Publié le 1 Oct 2019 - 20:16
MISE EN ŒUVRE DU PSE 2

Amadou Hott prône l’absorption des arriérés à la place de nouveaux projets  

 

Aujourd’hui, la priorité, pour le gouvernement, c’est d’absorber les arriérés au lieu de monter de nouveaux projets et d’engager de nouvelles dépenses. C’est ce qu’a fait savoir, hier, le ministre en charge de l’Economie, du Plan et de la Coopération, Amadou Hott.

 

La Revue annuelle conjointe (Rac) 2019 porte sur l’année 2018, qui marque la fin de la mise en œuvre de la 1re phase du Plan Sénégal émergent (Pse) 2014-2018. Mais aussi le début de celle de la phase 2. Malgré les avancées notables dans la mise en œuvre du Pse et l’édification des bases d’une économie émergente, l’atelier d’hier a été l’occasion, pour les acteurs, de ressortir les ‘’insuffisances et faiblesses’’ avec des directives à fort impact sur le développement socio-économique du pays.

‘’La priorité, aujourd’hui, c’est d’absorber les arriérés au lieu de faire de nouveaux projets. Chaque ministère fera l’arbitrage pour dire quels sont les arriérés dans son secteur avant d’engager de nouvelles dépenses. L’idée, c’est de le faire sur 2020-2021’’, indique Amadou Hott.

Au fait, selon le ministre de l’Economie, du Plan et de la Coopération, le gouvernement a recouru à l’endettement, mais de manière ‘’prudente’’. ‘’Le Sénégal, aujourd’hui, a la capacité de lever beaucoup plus de fonds. Mais, en même temps, il faut qu’on regarde le niveau de soutenabilité de la dette. C’est pourquoi d’ailleurs nous voulons que prochainement, durant la 2e phase, qu’on ne s’endette pas davantage pour faire des investissements, mais surtout qu’on fasse intervenir le secteur privé. Payons les arriérés, faisons plus de partenariats public-privé qui engage le moins possible l’Etat, faisons la promotion du secteur privé, les réformes dans les meilleurs délais’’, insiste le ministre. Avant d’annoncer qu’il y a un paquet de réformes qui va être lancé et ils vont essayer de le faire en mode ‘’fast-track’’.

Toutefois, il admet que pour certaines réformes, il faut des négociations avec tous les partenaires qui leur permettent d’avancer dans la durabilité. ‘’Nous allons préparer une loi sur le développement du secteur privé qui va regarder tous les aspects qui vont permettre le développement effectif du secteur privé dans son ensemble et en particulier des Pme. Nous avons également noté la nécessité de décentraliser les politiques publiques, de faire des projets avec les maires, les collectivités. C’est ce que nous voulons faire au niveau de notre ministère, avec l’Unité de partenariat public-privé (Ppp) que nous avons créée’’, dit-il. Et celle-ci va, d’après M. Hott,  travailler avec les maires qui le souhaitent pour nouer des Ppp au niveau des collectivités. Ceci, pour que la transformation se passe au niveau de ces localités et non au niveau des villes. ‘’Il faut que la transformation se fasse dans les zones de production. Dans le nord et le sud du Sénégal, nous avons des projets de faire des zones de transformation agroalimentaire. Certains bailleurs soutiennent ces projets. L’option, c’est de décentraliser le développement, l’économie, la coopération’’, fait savoir le ministre en charge de l’Economie.

Des résultats jugés faibles dans le secteur de l’éducation

Amadou Hott a aussi relevé, lors de la Rac, que dans le sous-secteur de l’éducation, que malgré les efforts consentis en termes de mobilisation des ressources, les résultats sont ‘’encore faibles’’ en matière d’accès et de qualité. ‘’Des mesures idoines sont à proposer pour l’efficience et l’efficacité des dépenses dans l’éducation et la formation, ainsi que l’amélioration de la réussite des élèves’’, souligne-t-il.

En effet, dans le rapport de la Rac rendu public à cette occasion, il ressort que le taux brut de scolarisation au primaire a connu une légère hausse entre 2017 et 2018. Il est passé de 86 à 86,4 % et reste en retrait par rapport à la cible de 90 %. Pour le cycle moyen, ce taux a connu une légère baisse, passant de 50,1 à 49,5 %, soit un écart de 15 points de pourcentage par rapport à la cible de 60 %. Concernant l’alphabétisation des jeunes et des adultes, le nombre d’apprenants enrôlés dans les modèles alternatifs, dans les écoles communautaires de base, passe de 2 272 à 3 065, entre 2017 et 2018. Mais cela reste en deçà de la cible de 59 065 apprenants.

Le cri du cœur des élus locaux

L’éducation n’a pas été le seul secteur qui nécessite des redressements après l’exécution de la phase 1 du Pse. Au fait, lors de son allocution, le secrétaire général de l’Union des associations des élus locaux du Sénégal (Uael) a fait part des maux qui gangrènent le fonctionnement des collectivités territoriales depuis l’application de l’Acte 3 de la décentralisation en 2013. ‘’Dans la 1re phase, des difficultés et des dysfonctionnements notés tournent autour de trois points : les ressources et les financements des collectivités territoriales qui sont insuffisants, le dialogue territorial n'avance point, l'aménagement et la territorialisation politique publique restent les parents pauvres de toute politique de planification’’, signale Abdou Khadre Ndiaye, par ailleurs Maire de Dagana. D’après lui, ces difficultés sont liées particulièrement aux ressources des collectivités territoriales, en dehors du département qui peine d’ailleurs à avoir une fiscalité propre. ‘’En plus de nos doléances et propositions classiques, la réforme de la patente devenue contribution économique locale, la loi a été votée, le décret d'application a été pris et l'arrêté de répartition a été signé entre les deux ministres en charge des Finances et celui chargé du Développement territorial. Mais cette patente, au niveau du volet ‘Valeur locative’, ne pose aucun problème particulier. Parce que les textes sont limpides et clairs, et même la confusion commune et ville a été levée par ces actes’’, renchérit l’élu local.

Cependant, M. Ndiaye précise qu’il y a un certain nombre de dysfonctionnements et ils avaient proposé, dans les commissions, d'ouvrir un guichet de la stabilisation. Qui, malheureusement, ‘’n'a pas répondu’’ d’un point de vue de la rédaction du décret, à un certain nombre d'exigences permettant de corriger cette stabilisation. Or, il estime que ce souci mérite une correction, surtout une collaboration ‘’très franche’’ entre les élus locaux, la Direction générale des impôts et domaines (Dgid) et le Trésor, et une certaine lisibilité sur les rôles. ‘’Nous constatons, par ailleurs, le refus systématique des opérateurs de téléphonie à payer les taxes dues aux communes, des exonérations et dégrèvements abusifs d'impôts et de taxes destinés aux collectivités territoriales. Ceci sans l'avis des concernés et sans compensation aucune par l'Etat central. Le gel unilatéral de la part des collectivités locales sur les taxes minières non encore reversées depuis plusieurs années est une réalité. Ces difficultés et problèmes sous le chapitre du dialogue territorial est compris dans le sens du dialogue des acteurs de même territoire, mais aussi de différents territoires’’, dénonce le représentant des élus locaux.

A ce propos, les maires sollicitent le gouvernement pour contraindre les opérateurs de téléphonie. ‘’Nous avons essayé par le dialogue, et le 8 octobre prochain, nous avons encore pris l’initiative de rencontrer un des opérateurs pour l’amener à payer enfin les redevances qu’il doit aux collectivités. Nous demandons aussi au gouvernement de procéder à la généralisation effective du budget consolidé d'investissement (Bci), qui a été promis depuis quelques années, de revoir le système de paiement centralisé de la trésorerie. Nous comprenons le souci du gouvernement de maitriser sa trésorerie, avec ses dépenses régaliennes’’, lance le maire de Dagana.

En effet, selon lui, l’Acte 3 de la décentralisation a suscité beaucoup d’espoir, tant au niveau national qu’international. Donc, aucun effort ‘’ne devrait être ménagé’’ pour l’assoir solidement et durablement. ‘’Le plus grand défi sera de réussir la territorialisation des politiques publiques par l’adoption de ruptures et de changement de mentalité qui requièrent une telle orientation au niveau de l’Administration centrale’’, soutient-il.

Les recommandations des partenaires techniques et financiers

Si le maire de Dagana a étalé les doléances de ses collègues, les partenaires techniques et financiers du Sénégal, eux, ont plutôt mis l’accent sur des recommandations. ‘’En ce qui concerne le développement du secteur privé et l’amélioration du climat des affaires, le gouvernement reconnait qu’en plus de l’investissement privé, la relance de l’investissement et surtout des petites et moyennes entreprises (Pme) est nécessaire pour atteindre les objectifs du Pse’’, rapporte l’ambassadrice de l’Union européenne et représentante des partenaires techniques et financiers (Ptf).

A ce propos, Irène Mingasson informe que les partenaires encouragent le gouvernement à poursuivre les réflexions autour de la question du financement des objectifs de développement durable (Odd) par le secteur privé. Et aussi à cibler ses réformes sur les contraintes majeures qui ont été identifiées à cet égard. La première est celle de la fiscalité des entreprises. ‘’Les partenaires aimeraient bien connaître les mesures et plans du gouvernement pour améliorer la fiscalité des entreprises. Et ce, de manière à assoir une concurrence saine entre elles et à s’assurer qu’elles contribuent équitablement à l’effort fiscal, chacune suivant sa situation’’, dit-elle. 

Pour rapport au foncier, la représentante des Ptf admet que le gouvernement a réalisé des progrès remarquables à travers la loi d’orientation sylvo-pastorale et par la mise en place d’une commission nationale de réformes foncières. Cependant, il existe encore un décalage entre le cadre légal et les pratiques en matière foncière. Ce décalage augmente, d’après elle, les ‘’incertitudes’’ sur les affectations de terre et entrave, ce faisant, l’investissement privé. ‘’L’absence d’un outil de gestion du foncier, par exemple le cadastre rural et la difficulté d’assoir les droits réels dans certains cas comme la location, l’héritage, constitue la source de contraintes fortes. Les partenaires aimeraient connaitre les décisions du gouvernement concernant la mise en place d’une politique foncière, à la lumière des conclusions et recommandations du rapport  récent de la Commission nationale des réformes foncières’’, recommande-t-elle.  

Ainsi, les partenaires pensent que le dialogue sectoriel ‘’n’associe pas’’ la prise en charge continue de certaines questions d’ordre structurel. Ce qui pourrait compromettre ou ralentir  la mise en œuvre des réformes et la cohérence des approches. C’est ainsi qu’ils préconisent, entre autres, ‘’d’améliorer’’ le portage institutionnel des réformes et le dispositif de contrôle interne, de ‘’consolider’’ la stabilité macro-économique à travers une gestion prudente. Cela inclue la rationalité des subventions énergétiques et des dépenses fiscales, une mobilisation accrue des recettes fiscales et l’accélération des réformes du système de finance publique par la mise en œuvre des directives de l’Union économique et monétaire ouest-africaine  (Uemoa). ‘’Nous recommandons de prendre davantage en compte les effets désastreux du changement climatique qui menacent les écosystèmes, l’économie, la santé et la sécurité, avec un agenda ambitieux pour la transition énergétique et l’adaptation au changement climatique’’, rapporte Mme Mingasson.

Il convient de noter que les Ptf souhaitent aussi davantage la collecte et le traitement les informations sur la situation de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, de renseigner le taux de couverture nationale des besoins céréaliers pour une meilleure lecture de la performance enregistrée dans le secteur agricole. ‘’Dans le domaine des politiques sociales et du capital humain, les partenaires recommandent d’évaluer les programmes des filets sociaux tels que la Cmu et le Programme national des bourses de sécurité familiale, pour inclure un plan de sortie. Nous recommandons d’adopter une approche plus inclusive dans l’élaboration de projets de loi d’orientation sur la protection sociale, de prioriser la mise en œuvre d’un plan d’action national et interministériel de lutte contre l’exclusion scolaire’’, plaide-t-elle. Tout en lançant un appel au renforcement de la réponse nationale en matière de protection de l’enfant contre la violence, l’exploitation et les pratiques néfastes dans les secteurs de l’éducation, de la santé, de la justice, de la sécurité et de l’action sociale.

MARIAMA DIEME

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