Publié le 12 Dec 2017 - 19:20
VOL DE NUIT A AIBD

Le syndrome de Senghor guette Blaise

 

Moins d’une semaine après son inauguration, l’aéroport international Blaise Diagne de Diass (Aibd) est en pleine expérimentation du concept anglais de ‘‘Growing Pains’’ : les difficultés qu’on traverse dans les premières étapes de la croissance.

 

Près d’une heure de  route de Dakar vers Diass avant qu’un carré lumineux éclaire au loin ce qui fait la fierté du transport aérien sénégalais depuis jeudi dernier : l’aéroport international Blaise Diagne (Aibd). Pour voir les panneaux publicitaires sur les poteaux électriques bleus de l’opérateur téléphonique Tigo souhaiter la bienvenue aux voyageurs. Mais ils ne sont pas les seuls. A peine sortis de voiture, les passagers sont pris à part discrètement et furtivement par des gens qui proposent tous types de services. Syndrome de l’aéroport international Léopold Sédar Senghor (Ailss) de Yoff ? Peut-être un peu trop prématuré de répondre par l’affirmative. Mais Aibd intègre déjà les germes d’une future activité informelle qui a été la marque de fabrique de l’aéroport yoffois.

 En voyant nos bagages, une dame nous aborde, les mains pleines de cadenas, proposant sa marchandise pour sécuriser les fermetures de valises. Sans insistance toutefois devant la vigilance de gendarmes qui veillent au grain devant la porte ‘‘Départs’’. D’autres jeunes gens sont assis sur la rambarde métallique, chuchotant à un des leurs de se lever et d’aller vers les groupes de gens qui entraient dans l’aéroport. Un manège qui se poursuit jusqu’à l’intérieur du terminal.

‘‘On n’a même pas inauguré l’aéroport qu’ils le prennent d’assaut. Si on les laisse comme cela, ils vont nuire à l’image de cet aéroport comme ils l’ont fait à Yoff’’, rouspète un homme en costume gris qui pousse son chariot surchargé de valises tant bien que mal. Détenant un passeport français, son accent et les quelques bribes de wolof trahissent ses origines sénégalaises. Une complainte vite réglée. Un de ceux qui se font passer pour des cambistes, est pris au collet et chassé sans ménagement du terminal par un gendarme que l’étonnement des passagers devant la scène a visiblement dissuadé d’aller plus loin dans la punition.  Dans tout l’aéroport, les pandores effectuent des rondes avec leur chasuble fluo pour combattre les prémices d’une ‘‘informalisation’’ de l’aéroport. Mais devant la vigilance des hommes en bleu, qui les chassent dès qu’ils les voient, les cambistes ont trouvé un subterfuge qui consiste à se déguiser en voyageur et  se confondre à eux pour leur proposer discrètement le change. ‘‘Ils se fatiguent pour rien, ils ne pourront pas nous empêcher de mener notre activité sur le lieu’’, se convainc un jeune homme qui dit être originaire de Mbour et avait auparavant la même activité qu’à l’aéroport Léopold Sedar Senghor.

Près d’une heure entre l’embarquement et le décollage

Aibd est en pleine expérimentation du concept anglais de ‘‘Growing Pains’’ : les difficultés qu’il traverse dans les premières étapes de la croissance. Les prestations seront-elles moins contraignantes, plus fluides, le temps que les gens s’habituent ? S’enregistrer pour son vol, samedi 9 décembre 2017, requérait une bonne dose de patience pour ne pas céder à la frustration. Le contrôle de sécurité des bagages a pris un temps fou devant une affluence qui ne cessait d’augmenter au fur et à mesure que la priorité était accordée à certains retardataires qui risquaient de rater leur vol. ‘‘Ils n’avaient qu’à ouvrir un autre passage’’, se généralise la grogne d’une foule qui presse vers le portail sans qu’une queue ne soit véritablement formée.

En effet, sur le parcours marbré du sol de l’aéroport, tout indique que l’activité peut connaitre une intensité plus dense et néanmoins mieux coordonnée, puisque les autres portails étaient fermés on ne sait pour quelle raison. Les guichets des autres compagnies pour les tickets avaient également fermé boutique. Ceux de Sénégal Air bien visibles et bien placés, de Royal Air Maroc et d’Iberia étaient éclipsés par les enseignes d’Air France qui fonctionnaient.

L’enregistrement n’a pas été la seule partie à désagréments du voyage. Pour le décollage du Boeing 777-300 Er d’Air France, prévu à 23 h 10 vers l’aéroport Roissy-Charles de Gaulle, l’attente a été un supplice pour les passagers. Une cinquantaine de minutes après l’embarquement, ils ont entendu la voix du commandant de bord grésiller dans la sonorisation de l’appareil. ‘’Nous attendons toujours que le plein de carburant soit effectif pour pouvoir décoller. Merci de votre compréhension’’, lança-t-il provoquant un concert de soupirs de résignation. Le vol lui-même a été retardé de son lieu de provenance, Paris, à cause d’un mouvement d’humeur des travailleurs, a fait savoir le pilote. Une attente qui a pris fin une dizaine de minutes après l’annonce, quand les réacteurs de l’appareil déclenchèrent un ouf de soulagement dans l’avion.

Mais désormais, il n’y a plus d’aérobus qui fait parcourir le tarmac pour amener à la passerelle, mais  l’accostage de l’appareil à la passerelle d’embarquement, à l’image de ce qui se fait dans tous les grands aéroports. Les passagers passent de la salle d’embarquement au tunnel menant à l’appareil sans voir au dehors. ‘‘Ce n’est pas Barajas (Madrid) ou Orly (Paris), mais il y a de quoi être fier’’, se vante un homme d’un âge avancé. Sous les approbations complices de sa femme.   

OUSMANE LAYE DIOP (STUTTGART)

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