Publié le 6 Aug 2019 - 00:04
VOL PERSISTANT DU BETAIL

Séwékhaye, terre bénie des voleurs de moutons

 

Pendant les opérations Tabaski, les vendeurs de moutons installés au foirail de Séwékhaye, dans la commune de Ngoundiane (Thiès), sont souvent confrontés à une équation à plusieurs inconnues. En plus des sommes qu’ils déboursent pour acheter l’aliment de bétail de façon continue, les éleveurs se heurtent, toutes les nuits, aux voleurs qui y sèment la pagaille.

 

Occupant une superficie de plus 10 hectares, le foirail de Séwékhaye, l’un des plus grands points de vente du département de Thiès, accueille, en cette période d’avant-Tabaski, plus de 20 mille têtes de moutons. Sur place, des tentes y sont bien aménagées. Elles servent d’enclos en même temps. En cette veille de la fête du sacrifice, ce point de vente est fréquenté par des personnes venues d’horizons divers. Des éleveurs et vendeurs en provenance de la Mauritanie et du Mali sont légion, en plus de leurs pairs des villages environnants de la commune dirigée par le maire Mbaye Ndione. Des vigiles aussi sont sur place pour veiller à la sécurité. Ils épaulent les forces de défense et de sécurité qui, parfois, sont en nombre très limité.

Dans ce foirail, on trouve ceux et celles qui opèrent légalement en pleine journée : restauratrices, vendeuses de cacahuètes, d’eau, de beignets, de mangues, etc. Une autre activité moins recommandable y a également cours et survient généralement au beau milieu de la nuit : le vol de bétail.

Véritables maîtres des lieux dans la pénombre, les voleurs de moutons hantent gravement le sommeil des vendeurs et des éleveurs. Si l’on croit les confidences des vendeurs de moutons installés dans ce foirail, les malfaiteurs ont commencé à leur dicter leur loi depuis le début des opérations Tabaski dans la zone.

Baya Diop estime que c’est l’insécurité qui est la source de ces nombreux cas de vol. Pour cet habitant de Séwékhaye, ces dérobeurs ne font que leur causer d’énormes manques à gagner.

 ‘’Chaque année, à l’approche de la fête de Tabaski, nous sommes confrontés au problème du vol de bétail. Cette fois-ci encore, nous vivons la même situation. Au point de vente de Séwékhaye, il ne se passe pas un seul jour sans que l’on nous signale des cas de vol. Pourtant, les vendeurs font tout leur possible pour surveiller leurs bêtes. Ils sont aidés par les forces de défense et de sécurité. Mais les voleurs, comme ils savent bien le faire, parviennent à s’emparer des moutons d’autrui. Pourtant, la zone est plus ou moins bien éclairée pendant la nuit. Par contre, nous avons affaire à des professionnels qualifiés et très bien formés même. Ils nous volent à tout moment’’, déplore Baya Diop.

Face à l’ampleur d’un tel phénomène, l’on se demande légitimement si les forces de défense et de sécurité jouent bien leur rôle de protection des personnes et de leurs biens. Sécurisent-elles, comme il se doit, toute la zone de vente pour empêcher les voleurs de commettre leur forfait ? Baya Diop répond par l’affirmative. ‘’Les forces de défense et de sécurité abattent un travail extraordinaire. Elles font le maximum pour les en empêcher’’, affirme M. Diop.

‘’Tabasser le voleur avant la prison’’

Le vrai problème tiendrait, selon les vendeurs, à un dilemme légal. Parfois, les voleurs sont identifiés, connus de tous et sont la plupart du temps pris la main dans le sac. Mais les vendeurs ne disposent pas de prérogatives leur permettant d’appliquer leurs propres châtiments. Selon Baya Diop, il faut appliquer des sanctions trop sévères à l’endroit de ces indélicats qui, selon lui, ont une seule préoccupation : nuire et faire mal aux vendeurs pendant cette période de Tabaski.

‘’Je pense qu’on doit corser les sanctions et redéfinir les limites des forces de défense et de sécurité. On ne doit pas laisser ces gens-là continuer à faire du mal aux éleveurs et vendeurs de moutons de Séwékhaye. Trop, c’est trop. Voler sans être inquiété doit cesser dans ce pays. On est vraiment fatigué’’, préconise et se lamente Baya Diop, précisant que ces voleurs sont très souvent des rabatteurs qui agissent en nombre illimité et avec intelligence.

Leur stratégie est très bien étudiée et planifiée. Pendant que les uns font semblant de marchander, les autres en profitent pour subtiliser des moutons aux vendeurs. De leur côté, Ousmane Sow et Mamadou Kâ, tous les deux vendeurs au foirail de Séwékhaye, pensent que ‘’ces voleurs de grand chemin qui n’attendent que les occasions de ce genre pour surprendre tout le monde et partir avec les moutons, doivent être mis en hors d’état de nuire’’.

Aussi, demandent-ils aux forces de défense et de sécurité de leur donner l’occasion de les corriger. ‘’On les connait parce qu’on les attrape parfois la main dans le sac. Mais avant de leur donner une sévère correction, les gendarmes surgissent et nous demandent d’arrêter et qu’ils vont être jugés conformément à la loi. Quelques mois après, tu les verras vaquer librement à leurs occupations. C’est là que ça fait mal’’, regrette Mamadou Kâ, soulignant que le voleur, quand on l’attrape, il faut le tabasser d’abord avant qu’il n’aille répondre de ses actes devant un tribunal quelconque.

Ministre Samba N. Kâ : ‘’Il faut une sécurité totale au niveau des points de vente’’

A moins d’une semaine de la fête de Tabaski, l’approvisionnement en moutons continue de fort belle manière dans le département de Thiès. A la date d’avant-hier, 23 000 têtes ont été enregistrées dans le périmètre départemental qui alimente la quasi-totalité des autres villes de la région. Seulement, il faut penser à comment sécuriser toutes les zones de vente, pour empêcher les voleurs de s’emparer d’une seule bête. Le ministre de l’Elevage et des Productions animales, qui a effectué une tournée d’évaluation et de constat aux foirails de Séwékhaye et de Touba Toul, estime qu’il faut renforcer la sécurité afin de mettre fin à l’épineuse problématique du vol de bétail.

‘’L’approvisionnement se déroule très bien, ici. Cette année, on va permettre à tout citoyen de pouvoir disposer de son mouton à un prix abordable. Il y aura suffisamment de moutons pour tous. C’est pourquoi je demande à tous, au gouverneur ici présent et aux forces de défense et de sécurité, de travailler davantage à mettre fin à l’insécurité. A Touba Toul, aucun cas de vol n’a été signalé. Mais il faut une sécurité totale au niveau de tous les points de vente. Il faut aussi mettre fin au problème des rabatteurs’’, recommande Samba Ndiobène Kâ.

Le successeur d’Aminata Mbengue Ndiaye a également mis à profit la tournée qui entre uniquement dans le cadre de la fête du mouton, pour rappeler aux éleveurs les dispositions prises cette année par le président de la République, Macky Sall, pour alléger leurs charges. Il s’agit, précise-t-il, de la somme d’un milliard 200 millions de francs Cfa uniquement débloquée pour les accompagner dans l’acquisition d’aliment de bétail. Aussi, rappelle-t-il aux éleveurs de Touba Toul que, cette année, ce sont 30 tonnes d’aliment qui leur ont été octroyées en lieu et place des 10 t de l’année écoulée.

GAUSTIN DIATTA (THIES)

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