Publié le 8 Sep 2017 - 17:58
VISITE DU MINISTRE INDIEN DES AFFAIRES ETRANGERES

M. J. Akbar renforce la synergie Inde-Afrique

 

Les similitudes entre l’Inde et le Sénégal étaient au cœur d’une adresse de Mobashar Jawed Akbar, Ministre indien des Affaires étrangères, hier à Dakar. Il a suggéré que le Sénégal et l’Afrique peuvent bien s’inspirer de l’Inde.

 

Simple parallélisme des formes après des formules Chine-Afrique ? Le sous-continent indien ne veut pas être en reste à la course vers la dernière frontière du développement, l’Afrique. Son ministre des Affaires étrangères a tenu une conférence, hier, au Centre de recherches ouest-africain (WARC en anglais). ‘‘Pourquoi je pense qu’une relation Inde-Afrique pourrait être plus importante qu’une relation Asie-Afrique ? L’Asie peut être un ensemble sans but fixe. Mis l’Inde, le Japon et la Chine ont tous des buts définis et des objectifs fixes qui les lient dans leur démarche. Au lieu de Afro-Asia, on devrait cherche un terme plus pertinent comme IndAf ou quelque chose qui résumerait plus notre relation’’, a-t-il plaidé.

L’Inde ne veut pas être en retard à la course vers l’Afrique. Six mois après la tenue du sommet Inde-Afrique, en octobre 2015, et un conclave économique en mars 2016 avec 27 pays africains, le pays de Gandhi est dans la logique de renforcer sa présence en terre africaine. L’Inde a définitivement trouvé une alternative à son schéma classique de commerce USA-UE-Japon. Les deux espaces géographiques font un marché de plus de 2 milliards de personnes avec une population majoritairement jeune. Pour A. J. Akbar, le modèle économique de l’Inde est bien faisable pour les pays africains qui souhaiteraient s’en inspirer. ‘‘Il faut, d’abord, une vraie assise éducationnelle. Ensuite, une puissance économique, laquelle a pour base le renforcement des questions de genre. La transformation économique de l’Inde a été possible grâce aux femmes. Tous les investissements que nous avons faits sur elles ont été productifs. Le monde est une famille, ce n’est pas une idéologie. A moins que l’on ne se partage la prospérité, on la réduit’’.

Les échanges de l’Afrique vers l’Inde sont passés de 5,2 en 2004 à 10,9 % en 2010. Mieux, alors que le commerce était insignifiant au début du millénaire (1 milliard de dollars en 2001), les chiffres ont explosé l’année dernière : 71,4 milliards en 2014-2015. En octobre 2015, l’Inde avait offert une ligne de crédit de 10 milliards de dollars US pour les cinq prochaines années, en plus d’un programme de crédit déjà existant. Le pays a aussi offert une assistance de 600 millions de dollars dont un fonds de développement Inde-Afrique de 100 millions et un fonds Inde-Afrique pour la santé de 10 millions. ‘‘Pour nous, les Africains sont aussi importants que l’Afrique. Ce qui signifie que nos programmes de développement s’intéressent à la personne’’, clame M. J. Akbar.

Démocratie et terrorisme

Après l’éradication de la faim et la lutte pour la prospérité, A. J. Akbar estime que la démocratie et son challenge par le terrorisme sont les plus grandes questions de l’heure. ‘‘La démocratie a été le défi le plus durable de tous les systèmes politiques auxquels on s’est essayé. Je suis heureux de constater que l’Inde et le Sénégal ont des exemples du pouvoir de la démocratie qui est l’égalité dans la foi contre la dictature de la foi. Des droits égaux conférés par les habitudes sociales et non pas forcément par la législation. Je suis fier que l’Inde ne compte que 14 ou 15 % de musulmans, mais où chaque matin ils s’adonnent librement à leurs cultes depuis 1 400 ans. Je n’ai pas été frappé par le fait qu’un chrétien, Léopold Senghor, ait dirigé le Sénégal, un pays majoritairement musulman. Ce qui est remarquable, c’est que les gens d’ici ne trouvent à ce fait rien d’inhabituel’’, a déclaré le ministre indien.

Par ailleurs, il s’est prononcé sur le nouveau mal qui frappe le monde, c’est-à-dire l’extrémisme violent. ‘‘La menace la plus prégnante à laquelle le monde fait face, est le terrorisme. Elle n’épargne aucune frontière. Si l’on pense être à l’abri, on se trompe. La question que l’on pose est de savoir si les terroristes s’adonnent à ces actes par pur plaisir ou si une logique politique guide leurs actes. La réponse est qu’ils ont des objectifs politiques. Le premier est qu’ils sont des nihilistes de la nation. Le second est qu’ils utilisent la peur et la violence pour déstabiliser l’harmonie entre peuples et nations, pour établir des cloisons de suspicion et affaiblir nos systèmes de valeur’’, déclare-t-il.

Reconfiguration carte Afrique

L’exposé de ce ministre, par ailleurs porte-parole du BJP, parti au pouvoir  en Inde, concernait aussi la longue traversée du désert colonial, que son pays et l’Afrique ont en commun. Le chef de la diplomatie d’affirmer que ce n’est pas la force de l’Occident qui a été déterminante, mais la faiblesse des pays colonisés. ‘‘Les colons ont fait ce que n’importe qui d’autre aurait fait. Si l’on passe le reste de notre temps à critiquer l’Europe, nous aurons gaspillé nos vies. Elle n’est pas à blâmer, elle a juste fait ce que font les puissants. Nous sommes les propres responsables, à moins que l’on ne le comprenne pas, nous ne serons pas capables de nous accaparer le XXIe siècle de la manière dont l’Europe se l’est approprié’’.

Depuis les premières actions entreprises par les têtes de l’Exécutif indien et sénégalais, Jawaharlal Nehru et Léopold Sedar Senghor, dans les années 1960 pour le mouvement des non-alignés et du Tiers-monde,  le feu semble s’être éteint. M. J. Akbar de s’interroger sur certaines incohérences géographiques issues de la colonisation, que les dirigeants du continent noir laissent perdurer. ‘‘Je me suis souvent demandé pourquoi les Africains ne se mettaient pas ensemble pour relever le défi de reconfigurer la carte. L’un des plus grands torts faits à l’Afrique, est le découpage de sa carte qui, en fait, réduit ses marges de manœuvre. Pas géographiquement, mais réduit l’identité de l’Afrique. La carte, dans sa forme actuelle, est la concrétisation de vos principaux désaccords’’.  

OUSMANE LAYE DIOP

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