Publié le 10 Mar 2019 - 16:09
VIOLENCES FAITES AUX FEMMES EN MILIEU PROFESSIONNEL

Un phénomène protéiforme et pernicieux

 

 ‘’Halte aux violences faites aux femmes en milieu professionnel’’. C’est le thème débattu, hier, par les membres du Réseau national des femmes syndicalistes du Sénégal (Renafess), à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Il a été question, entre autres, de mettre un terme à la ‘’promotion canapé’’.
 
 
Dans leur milieu professionnel, les femmes sont victimes de violences de plusieurs ordres, d’où le choix d’un thème qui, selon les syndicalistes, doit être suffisamment pris en charge par l’Etat. A ce jour, les résultats d’une tournée dans sept régions du Sénégal font état de la recrudescence des violences d’ordre psychologique et sexuel. Les femmes exerçant dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’hôtellerie, la restauration et des transports se trouvent être les plus exposées. La journée du 8 mars a donc été l’occasion, pour la coalition des cinq centrales syndicales, d’unir leurs forces pour dénoncer les inégalités entre hommes et femmes dans le milieu professionnel, en plus de produire un document de recommandations. 
 
Selon la présidente nationale des femmes de la Cnts (Confédération nationale des travailleurs du Sénégal), ‘’les violences faites aux femmes se présentent sous plusieurs formes. C’est soit au niveau physique, verbal, sociologique ou même économique. Raison pour laquelle, nous voulons défendre les droits de ces dernières, tout en interpellant le président de la République. Il faut qu’il y ait des sanctions plus lourdes, afin d’éradiquer ce fléau’’. La liste des différents cas de violence en milieu professionnel est longue. 
 
En effet, dans le milieu du travail, les femmes du Réseau national des femmes syndicalistes du Sénégal (Renafess) déplorent l’inégalité des salaires entre hommes et femmes au sein d’une même entreprise. Ces dernières affirment avoir recensé un bon nombre de femmes travailleuses qui, à diplômes égaux, reçoivent moins qu’un homme. Un pan d’une injustice que le réseau veut combattre. ‘’Parfois, nous avons rencontré des femmes ayant un niveau d’études supérieur à l’homme, des diplômes supérieurs à celui-ci, mais qui, néanmoins, reçoivent un salaire inférieur à celui de leurs collègues hommes. Nous disons non à cette forme de violence’’, a déclaré Mariama Diallo, Secrétaire générale de l’Union démocratique des travailleurs du Sénégal. 
 
Plusieurs formes de violence recensées
 
‘’La violence est toute action, tout incident ou tout comportement qui s’écarte de l’attitude raisonnable par lesquels une personne est attaquée, menacée, lésée ou blessée dans le cadre du travail et du fait direct de son travail’’. Telle est la définition de l’Organisation internationale du travail (Oit) sortie en 2004. C’est par cette notion que la féministe Ndèye Marie Sidy Ndiaye a introduit le panel du jour. Elle pense qu’en milieu professionnel, une femme est en mesure de produire le même travail qu’un homme. D’après son analyse, la violence nait dans la famille, la première cellule de vie. Elle est ensuite transposée au travail. ‘’Un enfant élevé dans un cadre où sa mère est souvent battue par son père, aura tendance à reproduire cet acte plus tard sur son lieu de travail. Il en sera de même pour un homme violent envers sa femme’’. 
 
La panéliste de mettre l’accent sur une forme de violence qui, bien que non apparente, est malheureusement très présente dans les entreprises. ‘’L’on assiste à un harcèlement sournois de la part des hommes, des mesquineries ou même des attouchements qui sont presque impossibles à prouver. Ces actes sont source de traumatisme et atteignent psychologiquement et moralement les femmes qui se réfugient dans un lourd silence’’.  Selon elle, ce phénomène est la pire forme de violence. Car le chantage sexuel crée un climat d’intimidation hostile au sein de la structure de travail. 
 
Combattre la ‘’promotion canapé’’
 
Toutefois, les femmes du réseau des syndicalistes pensent qu’il revient aux femmes de se battre pour que leurs droits soient respectés. Ainsi, les participantes ont été invitées à sensibiliser leurs responsables sur la question au sein de leurs différents lieux de travail. Cette lutte trouve tout son sens dans l’éradication de la fameuse ‘’promotion canapé’’ qui, selon Ndèye Marie, dévalorise la femme. ‘’Accepter de donner son corps pour un poste, c’est honteux pour une femme. Surtout qu’elle n’a ni la qualification ou encore moins les compétences requises pour occuper le poste en question. C’est à nous, femmes, de mettre fin à cela. Aucun homme ne le fera pour nous’’. 
 
Un avis qui lui a valu des ovations de toute l’assistance. Pour d’autres, la revendication des droits en milieu professionnel passe par un renforcement des capacités des travailleuses. Elles estiment qu’avant tout, les travailleuses doivent être compétentes, sinon, vaines sont leurs revendications. 
 
En outre, les femmes syndicalistes n’ont pas manqué de souligner que la violence sous toutes ses formes est transversale. De l’enseignante à la vendeuse de poisson, sans oublier l’ingénieur, l’infirmière ou la domestique, tous les secteurs d’activité sont touchés par ce fléau. 
 
Des spécificités à prendre en compte
 
L’accouchement et l’allaitement sont des spécificités souvent causes d’injustice en milieu professionnel. ‘’Plusieurs postes de responsabilité nous sont refusés à cause de ces deux aspects. Pourtant, tomber enceinte n’est pas une maladie, c’est la mission que le créateur nous a confiée. Donc, c’est aux entreprises de s’adapter à ces aspects et non en profiter pour piétiner nos droits’’, ajoute Ndèye Marie. 
 
En effet, beaucoup de femmes affirment avoir fait face à des paroles blessantes, de retour d’un congé de maternité qui, pourtant, est un droit. Tout comme les heures d’allaitement qui, selon la panéliste, ne sont pas encore légiférées pour les enseignantes. 
 
Au vu de ce qui précède, les syndicalistes entendent œuvrer au respect de nouveaux droits qui devront prendre en compte les spécificités de la femme. Le réseau compte sensibiliser les employeurs, acheminer leurs recommandations au sommet de l’Etat et, enfin, les porter au 108e Sommet de l’organisation internationale du travail qui se tiendra prochainement à Genève. Elles plaident aussi pour une convention spécifique à la lutte contre les violences faites aux femmes en milieu professionnel. 
 
EMMANUELLA MARAME FAYE
 

 

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