Publié le 23 Apr 2018 - 19:30
UNITÉ D’ACTION DU G6

La grande fissure !

 

L’unité du G6 s’est  lézardée en un week-end. Entre secrétaires généraux, on n’a plus la même appréciation. Le seul point de convergence, c’est l’indignation face à l’attitude du ministre Serigne Mbaye Thiam.

 

A la suite de la conférence de presse, samedi, du ministre de l’Education nationale annonçant la suspension du mot d’ordre de grève pour quatre syndicats sur les six les plus représentatifs, EnQuête a appelé les secrétaires généraux concernés pour en savoir davantage. Coup de théâtre ! En effet, si la majorité dément formellement  Serigne Mbaye  Thiam, Souleymane Diallo du Sels et Moustapha Ségnane du Sneelas/Fc eux donnent une toute autre version qui confirme les déclarations du ministre. Du côté de Saourou Sène, SG du Saemss, Abdoulaye Ndoye, patron du Cusems et Abdourahmane Guèye le tout nouveau successeur d’Awa Wade à la tête de l’Uden, on déclare que la suspension n’est pas à l’ordre du jour. De Abdoulaye Ndoye à Saourou Sène en passant par les autres, on fait remarquer que les syndicats fonctionnent de manière démocratique et  que les décisions sont prises, après consultations. D’ailleurs, la même phrase s’est retrouvée sur les lèvres de chacun d’entre eux : ‘’La levée du mot d’ordre ne revient pas aux dirigeants, il appartient à la base’’. Les leaders syndicaux se disent surpris de cette annonce, parce que, soutiennent-ils, ils ont appris la nouvelle au moment où ils étaient avec des organisations comme le Haut conseil du dialogue social, la Cosydep et Education pour tous. Abdoulaye Ndoye croit savoir même que Serigne Mbaye Thiam est en compétition avec ces acteurs facilitateurs.

Et c’est justement là l’origine du problème. Sinon, il a bel et bien été question de suspension du mot d’ordre. En fait, la Cosydep discutait avec les leaders syndicaux pour une sortie de crise. Le Sels, le Sels/A, l’Uden et le Sneelas/Fc ont accepté de répondre favorablement à l’appel de Cheikh Mbow et Cie. Quant aux Saemss et Cusems, ayant opté pour la poursuite de la lutte, ils ont décliné. Par la suite, les syndicats ont été appelés par la présidente du Haut conseil du dialogue social, Innocence Ntap, pour poursuivre la négociation. Les quatre syndicats ont réitéré leur engagement de lever le mot d’ordre, à condition que la date de l’application de l’indemnité de logement  soit ramenée d’octobre à août, voire juillet. Ils ont également  demandé à ce que la date  pour le guichet unique soit fixée, afin d’en finir avec les lenteurs administratives. Abdoulaye Ndoye et Saourou Sène par contre ont campé sur leur position. Seulement, le ministre de l’Education devait animer une conférence de presse. L’information qui était encore en négociation lui est parvenue et Serigne Mbaye en a fait l’annonce. Ce qui n’a pas été apprécié par les SG qui se demandaient qui a pu vendre la mèche. Ils ont commencé à élever la voix.

Malgré tout, il a été retenu de se retrouver le lendemain (dimanche) au siège du Sels. Tous les leaders syndicaux du G6 se sont présentés, à l’exception d’Abdoulaye Ndoye. Saourou Sène lui, bien que présent, est resté  sur sa position, à savoir maintenir le mot d’ordre. Par contre, le Sels, le Sels/A, l’Uden et le Sneelas/Fc se sont entendus, d’après Souleymane Diallo et Moustapha Ségnane, sur le fait qu’il doivent se retrouver à Tivaouane à 17h pour lever le mot d’ordre devant le khalife général des Tidianes. ‘’Je me suis présenté chez le Khalife à l’heure indiquée. A ma grande surprise, aucun des autres ne s’est présenté à l’audience. J’ai respecté ma parole devant le khalife et j’ai annoncé la levée du mot d’ordre pour le Sels’’, confie Souleymane Diallo. M. Ségnane, le leader du Sneelas/Fc soutient qu’il a été confronté à un problème de véhicule. Il est arrivé à la ville sainte au coucher du soleil et a déclaré lui aussi la suspension. Abdou Faty confirme une partie de l’information. Selon lui, à la réunion du dimanche matin au siège du Sels, il a été prévu de se rendre à Tivaouane, ‘’si tout se passait comme prévu’’. Ainsi donc, s’il ne s’est pas rendu à Tivaoune, c’est que ‘’tout ne s’est pas passé comme prévu’’. De manière claire, la sortie du ministre est venue mettre du sable dans la machine du Sels/A.

‘’Le ministre a tout foutu en l’air’’

En fait, la ‘’précipitation’’ du socialiste  est comme un cheveu dans la soupe. Les leaders syndicaux estiment que Serigne Mbaye Thiam n’avait pas à leur couper l’herbe sous les pieds. ‘’Ce n’est pas un ministre qui va décréter la fin de la grève à notre place. Ce n’est pas élégant qu’il puisse se substituer aux syndicats’’, recadre Abdou Faty. ‘’Il ne revient pas au ministre d’annoncer la suspension. Il est en train de confondre son rôle’’, renchérit  Abdourahmane Guèye. N’eût été ce hiatus sur la forme, Abdou Faty  reconnaît qu’il était parti pour lever le mot d’ordre et que c’est toujours d’actualité. ‘’On va les rejoindre très rapidement. On a les mêmes objectifs. Ce sont les  modalités qui diffèrent finalement, à cause de la sortie du ministre’’, avoue M. Faty. En fait, reconnaît Abdou Faty, l’annonce du ministre a rendu les choses plus compliqués dans son syndicat, car les camarades lui demandent depuis quand un ministre informe-t-il les enseignants  de la levée d’un mot d’ordre. Cette attitude du ministre n’est pas regrettée uniquement par les enseignants. Les facilitateurs sont également furieux contre lui. ‘’On était en train de réussir un excellent travail, mais il a tout foutu en l’air’’, s’emporte l’un deux. Un autre interlocuteur soupçonne même le ministre d’être ‘’sur d’autres calculs’’ et d’avoir un agenda personnel.

Abdoulaye Ndoye lui, estime que si Serigne Mbaye Thiam se permet d’annoncer la fin de la grève à la place des syndicats, il doit avoir le courage de citer nommément  les concernés. ‘’Il manque de courage, il essaie de semer la zizanie et le doute. Heureusement que les enseignants ont compris’’, déclare un Ndoye visiblement en colère contre le socialiste. Le patron du Cusems précise d’ailleurs qu’il n’a ni rencontré le ministre, ni parlé avec lui. Ce leader syndical estime que la sortie du ministre est d’autant plus grave qu’il admet lui-même que les décisions qu’il annonce ont été prises de manière informelle. M. Ndoye rappelle à Serigne Mbaye Thiam que l’Etat n’est pas informel, il est une structure organisée. ‘’Il ne peut pas tenir en haleine l’opinion et dire que c’est informel. Ça prouve que le ministre n’est pas responsable’’, peste-t-il.

‘’Les manœuvres, la conspiration et le complot’’

La tutelle a, en outre, déclaré que l’Etat ne saurait accepter la surenchère. Et que si jamais un protocole est signé avec une partie des syndicats, l’autre n’aura que l’unique choix de se plier. Des propos qui apparemment ne préoccupent pas outre mesure les leaders syndicaux. Si certains lui laissent la responsabilité de sa déclaration, d’autres lui font comprendre qu’il n’a pas les pouvoirs qu’il s’attribue. Saourou Sène fait remarquer que le ministre n’est même pas l’interlocuteur des syndicats qui discutent directement avec le gouvernement.

Sur ce point, Abdoulaye Ndoye fait remarquer que le ministre avait déjà dit que le gouvernement n’augmenterait pas l’indemnité de logement, ne serait-ce que de 1 000 F Cfa. A l’arrivée, le président de la République a accepté de mettre 25 000 F Cfa additionnels.  Ce qui l’amène à dire que le ministre peut  dire ce qu’il veut, mais il n’a pas de pouvoir de décision. ‘’Serigne Mbaye Thiam n’est pas le gouvernement, il ne dirige pas le pays. Il a été embarqué, il est juste un passager dans le cadre d’une coalition’’, ironise Ndoye. Ce dernier pense d’ailleurs que si l’école est en crise depuis 3 à 4 ans, Serigne Mbaye Thiam en est pour beaucoup responsable. Abdoulaye Ndoye l’accuse de vouloir gérer par ‘’les manœuvres, la conspiration et le complot’’.

Droit sur le mur

Il reste même d’avis que celui qui est à la tête du département de l’Education est le principal point de blocage de l’école. D’où l’invite qu’il lui fait de s’en aller pour que le système retrouve la sérénité. ‘’Après avoir échoué à l’Enseignement supérieur et montrer ses limites à l’Education nationale, il doit avoir l’honneur  républicain et la dignité citoyenne de rendre le tablier pour permettre à l’école de sortir de la crise’’, lance-t-il. A défaut, le syndicaliste appelle le chef de l’Etat à ne pas privilégier un allié sur l’intérêt de la nation. Abdoulaye Ndoye conseille à Macky Sall de démettre le socialiste de ses fonctions de ministre pour le bien de l’école. Sinon, avertit-il, lui, le seul élu, sera unique responsable devant la nation. Avec ou sans Serigne Mbaye Thiam, les enseignants semblent décider à aller jusqu’au bout pour la satisfaction de leurs revendications. Les propos de  Saourou Sène ont le mérite d’être sans équivoque. ‘’Si l’Etat ne fait pas un effort supplémentaire, nous allons droit sur le mur’’. Mais pour le moment, c’est plutôt mal parti pour les syndicats qui vont visiblement terminer la lutte dans la division, comme en 2016.

BABACAR WILLANE

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