Publié le 11 Dec 2018 - 18:58
VISION MINIERE AFRICAINE (VMA)

Panacée pour le secteur minier

 

Pour combler les gaps d’une exploitation minière qui la dessert, l’Afrique s’est dotée d’une politique commune (Vision minière africaine) il y a une dizaine d’années.

 

Plus de 1 000 milliards de dollars Us perdus en 50 ans et 50 milliards de dollars de perdus chaque année en flux financiers illicites (Ffi). Les chiffres avancés, en juillet dernier, par le président du Comité national de l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (Cn-Itie), Mankeur Ndiaye, sont ahurissants. Tirées du chef du groupe de haut niveau de l’Union africaine sur les Ffi rapport Thabo Mbeki, ces sommes montrent que le secteur extractif est une énorme niche de corruption et d’évasion fiscale dont le Sénégal tient à se préserver. Après un code minier mis en application depuis 2016 et une lettre de politique sectorielle de développement des mines (Lpsd), le défi de démêler l’opacité dans les montages des entreprises soumissionnaires est grand. 

En compagnie d’autres pays du continent soumis à ces fuites financières, la Vision minière africaine se propose d’être un atout. Sur le principe, c’est une ‘‘exploitation transparente, équitable et optimale comme vecteur de croissance inclusive et durable, et un développement socio-économique’’, explique l’administrateur de Simex Sa, Mamadou Touré. Elle traite des préalables essentiels à une optimisation des bénéfices, de la prise en compte de tous les aspects (environnementaux notamment) du projet et de l’équité dans les contrats. En séminaire hier, Simex Sa et Aps Consulting ont décliné cette vision destinée à mitiger les énormes asymétries qui caractérisent l’exploitation minière en terre africaine. Mais comme l’explique l’expert-maison de la société civile sur la question, Thialy Faye, dans la panoplie de stratégies d’optimisation fiscale, ce n’est pas gagné. Les grandes compagnies s’adonnent à la pratique la plus courante pour l’échappement : le prix de transfert. Ceci est un procédé par lequel des sociétés exportent des capitaux en faisant payer à leurs filiales locales des prix fortement majorés pour des produits fournis par la société mère elle-même.

 Les récentes piques entre le gouvernement et la société civile ne sont peut-être pas prêtes de diminuer, car M. Faye souligne, en outre, les incohérences entre la volonté de transparence affichée et les pratiques dans la réalité. Pour lui, le principe de l’unicité de caisse, appliqué au Sénégal, est le maillon faible de la chaine des valeurs du Code de transparence de l’Uemoa, car à ce stade, les sommes issues du secteur extractif, reversées au Trésor, ne sont plus traçables. Mieux ou pis, dans la législation concernant les conflits d’intérêt, il déplore le fait que cela ne regarde ‘‘que les fonctionnaires, alors que les signataires, les décideurs politiques qui signent se sont exemptés’’. 

Attractivité et adaptation

Mais tout ceci découle des options gouvernementales d’attirer les investissements directs étrangers. M. Sagna, du ministère des Mines et de la Géologie, a expliqué que l’option du modèle minier sénégalais, presque similaire à celui du pétrole et du gaz, consistait, pour l’Etat, à laisser la lourde phase de recherche aux investissements étrangers. Une fiscalité souple est mise en place avant de changer de cap ultérieurement, en cas de découvertes prouvées.

Une politique d’incitation fiscale concrétisée par le désengagement de l’Etat au profit du privé tenté en 2003, car l’indice de prospectivité était inconnu. ‘‘Tout le problème était de savoir comment faire pour attirer quelqu’un de pas intéressé dans notre secteur extractif. Généralement, ce qui est délaissé, c’est dans la fiscalité. On concède une exonération. Mais ça nous a permis une connaissance de notre secteur minier en contrepartie. Demain, on peut le vendre mieux. Le manque à gagner est compensé par des découvertes. Si l’Etat n’avait pas fait cette politique d’attrait, on n’aurait pas eu les autres mines, une masse d’informations et d’autres découvertes’’, a-t-il justifié.

 Une option qui a valu au Sénégal, selon Mamadou Touré, d’avoir concentré des investissements devant des pays au potentiel minier plus solide comme la Côte d’Ivoire, le Burkina Faso, le Ghana ou le Mali. En 2012, les informations récentes et intéressantes ont fait changer à l’Etat de cap pour engranger plus de profits. ‘‘On va s’orienter vers un partage plus équitable. On va parler de plus de communauté, mettre l’accent sur la connaissance de la ressource’’, poursuit-il, saluant le travail du hub minier géré par le ministre des Investissements. D’ailleurs, le secteur est passé au stade suivant et l’Etat du Sénégal essaie de s’adapter en mettant en place un régulateur pour administrer la prospection et y tenir un plus grand rôle. ‘‘Des zones promotionnelles sont érigées et vont lui permettre de ne plus subir le tempo des investissements directs étrangers. Il va mettre de l’argent dans la prospection’’, explique M. Sagna.

Complémentarités

Dans l’exposé des motifs du Code de 2016, il a été signifié que les rapports n’étaient pas favorables et qu’on exigeait ‘‘un partenariat mutuellement avantageux’’ entre l’Etat, les investisseurs et les collectivités. Le réaménagement des dispositions relatives à la confidentialité des données est une bonne avancée, mais un expert qualifie ce document ‘‘d’élitiste’’, de ‘‘technique’’. Des avancées notoires sont à saluer, selon lui, comme les 10 % du capital des sociétés alloués d’office à l’Etat, l’interdiction du conflit d’intérêt, l’instauration du contrat de recherche et de partage de production, les audits indépendants.

 La législation domestique n’étant pas de taille à traquer à elle seule les procédés opaques des compagnies, les acteurs estiment que le palliatif réside dans les législations internationales auxquelles le Sénégal a souscrit comme l’Itie, le Code de transparence de l’Uemoa, le mécanisme d’évaluation africain par les pairs, le processus de Kimberley, les principes Equateur et le Global Reporting Initiative. 

Cependant, l’administrateur de Simex Sa est d’avis que ‘‘tant que nous ne serons pas économiquement forts pour imposer notre vision au marché financier, il va falloir trouver des stratégies d’adaptation pour tirer le max de profits’’.

OUSMANE LAYE DIOP

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