Publié le 30 Sep 2018 - 02:34
VIEUX NIANG (BONGOMAN)

‘’Etre bongo man ne veut pas dire être incorrect’’

 

L’artiste Vieux Niang est l’un des ‘’bongomen’’ les plus connus. Dans cet entretien, il explique sa façon de faire et invite ses collègues à beaucoup plus de respect de soi, au lieu de courir d’une cérémonie à l’autre, ‘’sales et puant l’alcool’’. 

 

Comment avez-vous embrassé ce métier de bongoman ?

Je suis né dans une famille de griots, j’étais danseur, car je fréquentais le célèbre danseur Pape Ndiaye Thiou. Au fil du temps, chacun a pris son propre chemin. Entre temps, j’ai eu l’amour de ce métier de bongoman. C’est un don du bon Dieu que j’ai avec cet instrument. C’est, en 2004-2005 que j’ai vraiment senti que les gens commencent à apprécier ce que je fais. Je le faisais bien avant, parce je voyais des gens faire du bongo. Mais à partir de cette date, je me suis vraiment senti imprégné. Je n’ai jamais pensé que j’allais avoir ce grand succès. Mais j’ai toujours cru en moi.

Qu’est-ce que cet instrument a de spécial par rapport aux autres ?

C’est la nouvelle tendance, j’ai participé à sa vulgarisation. Maintenant les sabars et autres disparaissent. Il y avait d’autres instruments pour l’animation des cérémonies. De nos jours, le bongo est à la mode. Nous sommes invités partout pour assurer l’ambiance des festivités. Les gens aiment bien cela, le bongo a une sonorité soft et c’est vraiment agréable. L’instrument est connu à l’international et les européens l’aiment bien et commencent à le découvrir. Le bongo a apporté sa propre touche à l’animation. Il a porté haut l’art. Il a  une variation de sons, ça ne crée pas beaucoup de bruits et c’est classe.

Auparavant il existait des bongos en caisse, comment cela s’est transformé avec la nouvelle génération ?

C’est vrai, au temps, il y avait des bongos en caisse, mais maintenant la donne a changé. J’ai créé le bongo en calebasse. Ces derniers ont fait leur temps et nous aussi nous avons notre chance d’apporter une nouvelle touche. Avec le temps tout évolue, c’est valable dans tous les domaines. Les nouvelles créations sont là. Les médias, les réseaux sociaux participent à cette vulgarisation.

Le bongo va-t-il avec un habillement ou un comportement particulier ?

Le respect est primordial dans tout ce que l’on fait. Je suis clean, j’ai l’estime de soi. Je dis tout le temps à mes jeunes frères d’attendre qu’on les invite. Dans mon quartier à Niarry Tally, s’il y a une cérémonie à côté, si on ne m’invite pas, je n’y vais pas. Même si on me taxe d’effronté, j’assume. J’ai honte de faire certaines choses. C’est un job et on doit le valoriser, j’ai tracé ma voie, car je ne fréquente pas ceux qui ne se font pas respecter.

Les acteurs  du métier sont tout de même pointés du doigt…

Je le dis tout le temps, il faut se faire respecter, j’insiste sur ce point. Il est vrai que ce n’est pas facile de se lever un jour et d’être célèbre, mais il y a un minimum de respect que la personne doit imposer. Il y en a  qui évoluent dans le métier, qui s’adonnent à l’alcool, se droguent et qui sont mal fagotés. C’est déplorable. Ces gens qui le font n’auront pas de succès. Je ne blame personne. Moi je ne le fais et je ne le conseille à personne. Les gens ne sont pas dupes, si tu te lances dans cette vie, personne ne te respecte et tout le monde t’ignore. Il n’est pas dit qu’un bongo man doit être sale, incorrect. Au contraire, il est appelé à être correct dans son accoutrement, sa façon de faire et de se comporter envers son public. Donc, il ne lui est pas permis d’avoir un comportement déplorable. C’est  noble ce que nous faisons, c’est un gagne-pain et quelqu’un qui evolue dans l’art doit être correct. Malhreusement, il y en a qui ne le comprennent pas.

Est-ce que l’on peut dire que le métier est rentable ?

Ce métier m’a beaucoup apporté. Si je faisais autre chose, je ne pense que j’aurai autant que ce que je gagne avec le bongo. Je fais des vidéos. Je signe des contrats avec des artistes qui partent en Europe pour assurer la première partie du programme. Il n’y a qu’aux Etats Unis que je n’ai pas encore mis les pieds, mais je suis allé partout dans le monde.

Est-ce que vous y gagnez en notoriété ?

Oui, parfaitement. J’ai eu un bon carnet d’adresse, j’en ai eu des amis, des autorités, et c’est aussi grâce à ma personnalité. Je leur fais de belles prestations avec beaucoup de classe et d’admiration. Je signe des contrats par heure. Si quelqu’un me contacte  pour une cérémonie de mariage par exemple, puisque traditionnellement la nouvelle mariée doit amener un repas chez sa belle-famille avec une délégation, je demande 50 000 FCFA pour l’animation de cette partie. Pour une journée, je fixe le prix à 100 000 FCFA. Et lors de la cérémonie, la mariée doit remettre des cadeaux à sa belle-famille à cette occasion, c’est 75 000 FCFA.

Pour la célébration d’un anniversaire, c’est 50 000 FCFA et souvent on nous donne beaucoup d’argent. Maintenant, les gens organisent pour souffler leurs bougies en privé, sinon avec peu d’invités. Il m’arrive d’avoir deux à trois cérémonies de ce genre en une journée. Des fois des gens peuvent nous appeler et pour éviter de payer, ils nous disent : si vous venez, l’argent que l’on donnera lors du spectacle vous suffira. Dans ce cas, je dis non. Je signe le cachet d’abord et sur place ce que l’on me donne est un plus. C’est pour vous dire que l’on doit imposer le respect. Pour les soirées, je réponds à des invitations d’un collègue artiste, là je ne réclame rien. Un artiste doit avoir de bonnes relations avec les gens avec qui il partage le milieu.

Qu’est ce qui vous distingue des autres bongomen ?

Il est bon de créer dans ce que nous faisons. J’essaie toujours de révolutionner le bongo. Je fais des recherches, je fréquente les grandes personnes qui connaissent bien la langue wolof pour l’usage de certains mots. Je fais en sorte que cela soit rythmé, c’est-à-dire lancer des messages forts dans les cérémonies. Par exemple, dans un mariage, il m’arrive de créer une chanson uniquement pour la mariée. C’est une façon de l’encourager dans sa nouvelle vie et surtout lui dire de prendre référence de nos ancêtres comme Sokhna Diarra qui est un exemple. On ne peut pas tout le temps présenter le même son. Les gens veulent quelque chose d’original. Le bongo, accompagné de mots bien recherchés, devient original. Comme ça, ils adhérent facilement au spectacle fourni.

AIDA DIENE

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