Publié le 30 Jan 2017 - 15:15
UNE SEMAINE A LA MAISON BLANCHE

Les affolants premiers jours de Donald Trump président 

 

Faits alternatifs, défense de la torture, lancement du mur avec le Mexique, décrets anti-musulmans et contre les réfugiés : retour sur les sept premiers jours du nouveau président.

 

Samedi 21 

La guerre est déclarée

Pour sa première visite officielle, samedi, Donald Trump se rend à la CIA. On se dit qu’il va la jouer président, arrondir les angles avec le monde du renseignement, sur lequel il a beaucoup tapé dans l’affaire de l’ingérence russe dans la présidentielle. Au lieu de ça, devant les étoiles des 117 agents tués en service, Trump se livre à une diatribe contre les journalistes, «parmi les gens les plus malhonnêtes sur Terre». Le président des Etats-Unis, garant de la Constitution qu’il a juré de protéger et de défendre 24 heures plus tôt sur les marches du Capitole, se dit «en guerre contre les médias». Surréaliste. La raison de sa colère? Les médias auraient minimisé la foule présente la veille à son inauguration. Le Donald est orgueilleux. Totalement mégalo, même. C’est un fait : il y avait beaucoup plus de monde sur le mall pour acclamer Obama en 2009 que Trump en 2017. Les photos ne mentent pas. Le président, si. Paie ton acte fondateur.


Dimanche 22

Ministère de la Vérité

Décidément, la pilule du manque de frénésie populaire ne passe pas. Après avoir envoyé au front, samedi soir, son porte-parole Sean Spicer, chargé d’aboyer à la presse un communiqué aussi ridicule que mensonger, Trump dépêche dimanche sa fidèle conseillère Kellyanne Conway dans l’émission politique Meet the press. Interrogée sur les mensonges du porte-parole, elle ose cette réplique mythique : «Vous dites que c’est un mensonge mais il a présenté des faits alternatifs.» La sphère politico-médiatique s’embrase. Ceux qui ne sont pas stupéfaits éclatent de rire. En vrai, c’est atrocement flippant : comment faire confiance à une administration prête à remplacer des faits réels par des faits «alternatifs»? Conséquence inattendue : les ventes de 1984 explosent aux Etats-Unis. Le roman de George Orwell grimpe mercredi à première place des ventes sur Amazon. Il faut dire que le parallèle est glaçant. «Le Parti disait de rejeter le témoignage des yeux et des oreilles. C’était le commandement final et le plus essentiel», écrit Orwell. En 2017, l’heure du ministère de la Vérité semble avoir sonné. Et il a ses bureaux à la Maison Blanche.


Lundi 23 

Au boulot

C’est le coeur du projet Trump : remettre les Américains au travail. En rouvrant par centaines les usines et les mines et en virant les immigrés illégaux qui - c’est bien connu - piquent le boulot des natifs et tirent les salaires vers le bas. Lundi, sans surprise, le président consacre donc sa première vraie journée de travail au dossier de l’emploi. Face aux grands patrons, il brandit à la fois la carotte (massive baisse de charges) et le bâton (menace de lourdes taxes en cas de délocalisation). Aux leaders syndicaux, il promet une nouvelle ère industrielle. Donald Trump parle à sa base, aux cols bleus du Michigan, de la Pennsylvanie, du Wisconsin, à cette Rust Belt (ceinture de rouille) qui lui a offert la Maison Blanche. Par décret, il retire les Etats-Unis du TPP, le traité commercial transpacifique dont beaucoup de démocrates, à commencer par Bernie Sanders, voulaient aussi la mort. Sur ce dossier, Trump brouille les lignes politiques. Et il adore ça.


Mardi 24

Vous avez dit la planète ?

Un jour, peut-être, les livres d’histoire raconteront que la présidence Trump porta un coup fatal aux efforts pour sauver la planète des abus de ses habitants, surtout les plus riches. En faisant du patron d’Exxon Mobil son diplomate en chef et d’un climato-sceptique notoire le directeur de l’Agence de protection de l’environnement (EPA), Donald Trump pouvait difficilement envoyer un message plus clair. Dès mardi, il passe aux actes, en relançant par décrets deux projets d’oléoducs bloqués par Barack Obama, notamment au nom de la protection de l’environnement. Biberonnée aux énergies fossiles, la Maison Blanche version Trump a promis de doper l’exploitation des hydrocarbures de schiste et d’éliminer le plan d’action pour le climat et les eaux mis en place par Obama. Pour l’heure, le nouveau président n’a rien dit sur l’accord de Paris. Quittera ? Quittera pas? Une certitude : les Etats-Unis de Trump ne tiendront pas leurs engagements, déjà jugés insuffisants par les experts.


Mercredi 25

Au pied du Mur

En visite au département de la Sécurité intérieure, Donald Trump signe un décret ordonnant «la construction immédiate d’un mur physique» le long de la frontière avec le Mexique. Et hop, voilà la promesse emblématique du milliardaire déjà concrétisée. Enfin… presque. Maintenant, il va falloir faire une étude, transporter les matériaux, les engins et la main d’oeuvre dans le désert et les montagnes, exproprier les terrains privés. Il va falloir de l’argent, aussi. Quelques dizaines de milliards de dollars, à peu près, même si en fait personne n’en a aucune idée. De toute façon, le Mexique va régler la facture. «Pas question qu’on paie», rétorque le président mexicain Peña Nieto ? «Pas la peine de venir me voir», lui répond Trump en substance. Du coup, Peña Nieto annule sa visite à Washington, prévue la semaine prochaine. Première crise diplomatique, qui pourrait virer à la guerre commerciale. Dans l’équipe Trump, on évoque une taxe de 20% sur tous les produits importés du Mexique. What? Les amateurs de Coronas, d’avocats et de citrons verts risquent de payer la facture du mur. Sur Twitter, l’ancien président mexicain Vicente Fox lance un petit sondage pour se moquer de Trump. «A la place du #FuckingWall, vous préfereriez quoi?», demande-t-il aux twittos. Plus de 300 000 votants tout de même. 43% veulent un meilleur système de santé, 39% une éducation plus abordable. Pas mieux.


Jeudi 26

Café du commerce

Jeudi soir à 22 heures, Fox News, alias Trump TV, diffuse l’interview accordée par le président à Sean Hannity, commentateur vedette de la chaîne câblée et fan de la première heure du magnat de l’immobilier. La veille, le président a donné sa toute première interview à David Muir, journaliste d’ABC. Il a notamment été question de torture. Le lendemain, Hannity décide de revenir sur le sujet, à sa manière. Il s’adresse à Trump : «Si j’avais l’opportunité de parler avec David Muir, je lui dirais : "Ok, imaginons que deux gars rentrent dans ta maison. Ils kidnappent ton enfant. L’un d’eux s’enfuit avec lui. Tu arrives à plaquer l’autre. Ce gars sait où se trouve ton enfant. Tu ne vas pas le waterboarder ?"» Pour rappel, le «waterboarding» ou simulation de noyade, est considéré comme de la torture. Et interdit par la loi. La réponse de Trump : «Tu voudrais traiter le gars gentiment, pour qu’il parle au bout de 48 heures ? Et, à ce moment-là, il sera trop tard. Ce n’est pas trop mon truc.» Ce dialogue de café du commerce dans un salon de la Maison Blanche donne la nausée.


Vendredi 27

 «C’est du lourd»

Donald Trump a bouclé sa semaine par une visite au Pentagone, où il a signé un décret intitulé «protection de la nation contre l’entrée de terroristes étrangers aux Etats-Unis». Le texte prévoit notamment le blocage pendant trois mois de l’arrivée des ressortissants de sept pays musulmans (Irak, Iran, Libye, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen) ainsi que la suspension pour quatre mois de tout accueil de réfugiés. Les réfugiés syriens, eux, seraient définitivement bannis. «C’est du lourd», balance Donald Trump. Combiné avec le mur mexicain, ce serrage de vis anti-musulmans devrait rassurer les trumpistes sur l’étanchéité de la forteresse Amérique. Et si ça ne leur suffit pas, les plus angoissés pourront toujours acheter un (huitième) fusil semi-automatique à Walmart pour une centaine de dollars. God Bless America.

Liberation.fr

 

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