Publié le 10 Jul 2019 - 22:53
ONG INTERNATIONALES CONTRE SENEGALAISES

La guerre des civilisations

 

Allons-nous vers une guerre des Ong ? Certains nourrissent les appréhensions, en se basant sur le silence assourdissant des Ong internationales - les bailleurs - et la grande détermination des nationales – les bénéficiaires - à propos de l’affaire Oxfam. Un choc des civilisations que d’autres observateurs minimisent, se fondant sur l’interdépendance entre les uns et les autres.

 

Elle aura bel et bien lieu. La guerre risque même d’être rude et sournoise, selon certains observateurs qui connaissent bien le fonctionnement des Ong. Si, à l’unanimité, ou presque, les organisations sénégalaises ont exprimé leur désapprobation totale face à la volonté affichée d’Oxfam de promouvoir les droits des Lgbti, du côté des grandes associations internationales qui s’activent au Sénégal, le silence est pour le moment très bruissant. Certainement, elles ne manquent pas de suivre avec un grand intérêt le déroulement de ce qu’il est convenu d’appeler l’affaire Oxfam. Et d’après nos sources, il ne faudrait pas s’étonner, demain, qu’il y ait des représailles contre les organisations qui prendraient leur courage à deux mains pour dire publiquement ‘’Non à la promotion de l’homosexualité’’.

Cet ancien cadre d’une grande organisation de la place confirme : ‘’Il n’est pas exclu que, compte tenu de la situation actuelle, qu’ils revoient leur politique par rapport au choix des partenaires. Ils pourraient, par exemple, dire qu’ils privilégient de travailler avec les organisations plus open. Mais le plus grand risque, à mon avis, c’est par rapport à leur politique de recrutement de leur propre personnel.’’

Ainsi donc, si on l’en croit, il pourrait être mis un terme à l’ère des recrutements ouverts, où seules les compétences des postulants étaient prises en compte. La crainte de notre interlocuteur est de voir les organisations internationales privilégier des agents dociles, ‘’pas comme Elimane, par exemple’’, rigole-t-il, pour faire dérouler leur politique.

Selon lui, ce que veulent les grandes Ong et leurs patrons, c’est surtout des serviteurs qui n’oseraient leur apporter aucune contradiction et être des obstacles à leur agenda caché qui n’est pas un agenda à court terme, mais à long terme, dans 5 ans, dans 10 ans.

Mais le mal semble bien plus profond. Conscients que le personnel sénégalais, de façon générale, n’accepte pas certaines choses, ‘’ils peuvent opter pour la désénégalisation du personnel. Ainsi vont-ils embaucher des gens qui viennent d’autres pays pour conduire leur politique comme ils le veulent. Car, sur ce plan, ils savent que les Sénégalais sont un peu carrés’’. Cette source demande, de ce fait, aux autorités d’être un peu plus vigilantes à ce niveau, tout en attirant l’attention sur la faiblesse de la législation. ‘’Le gouvernement, actuellement, ne contrôle rien ou presque. L’Etat doit, en effet, encadrer les politiques de recrutement de ces organisations, en encourageant le recrutement de nationaux’’, tranche ce cadre qui a fait presque toutes les Ong de la place.

Mutisme des grandes organisations internationales

Par ailleurs, nos sources sont unanimes. Cette affaire ne saurait empiéter sur les interventions des grandes Ong internationales au Sénégal. Elles estiment, en effet, que ces organisations ont aussi besoin du Sénégal qui est un pays stable et accueillant. Elles expliquent : ‘’Ça leur permet de dérouler et d’absorber leur budget. C’est plutôt au gouvernement de faire plus de contrôle sur ces Ong. En ce moment, le contrôle est très pauvre. C’est presque nul. On vient, on leur présente des plans. Mais le gouvernement n’a même pas les moyens pour vérifier si les plans sont exécutés ou pas.’’

Face au mutisme des grandes organisations internationales, un de nos interlocuteurs renseigne que même si elles ne disent rien, elles sont un peu dans l’embarras. ‘’Elles savent que le peuple sénégalais est intransigeant sur cette question. Alors que toutes, ou la plupart, sont animées par les mêmes principes. Mais elles savent que ni leurs personnels ni les autorités, encore moins les Sénégalais ne vont pas se laisser faire.’’

Toutefois, il souligne la puissance de ces lobbys qui, pense-t-il, vont essayer de revoir leur stratégie pour arriver à leur faim. ‘’Ne croyez pas que seules les Ong sont concernées. Il y a aussi des ambassades qui sont dans la même logique’’.

En ce qui concerne d’éventuelles représailles contre les organisations sénégalaises qui se sont prononcées, un de nos interlocuteurs relativise : ‘’Même si elles le souhaitent, elles auront du mal à le matérialiser.  Parce que ce sont de grandes organisations qui se sont prononcées. En plus, si elles font des représailles, ce sera connu et cela susciterait encore des manifestations.’’

Quant aux organisations partenaires, nos interlocuteurs pensent que tout dépend de leur personnalité. ‘’Je vois mal une Ong sénégalaise qui va accepter de promouvoir ces principes. Il y a certaines Ong, quand vous leur parlez de promotion de la femme, je ne parle même pas des Lgbti, elles disent niet. Nous, c’est la promotion de toutes les couches, sans discrimination. Il faut savoir que c’est une relation ‘win-win’ entre le bailleur et le partenaire. Seuls les responsables qui n’ont pas de personnalité sont prêts à tout accepter’’, informe ce cadre.

Cette affaire, à en croire nos interlocuteurs, aura au moins le mérite de jouer sur la psychologie de ces organisations. ‘’Elles sauront qu’il y a des choses qui ne peuvent prospérer ici’’, a-t-il affirmé.

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PROMOTION DE L’HOMOSEXUALITE

Le Groupe des organisations de la société civile en rempart

Hier, le Groupe des organisations de la société civile, face à la promotion des antivaleurs, porté sur les fonts baptismaux avant-hier, a déchiré, face à la presse, la lettre d’amour de l’Ong britannique Oxfam.

Autant Oxfam s’est voulue ferme dans son communiqué à propos de la question du traitement des droits des homosexuels, autant certaines organisations sénégalaises sont catégoriques pour contrer la volonté de l’Ong.

Au directeur régional d’Oxfam en Afrique de l’Ouest, Adama Coulibaly, qui soutenait qu’il n’a jamais été question de promouvoir l’homosexualité au Sénégal, le Groupe des organisations de la société civile, face à la promotion des antivaleurs, oppose le communiqué officiel de l’organisation qui, à leurs yeux, fait foi.

‘’Nous avons tous vu le communiqué d’Oxfam. A la fin, l’organisation a bien réitéré sa position sur la défense des Lgbti. Cela nous a permis de voir qu’Oxfam se veut ferme sur ses principes. Nous nous fondons sur ces preuves palpables pour constater qu’Oxfam a une politique en faveur de la promotion des Lgbti’’.

Selon l’ancien député Cheikh Omar Sy qui répondait aux questions, l’Etat qui a en charge de règlementer les accords de siège, doit prendre ses responsabilités en faisant savoir à Oxfam et à toutes les organisations ce qu’est les droits humains dans l’entendement des Sénégalais.

‘’La promotion des droits des Lgbti ne fait pas partie des droits humains reconnus au Sénégal. Nous avons des valeurs à défendre et nous les défendrons avec vigueur’’, souligne M. Sy.

Pour ce qui est du problème spécifique opposant Elimane Kane à son employeur, le groupe se veut légaliste et affirme faire confiance au tribunal du travail qui va se charger de l’affaire. A l’en croire, l’objet de leur structure n’est pas de se prononcer sur le contentieux social entre Oxfam et ses cadres. ‘’Nous nous en limitons aux questions de principe, la défense de ce qui fonde notre société, à savoir préserver notre religion, notre foi, notre culture. On compte travailler avec toutes les organisations internationales de la société civile, mais dans les conditions définies par la loi sénégalaise’’.

Selon les intervenants, Elimane Kane lui-même leur aurait signifié, en insistant, qu’il faudrait surtout éviter de mélanger les deux aspects et que lui-même et son conseil vont défendre leurs intérêts auprès du tribunal. Il n’empêche, imam Kanté, membre du groupe, affirme : ‘’Ce qui est clair, c’est que nous serons là pour protéger tous les Sénégalais et toutes les Sénégalaises qui veulent travailler dans des Ong ou institutions internationales et à qui on essaiera d’imposer la promotion des droits supposés des Lgbti. Que ça soit clair, nous serons à côté de tous les Sénégalais qui travaillent avec ces organisations. Ce sont ces Ong qui doivent se conformer à nos lois et non le contraire.’’

Pour la question relative au financement des Ong, le religieux demande au gouvernement d’être plus vigilant.  ‘’Il n’y a pas longtemps, l’Etat avait sévi pour demander des comptes à des organisations qui finançaient  d’autres mouvements et c’était pour des questions politiques. Les questions dont il s’agit ici sont bien plus essentielles. Il faut donc que le gouvernement puisse y veiller et prendre ses responsabilités’’, souligne l’imam de la mosquée du Point E.

PARTICIPATION DES ORGANISATIONS DE DROITS HUMAINS

Raddho et Lsdh partantes, Amnesty, la grande absente

Souvent accusées par l’opinion d’être les principaux défenseurs des droits des homos et autres lobbys occultes, les organisations des Droits de l’homme ne sont pas en reste dans cette polémique soulevée par Oxfam. Tout comme la Ligue sénégalaise des droits humains, la Raddho aussi a signé la déclaration rendue publique, hier, par le Groupe des organisations de la société civile et qui se désolidarise de la position d’Oxfam sur la question des droits des Lgbti.

A ce propos d’ailleurs, le secrétaire exécutif de la Lsdh se veut catégorique. Il décline la position de son organisation : ‘’J’ai eu l’occasion, lors d’un congrès de la Fidh (qui regroupe plus de 200 associations dans le monde) en 2013, de défendre que le Sénégal n’a pas cette culture d’accepter le principe de l’homosexualité. Je leur avais demandé s’il est possible d’envisager en France, par exemple, la polygamie ? Ils ont dit c’est impensable. Pour nous aussi, l’homosexualité est impensable. C’est aussi simple que ça. Nos cultures sont différentes et il faut en être conscient. Cette position, nous l’assumons pleinement.’’

Pour lui, c’est un malheureux amalgame de penser que, quand on parle des Droits de l’homme, les Sénégalais estiment qu’il s’agit aussi de défendre l’homosexualité. ‘’Nous sommes des Sénégalais. Nous sommes nés ici et avons grandi ici. Nous défendons les valeurs sénégalaises. Il est illusoire qu’on puisse copier et coller des valeurs des autres’’, souligne M. Seck.

La Raddho, également, se dit à l’aise sur la question. Sadikh Niasse précise : ‘’On nous fait un mauvais procès. Je pense que c’est parce que certains ne comprennent pas très bien notre action. Là où nous avons des problèmes parfois à nous faire comprendre, c’est que nous sommes contre la discrimination. Nous ne faisons pas la différence entre les personnes, quand il s’agit de défendre une personne dont les droits sont bafoués. Ce qu’il faut en déduire est que nous sommes tous égaux devant la loi. Cela ne veut pas dire que nous défendons l’homosexualité qui n’est pas reconnue au Sénégal.’’

Contrairement à la Raddho et à la Lsdh, parmi les plus grandes organisations de défense des Droits de l’homme, il y a Amnesty Sénégal qui n’a pas voulu souscrire à la déclaration commune des organisations de la société civile. Est-ce parce qu’elle n’a pas été associée ou a-t-elle un point de vue contraire ? Nos tentatives d’avoir la position de Seydi Gassama sont restées vaines.

Pour sa part, Sadikh Niass a également tenu à rappeler un certain nombre de principes sur lesquels ils ne transigent pas : le principe de non-discrimination, le droit à un procès équitable, le respect de la vie privée…

Mor Amar

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