Publié le 28 Mar 2015 - 22:41
VIOLATION DES DROITS DE L’HOMME AU PAYS DE JAMMEH

Minnah, kidnappée puis exfiltrée de la Gambie

 

L’étudiante Aminata Manneh a eu le réflexe de filmer et de diffuser sur le net la scène insolite d’un agent de la police fouettant une fillette. Cela lui a valu un kidnapping dont elle se remet difficilement.

 

Portée disparue, le mercredi 18 mars dernier en Gambie, l’étudiante Aminata Manneh, en troisième année à l'Université de Gambie, a été enlevée par des éléments de la très redoutée National Intelligence Agency (NIA) de Yahya Jammeh. Mais comme pour la journaliste Fatou Camara et beaucoup d’autres Gambiens ayant eu maille à partir avec le régime du dictateur, Aminata Manneh, connue sous le sobriquet de Minnah, a réussi à se faire la belle, avec l’aide de certains agents qui ont refusé de souiller leurs mains sur une jeune fille dont le seul tort a été d’avoir l'audace d'exposer la brutalité policière d'un agent, sur sa page Facebook.

Les ennuis de Minnah ont commencé le lundi 16 mars. Se rendant lundi à son lieu de stage, la jeune étudiante est tombée sur une scène insolite. Un agent de la police gambienne, muni d’une canne, fouettait une jeune écolière âgée d’environ une dizaine d'années. Activiste gambienne connue pour sa lutte en faveur des droits de l'enfant, Aminata Manneh s'est arrêtée pour filmer la scène qu'elle a partagée sur son mur Facebook avec la légende suivante: "Ceci est une violation flagrante d'un droit de l'enfant. Depuis quand un agent de police de la circulation a-t-il le droit de poser sa main sur une jeune écolière ? Qu'en diront nos autorités ?"

La vidéo fit un tabac en quelques heures avec plus de 4500 cliques et beaucoup de commentaires dont celui du lobbyiste américain Jeffrey Smith, directeur du Centre Robert F. Kennedy pour la Justice et les droits de l'Homme basé à New York. Jeffrey Smith twitta alors sur son compte : ''Je viens de voir une vidéo très inquiétante d'un agent de police de la Gambie battant une jeune écolière en plein jour. Malheureusement, ce n'est pas une scène anodine''. Dès le lendemain, Aminata commença à recevoir des appels anonymes de personnes disant appartenir aux services de renseignement et qui lui intimaient l'ordre de se rendre de toute urgence dans les locaux de la NIA. Ce qu'elle fit. Ce fut la dernière fois que sa famille et ses amis virent ou entendirent parler d'Aminata. Son téléphone portable resta injoignable.

Ya Binta Jarju, 28 ans, abattue de trois balles

La disparition de Minnah fut d’autant plus inquiétante qu’une nervosité palpable règne chez les forces de l’ordre gambiennes, depuis le putsch manqué de décembre dernier. Il y a trois semaines, Ya Binta Jarju, une autre jeune fille de 28 ans, a été abattue de trois balles par des tirs de soldats en faction sur un check-point, à Erinjang/Kotu sur la route de Manjai Kunda. L'incident a eu lieu quand le chauffeur du taxi qui transportait la jeune fille a refusé de s'arrêter au check-point.

C’est ainsi que désespérée, la famille d’Aminta Manneh s'est rendue à la NIA qui, comme d'habitude, a nié avoir vu la jeune fille.

Une vaste campagne sur les réseaux sociaux pour obtenir la libération d'Aminata fut alors lancée par les Gambiens de la diaspora. Fort heureusement, certains agents de la police secrète de Yahya Jammeh ont été sensibles à l’indignation générale suscitée par l’enlèvement de la jeune étudiante et ont décidé d’agir secrètement en faveur de son évasion. Aujourd’hui, Aminata est sous nos cieux, en lieu sûr. Nous tairons comment elle s’est évadée, pour sa sécurité et pour ne pas compromettre ceux qui ont aidé à la réussite de son évasion. 

M. T. DIAW

 

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