Publié le 31 Aug 2018 - 18:29
RISQUES PÉTROLIERS ET GAZIERS

Les assureurs sénégalais se positionnent

 

Pour ne pas voir la manne financière issue des risques liés à l’exploitation du pétrole leur filer sous le nez, les sociétés d’assurances au Sénégal ont décidé de se regrouper en pool. L’acte de naissance de la structure a été signé hier.

 

La malédiction du pétrole n’est pas toujours liée à la guerre. Il y a aussi le faible financement des pays producteurs en Afrique. Pour ne pas voir les profits générés par l’activité pétrolière et gazière filer à l’étranger, comme c’est souvent le cas, l’Association des assureurs du Sénégal (Aas) s’emploie à prendre les devants. Hier, une assemblée générale destinée à la création d’un pool de coassurance des risques liés à ce secteur a réuni toute la famille de l’assurance. L’idée d’un regroupement a germé, il y a deux mois, lors d’une rencontre, les 28 et 29 juin. L’acte fondateur portant création du pool a été adopté hier à l’unanimité, d’après Makhtar Faye, Président exécutif de l’Aas. Les acteurs se donnent rendez-vous en fin septembre - au plus tard le 15 octobre - pour valider les propositions du comité technique dirigé par Adama Ndiaye et chargé de définir le statut et les modalités de fonctionnement de la structure. L’objectif de cette organisation est de parler d’un seul nom dans le secteur pétrolier et gazier, afin de proposer une offre globale et unitaire. Les acteurs se félicitent de l’onction de l’Etat qui s’était fait représenter hier par la Direction des assurances.

En fait, le secteur des hydrocarbures a un potentiel assurantiel important. Rien que pour l’année prochaine, le marché sénégalais est estimé à 30, voire 40 milliards de francs Cfa. Le montant pourra augmenter ou baisser en fonction des découvertes, fait remarquer Adama Ndiaye, par ailleurs président de la Fédération des sociétés d'assurances de droit national africaines (Fanaf). Même le potentiel en assurance est difficile à déterminer à ce jour, du fait que les quantités sont pour l’instant estimées. Il n’en demeure pas moins qu’il y a une grande marge de progression, compte tenu du large bassin sédimentaire dont dispose le pays.

A noter déjà que le Sénégal dispose d’un volume de gaz estimé à 450 milliards de mètres cubes, contre 1 milliard 500 millions de barils de pétrole. Il faut donc créer les conditions permettant de capter cette manne financière. Dans ce dessein, il faut, d’une part, mutualiser les forces et faire preuve de solidarité pour avoir une plus grande capacité de frappe, au regard de la dimension des risques. ‘’Le marché sénégalais est émietté, avec des tailles différentes. Il fallait une mise en commun des moyens’’, souligne-t-il. Ainsi, pour éviter que certains ne fassent cavalier seul, il a été retenu que l’adhésion est obligatoire pour toutes les compagnies d’assurances au Sénégal, sous la direction de la Société nationale de réassurance.

Profiter de la mauvaise expérience des autres

D’autre part, ce positionnement permet d’éviter que les multinationales viennent avec les compagnies d’assurances de leur pays d’origine pour tout rafler. ‘’Nous sommes dans un environnement commun. Les mauvaises expériences des uns profitent aux autres. Pendant 30 à 40 ans, en Afrique, le pétrole sortait des terres, transitait pour se retrouver ailleurs. Les retombées étaient minimums’’, note Adama Ndiaye.

Le Sénégal compte ainsi s’inspirer du modèle ghanéen pour éviter les mésaventures. Celui-ci a permis aux acteurs de ce pays d’être mieux organisés et de se donner les moyens de tirer profit de l’activité. Cette forme d’organisation des Ghanéens a d’ailleurs permis, relève M. Ndiaye, de payer, l’année dernière, un sinistre de 300 milliards d’une compagnie pétrolière à Accra. Ce qui est, à ses yeux, une preuve de sa solidité.

Par ailleurs, à ceux qui se demandent si les modestes compagnies d’assurances au Sénégal peuvent supporter les dommages d’une certaine ampleur, le directeur général adjoint (démissionnaire ?) de la Société sénégalaise de réassurance fait remarquer que, l’année dernière, dans la Zone franc, 450 milliards de dommages ont été payés. Un montant qui ne peut se justifier, selon lui, que par la couverture des grands risques. Il s’y ajoute que, précise-t-il, le métier a des techniques de mutualisation et une solidarité à l’échelle mondiale qui permettent de faire face à des questions de ce genre. Selon M. Ndiaye, le partage des risques permet de faire supporter à chacun une partie proportionnelle à ses capacités. En plus, fait-il souligner, le secteur pétrolier et gazier n’est pas nécessairement celui qui présente le plus de risques.

En définitive, les sociétés d’assurances au Sénégal se disent dans les dispositions de relever le défi imposé par la découverte du pétrole et du gaz. Il ne reste qu’à attendre le moment opportun pour juger à partir des résultats sur le terrain.

INITIATIVE UNILATÉRALE D’UNE COMPAGNIE

Le ministère des Finances saisi par l’Aas

Alors que l’idée de la création d’un pool de coassurance des risques pétroliers et gaziers a été retenue parmi les résolutions de la rencontre tenue les 28 et 29 juin, voilà qu’une information fait état d’un risque couvert sur le marché sénégalais et placé à l’étranger. Certains parlent même d’un contrat de 15 milliards.

Interpellé hier sur cette question, Adama Ndiaye de l’Association des assureurs du Sénégal soutient que ça pourrait être l’œuvre d’une société qui a voulu profiter de la zone grise qu’est l’intervalle entre l’idée de la création et sa matérialisation. Mais, dans tous les cas, précise-t-il, les démarches nécessaires ont été faites. ‘’Nous avons adressé des demandes d’information aux autorités de tutelle, le ministère des Finances, et à la Société sénégalaise de réassurance. Nous avons aussi demandé à certaines sociétés si elles disposent de plus d’informations’’, déclare-t-il. Selon lui, en cas d’écart de conduite, le Comité éthique et déontologique sera saisi pour sanction.

BABACAR WILLANE

 

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