansokho ‘’durant toute sa vie pour une humanité meilleure’’.  ‘’Amath était un homme loyal, compétent, un visionnaire… Il restera avec nous, dans nos pensées, dans nos mouvements. Il avait des qualités rares. Et c’est pourquoi c’était bien d’être son ami’’.

La voie étreinte par l’émotion, Moustapha Niass a craqué, après avoir tenu ces propos : ‘’Amath Dansokho nous a adoptés. Il a pris nos mains et nous a montrés la voie de l’action. Il nous a encadrés.’’ Et d’ajouter : ‘’Je peux vous dire que c’est lui qui nous a inspirés dans notre engagement politique. Il n’a jamais reculé devant le danger.’’ Les autres intervenants qui ont succédé le secrétaire général de l’Alliance des forces de progrès ont abondé dans le même sens. Ils ont salué l’esprit d’engagement, de patriotisme et de combattant dont a fait montre Amath Dansokho toute sa vie durant. Et en récompense à cette vie de combattant, le président de la République l’a élevé, à titre posthume, au rang de Commandeur de l’ordre du Lion.

REACTIONS

ALKHANY DANSOKHO, FILS DU DEFUNT

‘’Pourquoi mon père a été inhumé à Saint-Louis’’

‘’Certains vont se demander pourquoi mon père a choisi d’être enterré à Saint-Louis. Mais cela ne doit pas être une surprise pour ceux ou celles qui l’ont connu. Ce choix est naturel. Saint-Louis a été le berceau de son engagement politique et le lieu où il a tissé ses meilleures relations amicales. Il a rencontré ses meilleurs amis dans cette ville. Il a toujours eu la nostalgie de cette ville exceptionnelle, quand il a vécu ailleurs. Notre père appartenait à l’ensemble du peuple. Il avait une générosité inégalable et acceptait tout le monde. Je vais vous révéler également qu’il était un excellent cuisinier. Il nous préparait à manger et nous incitait à préparer des plats.

Il nous donnait des leçons de vie indispensables. Il nous a toujours poussés à aller vers l’autre. La preuve, quand ma mère lui avait présenté l’un des premiers malades porteur du Vih/sida au Sénégal, mon père n’a pas arrêté de lui serrer la main et de lui faire des accolades. Juste pour vous dire qu’il avait un grand cœur et traitait tout le monde sur le même pied. La vision de celui que nous pleurons est fondée sur le sentiment que notre destin est lié sur celui de tous. C’était un homme juste et bon. Il détestait la haine. Son œuvre doit être poursuivie par les générations futures, pour éviter les soubresauts politiques aux conséquences incalculables.’’

MOUSTAPHA GUIRASSY

‘’C’est Kédougou qui a perdu’’

‘’C’est un grand homme, avec des valeurs d’une noblesse extraordinaire. Mais je vais insister sur le dernier acte qu’il a posé, c’est-à-dire le fait de demander d’être enterré à Saint-Louis. C’est la valeur de la fidélité d’Amath Dansokho. C’est sa conscience universelle qui montre qu’il n’était pas dans un communautarisme ou régionalisme, mais qu’il était dans un universalisme. Il savait mettre en avant une amitié, une fraternité. Amath, c’est Kédougou qui perd, c’est le Sénégal qui perd, mais aussi toute l’Afrique.’’

Me EL HADJ DIOUF

‘’Amath disait la vérité partout et devant n’importe quelle autorité’’

 ‘’J’ai côtoyé Amath dans le mouvement de la gauche où j’ai fait 20 ans. Je l’ai également côtoyé dans Benno Siggil Senegaal. Il disait à Moustapha Niasse : «Donnez la parole à El Hadj Diouf ; il faut qu’il parle. Il parle fort et clair.» Cela m’a impressionné et il disait également la vérité partout et devant n’importe quelle autorité, y compris le président de la République. Dans ce pays, j’ai compté trois personnes : Sidy Lamine Niasse, Amath Dansokho et El Hadj Diouf qui vous disent la vérité, comme s’ils sont avec vous.’’

MBALLO DIA THIAM

‘’Amath n’a vécu que pour les libertés et droits des travailleurs’’

‘’C’est un monument de la politique et du syndicalisme qui est parti. C’était un grand combattant des libertés, des droits des travailleurs. Il n’a vécu que pour cela : pour le droit, les libertés et pour le progrès social. Nous avons perdu un grand homme de dimension internationale.’’

TALLA SYLLA

‘’Son courage n’était pas un courage digital’’

‘’C’est à l’âge de 14 ans que j’ai commencé à militer au Pai où j’y ai trouvé Amath Dansokho. Donc, il m’a éduqué politiquement parlant. J’habitais à la Maison du peuple et lorsqu’il venait rendre visite à Majmouth Diop, il discutait beaucoup avec moi, en me faisant savoir que je lui rappelais sa jeunesse militante. Maintenant, au Sénégal, tout le monde parle de patriotisme, mais eux, leur patriotisme n’était pas numérique. Leur courage n’était pas, non plus, un courage digital.

C’était un patriotisme vrai, car ils ont été les premiers à lutter pour l’indépendance du Sénégal, pas seulement pour notre pays, mais pour l’Afrique. De nos jours, beaucoup se disent patriotes, alors qu’ils sont fabriqués par les médias. Ils n’ont été confrontés à aucun risque. Or, eux risquaient leur santé, leur vie et familles, mais ils avaient une conviction qui les empêchait de rester passifs, parce qu’en ce moment-là, ils disaient que, dans l’histoire d’un pays, «il sonne toujours une heure grave et qu’il faut se dresser, dans un même élan irrésistible et enthousiaste, tous les fils d’un peuple, car la terre des aïeux est en danger, parce que la vague de honte qui monte risque d’éclabousser le fond des générations vivantes, mortes à venir».’’

CHEIKH TIDIANE GADIO

‘Il faudrait appliquer les leçons d’Amath Dansokho’’

‘’Nous sommes tous habités par une immense tristesse, pour avoir perdu un grand homme, un grand Africain, mais aussi un grand panafricain. Ce qui nous réjouit, le Sénégal est capable de s’unir autour d’une personnalité comme Amath Dansokho. Mais il faut plutôt apprendre des leçons d’Amath, car il a mené des combats politiques farouches. Tout le monde a loué son courage, son engagement. Amath n’a jamais insulté quelqu’un, ni traité un adversaire comme un ennemi. C’est une leçon que nous devons retenir tous, surtout en ces moments de grands défis où l’Afrique est menacée de partout. Nous avons le devoir d’apprendre d’Amath Dansokho et de nous retrouver autour de l’essentiel. Opposition, c’est important, pareil pour le pouvoir, mais le Sénégal est beaucoup plus important que nous tous. Je suis fier de son héritage. N’en parlons pas juste, mais il faudrait peut-être essayer de l’appliquer. Certains l’appelaient le «Mandela du Sénégal», mais je trouve que c’est restrictif. Mandela est grand, mais Dansokho n’est pas petit. Chacun a brillé en ce qui le concerne, a brillé en Afrique et a montré ce que nous aimons le plus : la fidélité et l’engagement.’’

ALIOUNE TINE

‘’Dansokho était un homme libre’’

‘’Dansokho a été l’un des hommes les plus libres de la classe politique. C’est pour cela qu’il a travaillé avec Diouf, puis Wade et Macky Sall. Quand vous regardez ses relations avec Diouf, il a été défénestré, parce qu’en réalité, il disait ce qu’il pensait. Il avait cette liberté de penser, de critiquer, de dire ce qu’il pensait. C’est le Pit et Amath Dansokho qui ont donné cette crédibilité à la candidature de Wade, dès 1983. En 88, il était avec Wade et, en 98, il a travaillé pour l’alternance. A un moment donné, il a été arrêté et mis en prison. Sous Wade, il avait cette liberté qui est une denrée extrêmement rare. Dansokho, c’est aussi la générosité, car à Saint-Louis où il va, c’est pour retrouver un ami.’’

FATOU SY

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