Publié le 13 Feb 2020 - 19:46
VISITE OFFICIELLE PREMIER MINISTRE CANADA

Macky, sans concession sur l’homosexualité

 

Déclarée ‘’Année du Canada au Sénégal’’ par le président de la République Macky Sall, 2020 ne sera pas pour autant l’année des communautés LGBTI, dont le Premier ministre canadien est un des plus fervents défenseurs.

 

Tout se passait si bien, à la salle des banquets du palais de la République. De part et d’autre, entre le président de la République du Sénégal Macky Sall, et son hôte du jour, le Premier ministre canadien Justin Trudeau, l’on semblait être d’accord sur tous les sujets. Ou presque. Jusqu’au moment où arriva la question qui fâche que les deux parties avaient royalement ignorée dans leurs discours liminaires : les droits des homosexuels. La gêne se substitue alors aux airs décontractés chez les officiels sénégalais. L’atmosphère devenue, d’un coup, on ne peut plus lourde.

Mais contrairement à ses ministres, le président Macky Sall, lui, est resté droit dans ses bottes. Envoyant même, parfois, un rire presque narquois. D’abord, c’est le Premier ministre canadien, grand défenseur des gays, qui se lance le premier. Il confie, d’emblée, avoir ‘’abordé brièvement’’ la question avec son homologue. Comme à son habitude, rappelle-t-il, ‘’je porte ces questions partout où je vais. Et le président Macky Sall connait mes perspectives là-dessus. On en a parlé brièvement. On est en train de regarder à quel point le Sénégal est un leader en matière de démocratie. En termes de valeurs, on a tous du travail à faire dans ce domaine, mais on a de bonnes discussions là-dessus’’.

Puis vient le moment tant attendu par la presse, les journalistes sénégalais en particulier. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’autant Trudeau porte la défense des LGBTI, autant le président de la République du Sénégal porte sa réponse habituelle sur le sujet. Depuis Barack Obama, qui a été le premier à poser ce débat publiquement en terre sénégalaise, Macky Sall ne semble bouger d’un iota. Avec fermeté, il porte la réplique : ‘’Je respecte son choix d’être défenseur des droits. Je n’en suis pas moins un d’ailleurs. Seulement, les lois de notre pays obéissent à des réalités qui sont le condensé de nos valeurs culturelles. Elles sont le reflet de notre vision, de notre manière de vivre et d’être. Et ces lois interdisent l’exhibition, les relations contre-nature. Cela n’a rien à voir avec l’homophobie.’’

Il n’empêche, à en croire le chef de l’Etat, qu’il est très clair que le Sénégal est un Etat de droit. Un pays qui respecte les Droits de l’homme. Dans la même veine, il a tenu à souligner que, malgré ces interdictions, ceux qui ont une orientation sexuelle de leur choix ne font pas l’objet d’exclusion. Mais, s’empresse-t-il de préciser : ‘’On ne peut pas dire au Sénégal qu’il faut, demain, légaliser l’homosexualité ; que demain c’est la Gay Pride… Ce n’est pas possible. Notre société ne l’accepte pas. Mais la société, elle, évolue. Cela prendra le temps qu’il faudra.’’

Très en verve, le président de la République de faire savoir à son hôte que même dans les pays du Nord, le débat n’est pas totalement épuisé. ‘’Je pense qu’on ne peut pas avoir une vision globale du monde où tout le monde fait la même chose, pense de la même manière. Ce n’est pas possible. Nous sommes à l’aise avec nos lois’’.

A un autre journaliste étranger qui, de façon intempestive, a voulu savoir ce que le président Sall entend par différence entre homophobie et ce qui se passe au Sénégal, Macky Sall a répondu ceci : ‘’Eh bien, je vais vous expliquer après c’est quoi la différence’’, dit-il, tournant brusquement le dos à la salle, mettant ainsi purement et simplement fin à la conférence.

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CONSEIL DE SECURITE

Le Sénégal soutient la candidature du Canada

Si la visite de Justin Trudeau n’était que motivée par cette question des LGBTI, elle s’est alors traduite par un échec lamentable. Mais, hier, le Premier ministre semblait avoir des préoccupations beaucoup plus pressantes. C’est, par exemple, la défense de sa candidature au Conseil de sécurité comme membre non permanent. Et sur ce point, le Canada peut bien compter sur le Sénégal.

‘’On a besoin de la voix du Canada au Conseil de sécurité. La voix du Canada est une voix qui doit résonner et qui, je l’espère, va résonner. Il a tout notre soutien dans cette élection. De toute façon, le Canada est une grande diplomatie et il n’est pas du tout difficile de plaider en sa faveur. Nous allons le faire par la sensibilisation de nos amis’’.

Ravi du soutien de son homologue, Trudeau dévoile, à partir de Dakar, ses objectifs au sein de l’instance décisionnelle des Nations Unies. Pour lui, le Canada a déjà montré son engagement dans le multilatéralisme. Selon lui, des institutions comme l’ONU sont essentielles pour pouvoir établir des solutions dans lesquelles tous sont impliqués, pour avoir les bonnes réponses. ‘’’Avoir ce siège nous permettra de continuer et d’approfondir le travail qu’on est en train de faire’’.

En ce qui concerne la question sécuritaire, surtout dans le Sahel et en Afrique, le Premier ministre canadien estime que la lutte doit porter sur plusieurs volets. ‘’Par exemple, il faut renforcer les forces armées… Mais quand on veut parler de la sécurité dans la région, il faut savoir que la radicalisation des jeunes est surtout liée au manque d’opportunités, d’emplois, d’avenir. Il faut essayer de leur redonner de l’espoir. Il faut inscrire ces enjeux-là au niveau des instances internationales’’. 

Echanges commerciaux et formation

Par ailleurs, Macky Sall comme Trudeau, après avoir magnifié la coopération, notamment dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’environnement… ont jugé nécessaire de booster les échanges commerciaux entre les deux pays. ‘’Ensemble, nous convenons que nous pouvons faire mieux. Et nous allons faire mieux, surtout dans le domaine des échanges commerciaux et de l’investissement. A ce sujet, j’ai fait part au Premier ministre Trudeau que nous sommes disposés à poursuivre, avec nos amis canadiens, tous les efforts nécessaires pour approfondir nos relatons et élargir notre partenariat, dans le cadre de la phase 2 du PSE qui fait appel plus au secteur privé’’.

Macky Sall appelle ainsi de ses vœux une présence plus forte des entreprises canadiennes dans des secteurs comme l’agriculture, l’économie verte, le pétrole et le gaz… ‘’Nous avons, dit-il, besoin de renforcer les capacités dans ces secteurs. Et le Premier ministre ainsi que son gouvernement sont disposés à accueillir des cadres sénégalais pour leur donner davantage de formations’’.

Evasion fiscale

Déjà, les entreprises canadiennes sont bien présentes au Sénégal, surtout dans le secteur minier. Et dans ce milieu, elles sont surtout connues pour des méthodes peu orthodoxes qui leur permettent de payer le moins d’impôt possible au Sénégal. Le modus operandi était, durant des années, de domicilier leurs sièges dans des paradis fiscaux comme l’île Maurice pour bénéficier de la Convention de non double imposition entre le Sénégal et ce dernier pays.

Récemment, le gouvernement, qui a constaté la perte de plus de 100 milliards de francs CFA à cause de cette convention, l’a tout bonnement dénoncé. Et depuis le 1er janvier dernier, cette convention n’existe plus, en principe. La question n’a, toutefois, pas été abordée au cours des échanges entre les deux chefs de gouvernement. C’est dans ce sens qu’il faudrait, d’ailleurs, inscrire le fait que 2020 soit déclarée ‘’Année du Canada au Sénégal’’.

Dans l’agenda du président canadien, la promotion des femmes et des jeunes occupe aussi une bonne place. A cet effet, Trudeau a réaffirmé son engagement et annoncé une rencontre avec les étudiants de l’Ucad et des femmes qui participent aux missions de maintien de la paix, aujourd’hui. ‘’On doit arrêter, insiste-t-il, de demander l’inclusion des femmes et des filles. La question doit plutôt être comment on peut continuer de tolérer leur exclusion. Nous connaissons les faits ; nous avons vu les données ; nous constatons les résultats positifs. Augmenter la participation des femmes dans tous les domaines mène à de meilleurs résultats, pas juste pour les femmes, mais pour nos entreprises, nos communautés et notre économie’’’.

Revenant sur la question de l’éducation et l’accès des étudiants sénégalais au Canada, Justin Trudeau renseigne que son pays s’oriente de plus en plus vers les sciences, la technologie, l’ingénierie et les mathématiques. ‘’Nous sommes en train de travailler pour créer plus d’ambitions par rapport à l’éducation et par rapport aux étudiants qui viennent du Sénégal. L’année passée, on a augmenté de 20 % le nombre d’étudiants en provenance du Sénégal. Et on a mis sur pied un programme accéléré pour permettre un accès plus facile aux étudiants du Sénégal. Le Sénégal est, d’ailleurs, le seul pays à en avoir accès, avec le Maroc’’, s’est-il réjoui.

MOR AMAR

 

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