Publié le 5 Dec 2013 - 20:18
UNE SPÉCIALITÉ OUBLIÉE ET NÉGLIGÉE

 Le cri du cœur des chirurgiens

 

Le 7e congrès mondial francophone de chirurgie a démarré hier à Dakar. Le professeur Cheikh Tidiane Touré, président du congrès, a fait un diagnostic sans complaisance de la spécialité, selon lui, laissée à elle-même.

 

Des chirurgiens francophones, venus de 34 pays, prennent part au 7e congrès mondial francophone de chirurgie, au Sénégal. Cette rencontre de 4 jours va permettre aux différents praticiens de discuter de l’évolution des méthodes de diagnostic thérapeutiques, surtout les plus innovantes. C'est aussi l'occasion de partager leurs expertises. L'objectif est d'offrir à la population une chirurgie de qualité disponible. Selon le président du congrès, le professeur Cheikh Tidiane Touré, la chirurgie est une spécialité oubliée, négligée. ''On avait délibérément négligé la chirurgie, au profit d'autres secteurs de la santé considérés comme prioritaires. La chirurgie a été négligée, aussi bien dans les domaines de ressources humaines, que dans ceux des infrastructures et des équipements'', a souligné Pr Touré.

Du nord au sud, à l'ouest comme à l'est, les vocations se perdent, les rangs se dégarnissent, car la pratique est exigeante et réclame une maîtrise morale, intellectuelle, technique, au moment où l'adaptation au niveau technologique devient de plus en plus ardue, selon le chirurgien. ''Dans nos pays du sud, la fonction chirurgicale est dévalorisée, les rémunérations peu conséquentes, peu attractives, au regard de la charge de travail, de la pénibilité de la fonction et de la longue période d’apprentissage (12 ans au moins, après le baccalauréat).

Le personnel chirurgical s'est gravement raréfié au Sénégal'', a-t-il souligné. Sur ce, le professeur Touré a demandé à ce que des mesures urgentes et énergiques soient prises par l’État, pour remédier à cette situation. ''Ceci devrait passer par une véritable revalorisation de la fonction chirurgicale, par le biais de dispositions incitatives : attribution de bourses de formation, rémunération plus équitable''. Par ailleurs, le professeur Cheikh Tidiane Touré a soutenu que ces mêmes doctrines pernicieuses ont considérablement altéré l'outil de travail : ''infrastructures et équipements inadaptés, obsolètes, insuffisants, mal répartis''.

''Les patients meurent de simples appendicites''

Des régions entières sont dépourvues de tout dispositif de soins chirurgicaux. ''Pendant cette période, les professionnels de chirurgie ont vécu et continuent de vivre cette douloureuse réalité. Où les patients meurent de simples appendicites ou de grossesses difficiles non assistées et autres traumatismes par accident, faute parfois de banals instruments chirurgicaux, d’aspirateurs, parfois de simples fils de suture ou parce qu'il n'y a pas de chirurgiens'', a fustigé le Pr Touré.

Déjà en 1985, lors de la conférence de Bamako, les organisateurs avaient constaté que le fort taux de mortalité était dû à l’absence de la chirurgie. ''Ils ont décidé de faire des chirurgiens à minima, en formant des médecins à la chirurgie en 4 mois, alors que pour être un chirurgien calé, il faut 12 ans. C’était une régression, car on revenait à des pratiques d'il y a 50 ans. On réduisait la chirurgie à une simple gestuelle et le Sénégal l'a fait'', a-t-il déploré, avant d'ajouter : ''Ce métier est un savoir, un savoir-faire et un savoir-être. Le savoir permet de comprendre ce que l'on fait, comment le faire, quand le faire, quand ne pas le faire et le pourquoi de ce que l'on fait. Sans ces notions, le praticien devient un danger, car la chirurgie est, par essence, une thérapeutique agressive dont les indications doivent être pertinemment posées, avant tout geste''.

''Si l’État le veut, nous formerons autant de chirurgiens sénégalais que nécessaire''

Selon le président du congrès, il y a 300 médecins qui chôment. ''Si l’État du Sénégal le veut, s'il met des médecins à la disposition des chirurgiens, nous formerons autant de chirurgiens que nécessaire. Il y a des chirurgiens disponibles dans le pays. Mais encore faut-il que ces apprenants aient des bourses de formation'', a-t-il proposé.

Les malades vont à l’étranger, au Maroc ou en Tunisie pour se soigner, ''des pays qui n'ont pas de meilleures ressources humaines que le Sénégal. C'est un problème de moyens matériels auquel nous faisons face. Il faut que l’État aille dans le sens de doter les praticiens des moyens infrastructurels et matériels conséquents, mais en même temps de mettre les praticiens dans les conditions de vie descente'', a indiqué Pr Touré.

De son côté, le ministre de la fonction publique Mansour Sy a soutenu que le gouvernement attachera une attention particulière à ces difficultés.

Viviane DIATTA

 

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