Publié le 22 Aug 2014 - 03:11
UNE SEMAINE APRÈS LA MORT DE BASSIROU FAYE

C’est la ruée vers les bourses !

 

Après le meurtre de Bassirou Faye, l’Etat a décidé finalement de payer le reste des allocations d’études. Pour entrer dans leurs fonds, c’est la croix et la bannière pour les étudiants qui passent des heures devant les guichets. Dans l’espoir de recevoir le… jackpot.

 

Debout au milieu d’un bain de foule, vêtu d’un uniforme bleu et noir, un préposé à la sécurité, d’une forte corpulence, tente tant bien que mal de faire régner l’ordre. Sous un soleil accablant, la chaleur des corps humains entremêlée au parfum dégage une odeur désagréable. Devant l’agence Ecobank située sur l’avenue Cheikh Anta Diop, en face de l’ENDSS, plusieurs étudiants en file indienne munis de leurs pièces d’identité attendent impatiemment leur tour. Certains viennent pour retirer leurs cartes bancaires, d’autres pour faire plutôt des réclamations ou pour percevoir la bourse. La plupart d’entre eux sont de nouveaux bacheliers.

Las d’attendre debout sous le chaud soleil pendant plusieurs heures, certains étudiants préfèrent parfois patienter à l’ombre des arbres. Souvent, quant ils reviennent, c’est la confusion dans les files. Chacun pense avoir précédé l’autre et parfois, ça se termine par des querelles. Les étudiants doivent d’abord faire la queue dans le premier rang pour s’inscrire. Ensuite, revenir faire le rang à nouveau pour donner leur carte d’identité et attendre d’être appelés. ‘’Tout cela est fastidieux. Ils pouvaient vérifier nos états eux-mêmes et nous envoyer des messages électroniques. Les autorités ne font rien pour nous simplifier les choses’’, dit désespérément Modou Sène, étudiant en Licence à la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines.

L’endroit étant situé sur la voie publique, les étudiants sont exposés en effet aux risques d’accidents et aux problèmes d’hygiène. Souvent, les automobilistes klaxonnent pour leur demander de dégager la voie. La fumée qui s’échappe des véhicules est inhalée par les étudiants. ‘’Ouakam ! Ouakam ! Pikine ! Pikine !’’, hurlent de temps en temps les apprentis des véhicules de transport en commun. Souvent, ils stationnent pour embarquer des clients.

A la deuxième porte, on reçoit les étudiants pour le paiement de la bourse. Mais là aussi, c’est le même désordre. Ceux qui n’ont pas passé la nuit sur les lieux sont venus entre cinq heures et six heures du matin. Un agent de sécurité appelle les noms des personnes déjà inscrites sur la liste pour récupérer leurs pièces d’identité. Il en prend une centaine. Le reste est prié d’attendre le deuxième appel une fois le premier lot fini. Les mécontents n’hésitent pas à proférer des injures ou rouspéter. Seuls les plus chanceux reçoivent leur argent. ‘’J’ai fait deux tentatives. C’est aujourd’hui que j’ai perçu mon argent’’, confie joyeusement Lamine Mané Maréna après s’être difficilement dégagé de la foule qui barre la sortie.  Faute d’argent pour prendre le taxi, il est venu à pied, depuis Mermoz à 4h du matin, à ses risques et périls.

 Entre les deux portes de la banque, il y a deux guichets automatiques pour ceux qui ont des cartes qui fonctionnent. Là aussi, la même règle est en vigueur. Deux rangs sont formés devant les guichets. Les plus chanceux repartent en souriant, heureux d’avoir enfin perçu leurs bourses après 10 mois d’attente. Après le meurtre de l’étudiant Bassirou Faye jeudi dernier, les autorités ont finalement effectué les virements. Cependant, certains peinent encore à recevoir leurs allocations d’études. ‘’Mon compte n’est pas encore alimenté. Pourtant, la Direction des bourses m’avait dit que mon compte était activé. Depuis octobre, je n’ai rien perçu’’, dit Ibrahima Touré avec beaucoup de désolation.

Au-dessus des guichets, une affiche indique le calendrier que les étudiants sont tenus de respecter  pour se rendre sur les lieux. Le rendez-vous est donné par ordre alphabétique. Ce matin, c’est le tour de ceux dont les noms commencent par B et C. Non loin de là, au bout de la file, les étudiants discutent entre eux, histoire de ne pas s’ennuyer. Certains ne perdent aucune occasion pour apprendre leurs cours ; même étant dans le rang, ils révisent leurs leçons. ‘’J’ai dû sacrifier mes cours pour être ici. Et je ne suis pas sûr que je pourrai accéder aux guichets aujourd’hui, car je suis 143ème sur la liste’’, explique d’une voix faible Mariama Sané, venue depuis 6 heures.

Malgré la bancarisation, les problèmes persistent

A quelques mètres de là, au camp Jérémy, un autre groupe d’étudiants patiente aussi dans l’espoir d’être payé. Cette fois-ci, il s’agit des étudiants des écoles et instituts privés. L’ambiance est différente. Plusieurs étudiants dont certains portent des uniformes sont assis sur un muret en face du Centre des Presses Universitaires. Contrairement au précédent lieu, il fait moins chaud à cause des nombreux arbres se situant à l’intérieur. Plusieurs étudiants sont attroupés autour des deux guichets, dans l’espoir de toucher enfin leur argent. Ici, il n’y a pas de bousculades ni de longues files d’attente.

Les filles occupent à part leur guichet. Samba Diop, habillé en uniforme blanc et noir, explique : ‘’Ici, nous sommes moins nombreux et nous respectons le calendrier qui organise les rendez-vous aussi. C’est pourquoi il y a moins de désordre sur les lieux’’. Introduite il y a trois ans dans le but de faciliter le paiement de la bourse des étudiants, la bancarisation n’a pas permis de solutionner tous les problèmes. Au contraire, d’autres difficultés sont venues s’y ajouter. Les étudiants font des va-et-vient entre les facultés, les guichets et la direction des bourses dans l’espoir de percevoir leurs allocations. Et certains ont encore du mal à comprendre le fait que l’Etat ait signé un partenariat uniquement avec Ecobank pour le paiement des bourses.

MAMADOU DIALLO (stagiaire)

 
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