Publié le 3 Aug 2013 - 15:20
ZAHRA IYANE THIAM, CONSEILLER SPECIAL DU PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

«Il faudrait que les élections locales se tiennent à date échue»

 

Alors que l’on soupçonne le gouvernement de vouloir reporter les élections locales de 2014, Zahra Iyane Thiam, conseiller spécial du président de la République, Macky Sall, exige le respect du calendrier électoral. Dans cet entretien accordé à EnQuête, le leader de l’une des tendances d’UDS-I est aussi revenu sur son différend avec Adji Mergane Kanouté

 

Votre parti UDS-I traverse une crise depuis quelque temps. Votre camarade Adji Mergane Kanouté et vous revendiquez, chacune, le secrétariat du parti.  Pouvez-vous nous expliquer ce qui s’est passé réellement passé ?

Nous n’avons pas de crise au niveau de l’UDS/Innovation, ce n’est pas entre des personnes. Le parti a exclu de façon réglementaire deux de ses membres parce que justement ils ont posé des actes qui ont contribué à ternir l’image du parti.

 

Quels sont ces actes ?

Je pense que ça tout le monde l’a suivi à travers la presse. D‘aucun ont pu jouer la carte de la manipulation, du dénigrement et des allégations, chacun est libre d’utiliser la stratégie qu’il veut. Mais, à notre niveau, c’est une page tournée. Cela n’empêche pas d’éclairer la lanterne de vos lecteurs. Je rappelle que le parti fonctionne sur des bases claires, que le parti a un secrétaire général que je suis. Nous n’avons pas de crise, il n’y a pas de bicéphalisme ni de contestation. Nous avons exclu deux membres de façon régulière. Le parti suit son cours, nous menons nos activités. Depuis 2007, les instances du parti se sont réunies régulièrement, le secrétariat exécutif du parti se réunit chaque samedi. Notre récépissé, nous l’avons eu en 2008, les seules périodes ou le secrétariat ne se réunit pas, c’est durant la période de Ramadan que nous considérons comme notre période sabbatique. On permet aux militants de souffler un peu. C’est pourquoi durant cette période-là on ne nous entend pas beaucoup. D’ailleurs l’argument selon lequel j’ai fais un abandon de poste est d’autant plus fallacieux que la presse a relaté à chaque fois nos interventions, les sorties que nous faisons au niveau des régions etc. Donc vraiment c’est un parti qui fonctionne à merveille, c’est un parti qui a tenu le 25 mai dernier son secrétariat national au cours duquel la décision d’exclusion a était prise. Mais egalement le fait d’aller seul aux élections locales. Les instances en ont décidé ainsi.

 

Comment vous allez vous y prendre ?

 

Quand bien même ce sont des élections locales, il n’est pas exclu que les responsables au niveau local, s’ils le jugent nécessaire, puissent voir  comment aller vers ces locales. Cela veut dire qu’on n’exclut pas d’aller en alliances. Puisque pour nous le développement ne peut se faire qu’à la base, il faudrait nécessairement que les gens puissent au niveau de la base se prévaloir ou se doter de toutes les compétences pour y arriver. C’est pourquoi nous disons que la société civile, l’initiative ‘’Cila bokk’’ a parfaitement raison de réclamer sa participation aux élections locales. C’est un débat qui ne devrait pas se poser, puisqu’il y a des voies et moyens qui peuvent leur permettre de participer à ces élections-là. Mais nous trouvons aujourd’hui que la crise qui sévit au niveau mondial nécessite qu’un pays comme le Sénégal, qui n’a pas assez de ressources naturelles et qui vit de taxes et d’impôts, puisse prendre en charge sa première ressource aujourd’hui qui est sa population. La première ressource du Sénégal devrait être sa population au-delà des autres ressources que nous avons ici et là. Pour réussir effectivement à mettre en œuvre les politiques publiques qui pourraient nous permettre d’arriver à l’émergence, il faudrait prendre en disposition toutes les compétences que nous avons. Que ça soit au niveau des structures politiques ou au niveau de la société civile. Le protocole de la CEDEAO indique clairement qu’il est injuste de priver de façon discriminatoire des personnes qui jouissent de tous leurs droits civiques et politiques, les empêcher de pouvoir participer à des élections. Ce qui nous amène à dire qu’il faudrait que les élections locales se tiennent à date échue.

 

Mais au rythme où vont les choses, est-ce que les élections ne risquent pas d’être reportées ? 

On ne devrait pas subir des positions strictement personnelles, vouloir renvoyer ces élections locales. Et je pense que les réformes autour de l’acte 3 de la décentralisation en particulier ne pourraient pas justifier un report des élections, dans la mesure où on devrait donner d’abord le temps nécessaire pour mener toutes les réflexions idoines sur l’acte 3 de la décentralisation. Rappelez-vous lors de l’acte 2 de la décentralisation, il y a eu beaucoup de résolutions qui n’ont pas été mises en œuvre. Donc il faudra non seulement réfléchir de manière profonde à ces questions. Mais également se donner le temps nécessaire de mener à bien des réformes. On a vu en 2000 lorsque le président Abdoulaye Wade est arrivé au pouvoir, d’aucuns se sont félicités du fait qu’il ait pu proposer une Constitution qui a été plébiscitée en 2001. Le délai était relativement court mais c’est cette Constitution qui nous a valu 10 années de perturbation. Maintenant, si également nous voulons arriver à solutionner les problèmes que nous vivons actuellement, il faut qu’on sorte de cette campagne perpétuelle. Pour toutes ces questions-là nous pensons qu’il faut organiser les élections locales à date échue.

 

Vous avez servi une sommation interpellative à Adji Mergane Kanouté, pensez-vous que cela va aboutir ?

 

C’est une affaire qui suit son cours. Donc, je ne reviens pas sur ces questions-là. Ce qui est sûr c’est qu’on a jamais voulu nous prononcer sur ces allégations-là. Mais on a dit à travers la presse qu’on nous avait destituée. Or, les statuts du parti sont disponibles. Il y a également des PV de réunion qu’on pourrait montrer qui ne dateraient pas de six mois mais de plusieurs années. Pour dire que nous savons exactement ce que nous faisons et nous sommes assez responsables pour ne pas tenir certains propos.

 

La coalition Macky2012 dont vous êtes membre a réclamé son quota dans le gouvernement. Pensez-vous qu’on doit gérer un Etat en termes de quotas ?

 

Vous savez, la position de Macky2012 est une position qui est délicate, dans la mesure où c’est elle qui a porté le chef de l’Etat au premier tour. Vous irez au conseil constitutionnel, vous verrez Macky2012 vous ne verrez pas une autre coalition, c’est la coalition Macky2012 qui a porté la candidature du chef de l’Etat au premier tour. Il n’y aurait pas eu de deuxième tour s’il n’y avait pas eu de premier tour. Maintenant que cette coalition s’estime lésée par rapport à ce qui est en train de se faire, je pense que ce sera au président de la République d’apprécier. Parce que, quoi qu’on puisse dire, c’est sa coalition. Si aujourd’hui il assiste à une dislocation de sa coalition- il y a plusieurs forces qui sont dispersées un peu partout - je pense qu’il en assurera la pleine mesure des conséquences.

 

Le président Macky Sall a récemment déclaré qu’il ne peut résoudre le chômage des jeunes. Faut-il s’en inquiéter ?

Je ne me souviens pas avoir entendu cette déclaration. Ce que j’ai entendu (du président de la République) c’est : «l’Etat ne peut recruter tout le monde dans la fonction publique tous les demandeurs d’emploi et qu’il fallait trouver d’autres créneaux». Il ne faut pas réagir en termes de : «Le président a promis dans son programme Yoonu Yokkute 500.000 emplois durant son mandat». L’important, c’est qu’il puisse mettre les conditions d’emploi, que ce soit au niveau de la fonction publique que dans l’initiative individuelle.

 

Mais 100 000 emplois par an, cela vous semble-t-il réalisable ?

Je peux dire que 100.000 emplois, c’est dérisoire. On peut même promettre 1 million d’emplois. Ce n’est pas ça le problème. Il faut que l’initiative personnelle soit encouragée. C’est là où le FONGIP ou le FONGIS trouvent toute leur pertinence. Ils consistent à booster le projet individuel à travers un PME ou PMI. A ce titre, l’agriculture peut être un secteur pourvoyeur d’emplois. Il faut qu’on puisse avoir des agriculteurs businessmen. Vous  allez aux Etats Unis, vous avez de richissimes producteurs. Pourquoi on ne pas arriver à cela ? Il faut également adapter la formation au marché du travail pour que les demandeurs d’emploi soient opérationnels.

 

Comment appréciez-vous la place des femmes dans le gouvernement ?

C’est une place raisonnable, mais elle devrait davantage être consolidée non pas par la loi sur la parité, ou par des systèmes de quotas, mais par les femmes elles-mêmes. Il faut qu’elles aillent au front. C’est pourquoi, nous disons qu’il faut que nous ayons le maximum de femmes au niveau des collectivités pour les élections locales. On se battra pour qu’on ait le maximum de femmes tête de liste. D’ailleurs, nous saluons la nomination de Nafi Ngom Keïta et du commissaire Anna (Sémou Diouf) que nous connaissons bien pour avoir dirigé d’une main de maitre le commissariat de Dieupeul. Que l’on soit homme ou femme, il faut savoir jouer sa partition.

 

 

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