Publié le 13 Jul 2012 - 11:10
VIH-ETUDES-ANTIRÉTROVIRAUX

Jusqu’à 75% de réduction des risques d’infection déjà !

 

Deux nouvelles études menées en Afrique sur des couples hétérosexuels sérodiscordants tendent à confirmer la relative efficacité de la prise préventive d’antirétroviraux pour éviter une infection par le VIH.

 

Puisque la prise d’un traitement rétroviral par une personne porteuse du virus de l’immunodéficience humaine (VIH) réduit sa charge virale, et donc le risque d’infection de son partenaire, pourquoi ne pas essayer de donner ce même traitement, en prise préventive, au partenaire séronégatif ? C’est l’idée de départ à de nombreuses études, dont deux viennent d’être publiées par la revue scientifique américaine New England Journal of Medecine. Le but : étudier les effets prophylactiques de la prise orale et quotidienne de ce type de traitement par des personnes séronégatives.

 

La première étude, financée par la fondation Bill et Melinda Gates, a été conduite au Kenya et en Ouganda entre 2008 et 2010, auprès de 5 000 couples hétérosexuels au profil sérologique discordant - c’est à dire que seul l’un des deux est porteur du VIH. Trois groupes ont été constitués, parmi les partenaires séronégatifs : le premier s’est vu administrer un antirétroviral nommé Ténofovir, le deuxième une combinaison de Ténofovir et d’Emtricitabine (Truvada), et le troisième un placebo.

 

Jusqu’à 75% de réduction des risques d’infection

Le risque d’être infecté par le VIH a été réduit de 67 % dans le premier groupe, et de 75% dans le deuxième, par rapport au groupe placebo. «Les effets protecteurs du Ténofovir seul et du Ténofovir en combinaison avec l’Emtricitabine n’ont pas été très différents», indiquent les auteurs de l’étude. La deuxième étude a eu lieu entre 2007 et 2010 au Botswana, auprès de 1 219 couples sérodiscordants, constitués d’un homme et d’une femme. Dans un premier groupe, le partenaire séronégatif prenait du Truvada, et dans un deuxième, les participants reçevaient un placebo. Là aussi, le risque de se voir contaminé était réduit de 62,2% dans le premier groupe.

 

Des résultats plutôt encourageants - bien qu’encore insuffisants, donc. Mais le New England Journal of Medecine publie également les résultats d’une étude avortée en avril 2011, composée de 2 120 femmes séronégatives au Kenya, en Afrique du Sud et en Tanzanie. Aucune différence significative n’a été observée entre le groupe ayant ingéré du Truvada et le groupe placebo, avec une incidence de l'infection par le VIH de 5% dans les deux groupes. Selon les auteurs, c’est «la faible observance des antirétroviraux par les participantes» qui serait en cause.

 

Le Truvada, bientôt en vente libre aux Etats-Unis ?

Mais dans un éditorial publié dans la même revue scientifique, deux médecins, Myron Cohen (Université de Caroline du Nord) et Lindsey Baden (Hôpital des femmes à Boston), relèvent que «la publication de ces études tombe à point nommé car sur la base de leurs résultats, comme de ceux d’essais cliniques antérieurs, un comité consultatif d’experts indépendants a récemment recommandé à l’Agence américaine des médicaments (FDA) d’approuver (la mise sur le marché en vente libre, ndlr) le Truvada».

 

Un marché juteux pour le laboratoire Gilead Sciences, qui commercialise le Truvada, le prix d’une boîte de 30 comprimés atteignant 500 euros. Et les deux médecins de rappeler que seul le préservatif est d’une grande efficacité pour éviter la contamination par le VIH : «les antirétroviraux pris de façon préventive ne devraient jamais être vus comme pouvant se substituer aux préservatifs», insistent-ils.

 

 

Le préservatif reste la prévention la plus efficace

 

Lindsey Baden et Myron Cohen indiquent également : «bien que nous n’ayons pas d’indication d’un usage moindre du préservatif dans ces études, nous devons nous assurer qu’une prévention avec des antirétroviraux avant une exposition au virus n’encourage pas indirectement des comportements sexuels risqués». C’est là la raison des polémiques engendrées par ce type d’étude, qu'elles concernent des personnes hétérosexuelles ou homosexuelles - les modes de contamination pouvant varier.

 

En France, cet argument est utilisé par les détracteurs de l’essai «Ipergay», mené sur des hommes ayant des relations sexuelles à risque avec d’autres hommes. Stéphane Minouflet, président de l’Association de suivi et d’information des gays sur la prévention du VIH, s’inquiète ce que «les gens vont penser que le médicament remplacera le préservatif. Cela entraîne une effet pervers car ils risquent de commander du Truvada sur Internet, et l’épidémie de s’étendre». D’autant que ces traitements préventifs n’ont pas d’effet sur les autres infections sexuellements transmissibles (IST), qui elles-mêmes peuvent augmenter les risques de contamination par le VIH, surtout si elles ne sont pas traitées.

 

Libération

 

 

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