Publié le 2 Oct 2012 - 20:20
VIRGINITÉ

 La pureté dévoyée

 

Mise aux oubliettes par beaucoup de jeunes filles et garçons, la virginité semble avoir perdu sa valeur sociétale. Pourtant, un tour dans les artères de la capitale révèle une toute autre réalité.

 

 

Considérée dans plusieurs sociétés humaines comme une marque de pureté, de retenue, la virginité commence à perdre sa valeur. Si pour certains, elle traduit un respect de soi et un signe de dignité, d'autres l'ont carrément démystifiée.

 

Il est 11 heures, au quartier résidentiel de Fann. Des voix d'un groupe de jeunes filles assises devant leur maison font écho. Elles se font entendre à mille lieues. Ces midinettes profitent de l'air encore tiède de cette matinée du mois de septembre et sont disertes quand elles sont interpellées sur le thème, non sans afficher un sourire laconique. Et puis place au «vas-y ! Parle d'abord !». La jeune Sandra Tavares décide de se jeter à l'eau. Teint clair, cette jeune fille de 21 ans, aux traits fins, vêtue d'une culotte de couleur jaune et d'un bustier, se prononce aisément sur le sujet. Sans aucune gêne. Elle avoue avoir franchi le Rubicon le jour de son anniversaire. La virginité n'a pour elle, aucune importance ; elle est une pratique archaïque. «Parce qu'on s'aimait passionnément, mon copain et moi n'avons pas hésité à faire l'amour le jour de mon anniversaire. C'était, pour moi, le plus beau cadeau. Car je continue à croire que la virginité ne détermine pas la qualité d'une fille. De toute façon, se retenir ou pas, on finit toujours par la perdre un jour», souligne -t-elle.

 

''Elles sont nulles au lit''

 

Son amie Carla Mensa, 20 ans, n'a jamais fait l'amour, mais elle ne blâme nullement les filles qui ont perdu leur virginité. «Si je suis toujours vierge, c'est parce que je n'ai pas encore trouvé de copain sérieux. Mais je n’hésiterai pas à le faire, si je rencontre quelqu'un qui m'aime. C'est la meilleure preuve d'amour». Un état d'esprit caractéristique, de nos jours, de la mentalité de bon nombre de jeunes. Et pour Seynabou Thior, «si le taux de divorce est aussi élevé, c'est parce que les femmes sont nulles au lit. Elles n'ont aucune expérience. Il faut être expert sur tous les plans. On est jeunes et on vit notre jeunesse sans retenue», affirme-t-elle.

 

Dans ce quartier, les positions ne varient pas chez cette frange de la population. Ces jeunes ont la même conviction. Ibou Ndiaye est un étudiant en 2e année à la Faculté des sciences et de la gestion (faseg) qui vient de souffler ses 24 bougies. Cigarette à la main, il juge que la virginité n'a jamais occupé une première place dans la société. «Elle n'est pas synonyme de bonnes mœurs. C'est une pratique très révolue. De toute façon, je ne vais jamais épouser une fille vierge. Elles sont nulles au lit», estime-t-il. «Ce sont les villageoises qui impriment ces idées dans leur tête, mais je trouve que c'est une grosse erreur que d'épouser une fille vierge. Il faut que les gens, surtout les parents, arrêtent de s'attarder sur des détails», fustige Moussa Amar, ingénieur agronome. Et de poursuivre : «Je suis musulman pratiquant, mais je trouve certaines pratiques anciennes.»

 

''La faute aux parents''

 

Après Fann, cap sur Yarakh, un quartier populeux de Dakar. Ici les points de vue diffèrent. Assise sur une natte, Anta Dieng, 27 ans, est fière de s'attacher aux valeurs traditionnelles. Elle projette l'image d'une vraie conservatrice. Mariée et mère de deux enfants, pour elle : «être vierge dénote de la dignité. Même s'il faut souligner que tout est une question d'éducation de base. Une fille non vierge est comme un grain d'arachide décortiqué. Les jeunes ont intérêt à se préserver», conseille-t-elle.

 

A quelques mètres, un groupe de jeunes s'adonnent au jeu de dame. Sira Diop, qui suivait la discussion jusqu'ici, a un avis tranché sur la question. «Toutes les religions révélées ont banni la fornication. J'ai opté pour la virginité par pure conviction. Les jeunes filles sont inconscientes. Elles ne savent guère qu'il n'y a rien de plus beau pour un homme que de constater que son épouse est vierge. Une fille qui a déjà couché avec un homme est vide comme une bouteille. Maintenant, si le phénomène a pris de l'ampleur, la faute doit être imputée aux parents. De plus en plus, des filles se proposent à leur petits amis», se désole Sira.

 

Doudou Mbengue, 31 ans, embouche la même trompette. Selon ce trentenaire, c'est grâce à la virginité qu'un homme respecte sa femme. Mais, à l'heure où toutes les barrières ont sauté, rien d'étonnant, si les valeurs sont fluctuantes. «Je suis persuadé que la déperdition est à l'origine de la fréquence des divorces dans notre pays. Aucun homme ne veut se servir d'un téléphone déjà utilisé. Pour vous dire que la virginité garde toujours une place importante dans la société. Heureusement qu'il existe encore des filles conscientes.»

 

et les hommes

 

La virginité est une affaire de femme. «Faux !» rétorquent des dames du 3e âge, dont Bousso Barry, qui tient sur ses 50 berges. Trouvée en train de trier le riz sur sa véranda, ''Mère Barry'' comme l’appellent ses proches, pensent que si les femmes sont mauvaises, c'est parce qu'à côté se trouvent des hommes mauvais. «Un homme doit être vierge avant son mariage. Dans le Coran, il est demandé aux hommes et aux femmes de rester chastes jusqu'au mariage'', explique-t-elle.

 

Intéressé par le sujet, son mari Doudou Ndoye s'invite au débat. ''Je parie qu'une étude aurait certifié que le nombre d'hommes qui ne sont pas chastes est plus élevé que celui des femmes. Un homme doit être chaste pour sa femme. S'il n'est pas puceau, il ne doit par rejeter sa femme parce qu'elle n'est pas vierge», estime le vieux. «Ce sont les hommes qui dévirginisent les femmes. Et réclament, en retour, des épouses vierges. C'est contradictoire et insensé'', constate Moussa Ndoye.

 

Viviane DIATTA

 

 

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